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Rimbaud, Roman, Le cahier de Douai

Commentaire de texte : Rimbaud, Roman, Le cahier de Douai. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  23 Janvier 2013  •  Commentaire de texte  •  1 800 Mots (8 Pages)  •  9 128 Vues

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Introduction

Arthur Rimbaud est un très grand poète français de la seconde moitié du XIXe siècle, dont l’œuvre a été si mal accueillie par ses contemporains en raison de son caractère novateur et provocant que son ami Verlaine l’a classé parmi les « poètes maudits ». Toute sa production date de son adolescence, entre 1870 et 1872, avant que, parvenu à l’âge adulte, il ne décide brusquement de choisir la dure réalité en renonçant à l’écriture jugée désespérément illusoire.

« Roman » appartient aux premières tentatives du poète, encore assez traditionnelles, publiées dans le « Cahier de Douai ». Il s’agit de l’évocation lyrique et satirique des émotions adolescentes à la fin du printemps. Rimbaud observe ses réactions intimes et s’amuse de l’idylle naissante avec une jeune demoiselle croisée sur le mail d’où le titre donné à la pièce en vers. La capacité de prendre du recul à l’égard de sa propre personne ainsi que l’autodérision résultante sont remarquables chez un tout jeune homme. En quoi ce poème est-il donc l’expression d’un lyrisme postromantique ?

Nous verrons comment Rimbaud s’appuie sur les sensations pour évoquer les lieux, puis avec quel humour il rappelle ses premières émotions amoureuses.

Développement

Le poète évoque « les bons soirs de juin », c’est-à-dire de la fin du printemps ou du tout début de l’été, dans un petit bourg, sans doute Charleville où il a grandi. Le poème nous rapporte le scénario d’un petit « roman » bâti sur quatre chapitres de deux strophes. Les deux premiers décrivent le cadre du récit ; les deux derniers, les péripéties qui en résultent.

I. L’importance des sensations dans l’évocation des lieux

Le poème fait donc la part belle aux circonstances. Il s’appuie notamment sur les notations sensorielles pour placer ses émois d’adolescent et son aventure sentimentale. Notons d’abord l’importance du moment (4 fois « soir » + 1 fois « nuit ») qui va caractériser fortement les perceptions.

Le saisissement des sens

D’abord la vue est limitée en raison de l’obscurité, ou plutôt de la pénombre, en ces nuits les plus courtes de l’année autour du solstice d’été. La portion de ciel entraperçue à travers les feuillages devient métaphoriquement un fichu retenu par une broche à la pierre discrète. Le spectacle est rendu au moyen d’oppositions de valeurs : « azur sombre » d’un côté, « étoile […] petite et toute blanche » de l’autre. Seuls les « tilleuls » paraissent « verts », mais s’agit-il encore d’une notation visuelle ? Tout au plus une réminiscence d’une perception diurne à moins qu’elle ne soit surtout une valeur affective…

Selon une réminiscence du maître Baudelaire que Rimbaud a beaucoup admiré, la sensation visuelle évoque un équivalent tactile. Le scintillement de l’étoile devient « de doux frissons ». Le toucher est encore mis à contribution pour définir le contact de « l’air » sur le visage. Il est « si doux, qu’on ferme la paupière ». Dans la pénombre, la peau apporte plus d’information que les yeux. On peut penser que le vert des tilleuls contribue également à la fraîche douceur du soir1. Le poète se comporte comme un aveugle conduit à se fier à ses autres sens pour suppléer la vue défaillante.

L’ouïe est alors sollicitée. Dans la paix du soir, l’activité urbaine ne parvient que sous la forme « de bruits » indistincts. On n’entend plus les « cafés tapageurs ».

Le vent qui est le vecteur des principales sensations apporte surtout les parfums. Ce sont eux qui dominent et procurent le plaisir : « Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin ! », les répétitions de « bon », puis de « parfums » soulignent l’importance de l’olfaction.

La nature contre la ville

Rimbaud joue de toutes ces perceptions pour opposer la ville artificielle à la nature nourrissante et savoureuse. La cité est l’univers du bruit et de la lumière qui s’imposent violemment, ne permettent pas l’évasion et le rêve. Les « cafés » y sont « tapageurs » ; leurs « lustres », « éclatants ». Les « réverbère[s] » diffusent une « clarté » « pâle » qui connote la tristesse. À l’opposé le mail atténue toutes ces sensations brutales, il dilue les formes dans la pénombre, rehausse des perceptions délaissées jusque-là.

L’ivresse

Cette nouvelle manière d’apprécier l’environnement est occasionnée par les parfums entêtants, aphrodisiaques des tilleuls qui encadrent le « roman » depuis la fin de la première strophe jusqu’à celle de la dernière. Il faut leur ajouter ceux de la « vigne » et de la « bière » qui évoquent la libération des instincts lors des fêtes dionysiaques, tandis que les points de suspension qui suivent ouvrent sur l’innommable.

Ces senteurs et ce rêve débouchent sur l’ivresse qui est annoncée par les exclamations désordonnées du début de la deuxième strophe du chapitre II, puis explicitée par les verbes « griser », « divague[r] ». Cette communion à la nature par les sensations permet au poète de sentir en lui aussi la sève qui bouillonne. Elle devient par métaphore un « champagne », un vin léger, pétillant qui évoque la fête et la célébration des événements exceptionnels.

Cette ébriété diminue le contrôle de la raison sur le comportement. Les pulsions internes non réprimées peuvent désormais affleurer. Le plaisir infantile buccal ressurgit sous la forme du « baiser » à la rime sémantique de « griser », tandis que celle de « bête » s’oppose à « tête ».

II. L’humour pour les premières émotions amoureuses

Cette fête du corps libéré par les odeurs et

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