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Résumé De « Marivaux Ou La Structure Du Double Registre » Par Jean Rousset

Dissertation : Résumé De « Marivaux Ou La Structure Du Double Registre » Par Jean Rousset. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  18 Janvier 2015  •  2 797 Mots (12 Pages)  •  4 660 Vues

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Marivaux ou la structure du double registre

1) Un spectateur de ses « hasards »

« Je ne sais point créer, je sais seulement surprendre en moi les pensées que le hasard me fait, et je serais fâché d’y mettre du mien » => L’artiste en Marivaux fait ici preuve de passivité, de « paresse ». Le refus de « créer », c’est le refus de composer d’ordonner préalablement l’œuvre afin de mieux accueillir les surprises de l’improvisation, en « lambeaux sans ordre ». Méfiance de l’ordre, du projet, du plan, de tout ce qui semble à l’avance enchaîner le présent au passé et ruiner la liberté de l’instant (cf. : instantanéité de l’être marivaudien). Réserver les chances de l’instant créateur, c’est aussi sauvegarder l’originalité de l’esprit, assurer le naturel de sa démarche, purifier l’inspiration de toute intrusion étrangère.

Par cette esthétique du hasard et de l’improvisation déclarée Marivaux se situe sur une ligne qui va de Montaigne à Stendhal : Montaigne a fait grand état de la « fortune » qui, à l’en croire, gouverne son vagabondage, son art « fortuite » et sans art, sa « bigarrure » ; Marivaux trouve le même terme : « un peu de bigarrure me divertit ». Quand à Stendhal, il a assez dit que faire des plans glaçait son imagination. Nous verrons que la pratique pourra démentir en partie la doctrine avouée ; => Marivaux se dit et se veux improvisateur, ce qui porte déjà signification.

De plus, la volonté d’improvisation est liée, chez Marivaux, à une attitude de passivité spectatrice ; ces « hasards » que sont les rencontres de l’instant et de l’esprit, il ne les provoque pas. La posture qui lui est familière c’est celle du guetteur : « J’ai guetté dans le cœur humain toutes les niches différentes où peut se cacher l’amour lorsqu’il craint de se montrer… » Ce qu’il guette, c’est quelque choses qui passe, qui va et qui vient, selon une de des expressions constantes de son lexique ; tantôt ce sont les hommes qui passent, « porteurs de visages » , dans la rue ou à la sortie de l’opéra ; tantôt ce sont les « choses » , le monde qu’il tient en point de mire, séparé de son regard par l’intervalle que met entre eux sa passivité immobile. La distance est mise ici par l’âge et la misère de l’ « indigent philosophe », qui est coupé de sa propre vie (cf. : situation de Marianne et Jacob. Enfin, tantôt, l’objet regardé de loin sera le « cœur », le cœur marivaudien, qui lui est aussi, plus que tout le reste, va et vient, sans qu’on y puisse rien. Ce cœur est sous le regard du guetteur obstiné et séparé : l’ « esprit », qui tient l’emploi, un peu à l’écart et hors de jeu, d’une conscience spectatrice. On sait que le motif du miroir, du regard qui se retourne sur soi, et partout chez Marivaux.

2) Les romans du spectateur

Entre le théâtre de Marivaux et ses romans, il y a des communications et des échanges. => C’est par une série d’exercices romanesque de jeunesse qu’il prépare non seulement ses romans de maturité, mais son œuvre dramatique.

Il débute par un long roman à épisodes enchâssés, dans la grande manière du XVIIe siècle, où Rousset voit moins une parodie qu’un de ces pastiches dont Proust se servait pour se désintoxiquer d’un auteur, mais un pastiche beaucoup moins volontaire. => le vrai Marivaux en est à peu près absent.

Il y a donc un fait à retenir : le roman est conçu comme une lettre à une dame dont l’auteur serait épris ; les aventures des héros la convaincront des beautés du parfait amour. De temps à autres, le conte s’interrompt pour laisser le conteur devenir lui-même amant et héros, s’adresser à la destinataire jeter un regard sur le récit en cours. Cet ébauche d’un dialogue par-dessus la tête des personnages, à travers un récit rompu où alternent la présence et l’absence de l’auteur, c’est l’ébauche du véritable Marivaux, qui va se faire jour dans les autres œuvres de la même période jeunesse ( La Voiture embourbée => récit à la première personne mis dans la bouche d’un narrateur mêlé aux événements ; L’auteur se confond avec ce narrateur et se trouve naturellement amené à multiplier les propos d’auteur dur les faits racontés => première forme de la combinaison marivaudienne spectacle spectateur).

Marivaux pousse le système le plus loin possible dans le Pharsamon : avec la liberté extrême que lui accorde la tradition burlesque dans laquelle il s’insère à cette période, il interrompt sans cesse la 3e personne pour se projeter au premier plan, monologuant avec lui-même ou dialoguant avec un lecteur supposé, jugeant et interprétant ses personnages, leurs actes et leur langage.

=> C’est un livre dans le livre, où s’esquisse toute une esthétique du bâton rompu, de la variété, du hasard. A tout propos, il vagabonde, et en vagabondant justifie son vagabondage : « Voici, dira quelque critique, une aventure qui sent le grand ; vous vous éloignez du goût de votre sujet ; c’est du comique qu’il nous faut, et ceci n’en promet point. Dans le fond, il a raison : j’ai mal fait de m’embarquer dans cette aventure… il me prend presque envie d’effacer ce que je viens d’écrire. Qu’en dites vous, Lecteur ?... mais c’est de la peine de plus, et je la crains. Continuons… Un peu de bigarrure me divertit. Suivez-moi mon cher Lecteur. A vous dire le vrai, je ne sais pas bien où je vais ; mais c’est le plaisir du voyage. » ( XI, p.122 123)

Ainsi, que ce soit pour interpeller le lecteur, ou ses personnages, ou s’introduire lui-même comme personnage intermittent confessant ses humeurs et ses opinions, l’auteur ne cesse de tenir ouvert le double registre du récit et du regard sur le récit, s’unissant à ses héros puis s’en dissociant, constatant que leur temps vécu n’est pas le même que le sien.

Sans soute toute cette dissolution voulue de l’illusion romanesque fait elle partie de la tradition burlesque dont elle trahit l’intention première. Mais Marivaux n’est qu’un burlesque partiel et provisoire. Ce qu’il es retient avant tout, c’est la libre conduite d’un récit qui montre à la fois le travail de l’auteur et la réflexion de celui-ci sur son travail. => C’est l’introduction dans l’œuvre d’une conscience critique.

Marivaux s’arrête avec prédilection à ses moments où l’être, dupe de la comédie que lui joue son cœur, la démasque et rétablit la vérité camouflée. Mais la traduction de soi par soi exige le préalable dédoublement en regardant

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