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Supplément Au Voyage De Bougainville

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Par   •  15 Avril 2013  •  1 855 Mots (8 Pages)  •  2 029 Vues

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Diderot est à l’origine de plusieurs œuvres telles que Les deux amis de Bourbonne, Ceci n’est pas un conte, Madame de la Carlière, ou encore L‘entretien d‘un père avec ses enfants. Ces textes ont en commun, outre d’avoir été écrit à la même époque, de poser, mais de manières différentes, le problème de l’obéissance aux lois. Doit-on suivre les lois lorsqu’elles sont injustes ? Peut-on impunément les transgresser ? Faut-il renouer avec l’état de nature ? Diderot continue de s’intéresser à ces questions lorsqu’il lit et annote le voyage autour du monde de Bougainville. Ce dernier ayant parcourut les continents il ramène avec lui un tahitien qu’il expose dans les salons. Ainsi, prétextant que Bougainville a omis d’y consigner certaines de ses aventures, Diderot imagine d’étoffer la relation de l‘escale tahitienne et écrit le Supplément au voyage de Bougainville. Dans la troisième partie de cette fiction, Orou et l’aumônier s’entretiennent de religion ainsi que de liberté sexuelle. Le tahitien ne peut s’empêcher de donner son avis. Et c’est avec une rhétorique confondante et péremptoire que Orou va démontrer à l’aumônier le non sens de ses lois.

Dans cet extrait Orou construit un discours réfléchi avec des procédés rhétoriques efficaces. Cependant, le personnage qu’incarne le tahitien est peu vraisemblable et cadre mal avec l’image du "sauvage".

L'argumentation de Orou est très méthodique. En effet, il essaye de convaincre son interlocuteur. Son développement est structuré par l'énonciation de sa thèse au début du passage (l1 et l2) "Ces préceptes singuliers, je les trouves opposés à la nature, contraires à la raison", ainsi que par sa conclusion à la fin de l'extrait (l 35et 36) " Crois-moi, vous avez rendu la condition de l'homme pire que celle de l'animal". Afin que le texte soit parfaitement clair, il organise son raisonnement en le divisant en deux parties distinctes qu'il agence en effectuant une répétition ainsi qu'en reprenant sa thèse initiale (l 9) " Contraires à la nature, …" et (l 23) " Contraires à la loi générale des êtres." Sous entendus contraires à la raison. On notera également que ces deux thèses sont suivis d'arguments reliés au texte par des connecteurs logiques (l 9) " parce qu'il …" et (l 23) "en effet" ce qui démontre encore une fois que le texte est structuré et que le tahitien souhaite convaincre son interlocuteur. Cependant, Orou cherche également à persuader l'aumônier par des questions oratoires ainsi qu'en le prenant à témoin (l 12) " ne vois-tu pas …" (l 24) " te parait-il" (l 35) " Crois-moi …". Ce procédé fait appel au destinataire pour qu'il se sente concerné par ce que dit le locuteur, ceci sert à faire pression sur l'interlocuteur pour le persuader. Le fait que le tahitien utilise des questions oratoires met en valeur l'interpellation de l'interlocuteur, du lecteur; on soulignera que derrière ces questions se dissimulent des affirmations. On peut donc affirmer que le discours d'Orou est presque parfait, il utilise deux procédés rhétoriques différents, convaincre et persuader. Par ce biais, il utilise tous les atouts possibles afin que l'aumônier lui concède le fait qu'il ait raison.

Néanmoins, une telle maîtrise de la rhétorique est plus que suspecte et par conséquent le personnage qu'incarne le tahitien devient peu vraisemblable. En effet, comment ce fait-il que celui-ci emploie un lexique européen ? De plus, c'est Orou qui représente ici le savoir. Le texte aboutit à une opposition entre le personnage et l'adjectif dévalorisant qui le désigne : "sauvage". Le schéma ethnographique est renversé. Non seulement ici l'homme à l'état de nature n'est pas inférieur, mais il semble trop bien parler et utiliser les procédés de rhétorique. En effet, le tahitien contrôle les règles de l'éloquence. On peut citer les phrases interminables qui témoignent la maîtrise syntaxique d'Orou par exemple (l 12) " … la chose qui n'a ni sensibilité, ni pensée, ni désir, ni volonté; qu'on quitte, qu'on prend, qu'on garde, qu'on échange sans qu'elle souffre et sans qu'elle se plaigne, avec la chose qui ne s'échange point, qui ne s'acquiert point; qui a liberté, volonté, désir; qui peut se donner ou se refuser …" Des formules longues et très argumentées mais pas très orales…La maîtrise de l'éloquence par le tahitien est un indice de la double énonciation : Orou est une incarnation du philosophe des lumières qu'est Diderot. En effet, Diderot est obligé de passer par une série de filtres car, rappelons le, la première fois qu'il envoie son ouvrage pour qu'il soit publié dans un bulletin bimensuel Correspondance littéraire ce dernier est refusé, il est donc obligé de remanier son texte afin qu'il soit quelque peu moins subversif. Le discours de Diderot est donc tout d'abord ce qu'a omis de dire Bougainville dans son ouvrage. Ensuite c'est par l'intermédiaire de B que Diderot exprime son point de vue. Et enfin c'est par le discours d'Orou que B énonce son raisonnement.

Nous sommes donc en présence d'un discours réfléchi et construit avec des procédés rhétoriques efficaces mais qui malheureusement ne provient pas d'un véritable homme proche de la nature. En effet, le personnage qu'incarne Orou est peu vraisemblable et celui- ci cadre mal avec l'idée que l'on peut se faire d'un "sauvage". Il faut donc seulement y voire le même procédés que chez Voltaire dans l'ingénu : le procédés de l'œil neuf qui consiste à mettre en scène un étranger qui voit l'institution européenne d'un œil critique.

Le discours d' Orou est un

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