Questionnement sur Proust

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Dans Contre Sainte-Beuve, Proust écrit: « un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. »

Cette thèse de Proust rend alors problématique le concept d’autobiographie car effet d’après Lejeune cette dernière serait un « récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité ». Pour Proust il faut dissocier l’auteur en tant qu’homme « mondain », c’est-à-dire l’homme en tant qu’il se comporte en société et l’auteur en tant qu’il est un créateur. Or, dans de tels récits, le but est au contraire de se dévoiler à ses lecteurs, de pouvoir se confier sur ses sentiments sans crainte comme dans Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau ou dans Le Journal d’Anne Frank. De plus, les mémoires rendent compte aussi de cette idée puisqu’elles sont justement des recueils de souvenirs qu’une personne rédige à propos d’événements historiques ou anecdotiques, publics ou privés à certains moments de sa vie comme  et les « vices » dont parle Proust font justement partis de ce qui pourrait être inclus dans ce qui résulte du privé. Or, le but est bien de se livrer sur quelque chose qui a marqué notre vie et donc qui a compté pour nous, en tant que personne singulière et pas simplement en tant qu’homme comme Les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand ou encore Si c’est un homme de Primo Levi.

Bien qu’on vienne de montrer l’absurdité d’une telle entreprise, on doit admettre que même si Sainte-Beuve parvenait réellement à fixer par écrit la personnalité d’un auteur, il ne s’agirait pas de la biographie de la vie intime de l’écrivain, mais de sa vie sociale. En effet, les seules informations qu’on puisse recueillir sur un homme sont des faits mondains, car il est impossible, en tant qu’ego, de se mettre à la place d’un autre, de lire ses pensées, de deviner ses désirs les plus secrets, de revivre son passé… Ainsi, avec cette fameuse citation, Proust explique que la méthode de Sainte-Beuve ne peut pas reconnaître ce que seul nous-même puissions savoir. En fait, pour Proust, rien ne sert de faire le portrait d’un auteur pour comprendre son œuvre, car l’homme qu’il présente au reste du monde et à la société dans laquelle il se montre avec son moi social, n’est pas le même qui crée l’œuvre d’art, son moi créatif, interne. Par exemple, dans Les Regrets, Du Bellay traduit son malheur en se plaignant de sa vie lorsqu’il était à Rome. Or, en réalité, d’après certaines sources, Du Bellay aurait été heureux et épanoui lorsqu’il était à Rome. Donc, en suivant la thèse de Proust, Les Regrets aurait pu être écrit par le « moi profond » de Du Bellay et pas par son « moi mondain ».

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