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Romain Gary

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Par   •  17 Avril 2014  •  3 993 Mots (16 Pages)  •  2 182 Vues

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Lecture analytique de l’incipit de La vie devant soi

(jusqu’à – Monsieur Hamil, est-ce qu’on peut vivre sans amour ?)

En 1975 paraît La vie devant soi, roman signé Emile Ajar, le pseudonyme de Romain Gary comme on ne le découvrira que des années plus tard. Si le roman suscite immédiatement l’enthousiasme du public et des critiques au point de lui valoir le prix Goncourt, c’est qu’il propose un discours inédit, celui de Momo, un jeune garçon qui pose sur le monde un regard étonnant, amusant et bouleversant à la fois. Parce que sa mère, une prostituée, ne pouvait l’élever, Momo vit en pension chez Madame Rosa, ancienne prostituée elle aussi, reconvertie dans la garde d’enfants. Le seuil de l’œuvre consacre notre rencontre avec ce personnage-narrateur. A quels enjeux romanesques répond l’incipit de La vie devant soi ? Nous verrons d’abord comment il remplit les fonctions traditionnellement dévolues aux premières pages : informer et intéresser le lecteur, puis dans la seconde partie nous étudierons le pacte de lecture original qu’il met en place.

I. L’INCIPIT REMPLIT SES FONCTIONS TRADITIONNELLES

A. En délivrant des renseignements qui bâtissent de cadre de l’histoire

1. Des informations sur le contexte spatio-temporel

- Belleville est nommé l. 9, quartier de Paris dans lequel s’inscrivent les autres repères spatiaux : l. 22 café de Monsieur Driss en bas. Cf. l’importance accordée à l’immeuble qui sera l’épicentre du drame et en particulier à son escalier (en tant que parties communes, il illustre la solidarité des habitants de l’immeuble, mais sera aussi la cause de la claustration de Madame Rosa, et l’axe vers la cave et son trou juif) : l. 1 au sixième à pied, l. 10 les six étages (…) dans l’escalier. Quelques informations parcellaires permettent également de comprendre que le narrateur y vit dans un appartement qui sert de pension : la mention l. 14 du mandat à la fin du mois et l. 11-12 de tous les mômes qui cohabitent : On était tantôt six ou sept tantôt même plus là-dedans.

- En l’absence d’indication temporelle, le lecteur est conduit à supposer qu’il s’agit de l’époque contemporaine de la parution du roman, les années 1970, hypothèse corroborée l. 23 par l’évocation du passé de Monsieur Hamil, autrefois marchand de tapis ambulant en France, donc représentant de la première génération d’immigration maghrébine, et par le melting pot ethnique et culturel signalé l. 9 : Il y avait beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs à Belleville

2. Une esquisse des personnages

Deux personnages apparaissent dès l’incipit, dont on devine qu’ils occupent une place privilégiée dans l’univers du narrateur et que le roman leur consacrera une place importante :

a) Monsieur Hamil

▪ L’incipit suggère que Momo a noué avec lui une relation bienveillante et affectueuse : l. 22-23 je m’assis en face de Monsieur Hamil ; l. 26 mon petit Momo.

▪ Une première caractérisation du personnage nous est proposée, à la fois par le biais des informations que le narrateur nous apporte concernant son âge et son histoire l. 23-24 mais aussi à l’occasion d’un dialogue qui dévoile son caractère et ses valeurs : volonté de se montrer fidèle à soi et aux autres (l. 30-31), respect de Dieu (l. 26 et 32), humilité et quête de sagesse (31-33). Momo semble éprouver pour lui du respect : l. Monsieur Hamil (…) a tout vu, et rechercher son savoir et son expérience (cf. les deux questions qu’il lui pose), c’est pourquoi ce personnage incarne un patriarche et une figure paternelle, renforcée par leurs origines maghrébines communes.

b) Madame Rosa

▪ Son statut de protagoniste se manifeste doublement : elle est nommée dès la première phrase du roman, et Momo fait sans cesse référence à elle dans cette première page, au point qu’elle semble omniprésente dans ses pensées (cf. l. 2-6, 9-21 et 34).

▪ Elle n’est décrite, d’abord, que par un caractère geignard qui semble ne relever que du cliché : chaque fois qu’elle ne se plaignait pas d’autre part, car elle était également juive, et sous l’angle de sa corpulence et de la souffrance physique qui en est le corollaire : l. 2 avec tous ces kilos qu’elle portait sur elle, l. 3 avec tous les soucis et les peines ; l. 4 Sa santé n’était pas bonne non plus. Le narrateur insiste à trois reprises sur le calvaire que constitue l’ascension des escaliers : l. 5 c’était une femme qui aurait mérité un ascenseur ; l. 9-10 Madame Rosa était obligée de grimper les six étages seule.

▪ Elle est, surtout, la figure féminine que le narrateur associe à l’amour, ce qui fait d’elle un substitut maternel : l. 6-7 l’enfant reconnaît n’avoir aucun souvenir antérieur à leur rencontre, mais aussi l. 13-21 et en particulier l. 15 Je croyais que Madame Rosa m’aimait pour rien et qu’on était quelqu’un l’un pour l’autre, mais aussi l. 34-35 où la question anxieuse de l’enfant sur l’amour trouve explicitement sa source dans la crainte que Madame Rosa ne l’aime pas. Elle-même apparaît nettement comme le substitut de la mère, veillant à consoler et réconforter, tant par ses gestes : l. 19-20 elle m’a pris sur ses genoux, que par ses mots, restitués au discours indirect : elle m’a juré que j’étais ce qu’elle avait de plus cher au monde.

▪ Quelques autres informations sont délivrées de manière éparses et comme incidemment, qui permettent d’envisager le passé du personnage : elle était (…) juive (…) c’était une femme qui aurait mérité un ascenseur. On apprendra quelques pages plus loin qu’elle est rescapée d’Auschwitz Quant à la formule qui la désigne systématiquement, Madame Rosa, elle associe un titre exprimant le respect (on n’appelait autrefois « madame » que les femmes de qualité) au seul prénom, alors que l’usage est de lui associer le nom. Cela peut tout aussi bien exprimer la familiarité tendre de Momo à son égard, que constituer un clin d’œil aux tenancières de maisons closes comme la célèbre « Madame Claude », et être une reviviscence de son passé de prostituée.

B. Et en créant un horizon d’attente

1. Introduction des thèmes majeurs de l’œuvre

Cet incipit présente en germes les deux

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