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Présentation et lettre de souffrance dans l'œuvre poétique de Leconte de Lisle

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Par   •  27 Novembre 2014  •  Analyse sectorielle  •  4 727 Mots (19 Pages)  •  834 Vues

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Représentation et écriture de la souffrance

dans l’œuvre poétique de Leconte de Lisle

Il est vrai que l’acte de création poétique est souvent lié à l’expression des sentiments et des émotions qui sous-tendent le vécu du poète. De par ce fait, la poésie se trouve être un champ propice pour le développement des thèmes qui se ramènent à l’expérience individuelle du poète. Tel est le cas de l’expression de la souffrance personnelle, qui est l’un des topoï, ayant marqué la poésie française pendant des siècles. Cependant, avec l’avènement de la nouvelle génération des poètes parnassiens, l’exaltation des émotions personnelles prend une nouvelle dimension et se trouve être plutôt synonyme de « vanité » et de « profanation gratuite », comme l’affirme Leconte de Lisle dans la préface des Poèmes antiques.

Par ailleurs, cette nouvelle conception de la création poétique semble présider aux différents reproches d’impersonnalité voire d’impassibilité souvent adressés à la poésie parnassienne, incarnée par l’exemple de son chef de file, Leconte de Lisle. Toutefois, il reste qu’un climat de souffrance imprègne une considérable partie de son œuvre poétique et les lettres adressées à Emile Leforestier. Désormais, l’ensemble de la poésie lislienne prend la forme d’un discours motivé par la douleur d’être dans un monde profane. La souffrance du poète est incommensurable face à la décadence qui marque la création poétique des derniers romantiques et la montée de la poésie dite populaire.

Cependant, en dépit de la souffrance endurée, l’expression se fait souvent d’une manière assez implicite. C’est pourquoi nous envisageons de revenir sur les différentes formes de la pensée et de l’écriture de la souffrance dans l’œuvre poétique de Leconte de Lisle, afin de les expliciter davantage. Il s’agira de montrer que son expression repose sur un ensemble de stratégies discursives et énonciatives oscillant entre projection imaginaire dans des figures mythiques et sublimation esthétique. Ceci dit que la souffrance, loin de se réduire à une présence thématique, aussi obsédante soit-elle, est l’objet d’appréhension à la fois poétique, esthétique et métaphysique.

En fait, la représentation de la souffrance dans la poésie lislienne semble s’articuler autour de deux axes majeurs. Le premier se ramène à la présence d’une « pensée souffrante » qui marque plusieurs poèmes essentiellement mythiques. De fait, la présence du mythe relève d’un raisonnement analogique dont l’objet porte sur un aspect traditionnellement laissé à l’insignifiance de la particularité biographique. C’est une analogie construite et non spontanée dont l’objectif est de fonder un mode de signification essentiellement symbolique.

De par ce fait, le chef de file des Parnassiens envisage de se distancier de la lignée des poètes romantiques qui se plaisent à décrire leur douleur. C’est le moyen qui permet au poète aussi bien qu’à la poésie d’échapper à la décadence et à la barbarie qui règnent et de retrouver la grandeur première du genre poétique. C’est ce qui nous amène par conséquent au second grand axe de la représentation de la souffrance qui prend forme au niveau de l’écriture poétique. Selon Leconte de Lisle, le poète doit avant tout réaliser un ensemble d’épreuves purgatoires dont l’objectif est de garantir à la poésie une renaissance meilleure. La tâche du poète consiste désormais à trouver le mode d’expression le plus adéquat pour exprimer l’intensité de ses émotions personnelles, sans tomber pour autant dans le piège de la pleurnicherie sentimentale. C’est ce qui fait que le culte voué à la rigueur formelle devient synonyme d’une quête initiatique à même de conduire à une véritable renaissance poétique, fortement marquée de souffrance.

1- De quelques traits caractéristiques de la souffrance :

Le détour par l’histoire des religions anciennes représente aux yeux de Leconte de Lisle une sorte d’échappatoire qui permet d’éviter l’exacerbation lyrique. C’est le moyen aussi de retrouver les formes anciennes de l’écriture poétique ayant fait la grandeur de la poésie antique. Or, il s’agit essentiellement de fuir la décadence poétique, dont sont victimes les derniers romantiques, et non de chercher à bannir toute forme de sentimentalisme, comme l’affirme si bien Leconte de Lisle : « En aura-t-on bientôt fini, dit-il, avec cette baliverne ? Poète impassible ! Alors quand on ne raconte pas de quelle manière on boutonne son pantalon, et les péripéties de ses amourettes, on est un poète impassible ? C’est stupide ! »

En effet, l’objectif du poète parnassien consiste à rompre avec la longue tradition d’égotisme poétique. C’est ce qui fait que la poésie lislienne fut souvent considérée, à tort ou à raison, comme étant impassible et impersonnelle. Toutefois, nous estimons que cette impassibilité n’est qu’apparente et que les vers de Leconte de Lisle recèlent une expression modérée de la souffrance. Pour ce faire, le poète se fie essentiellement au pouvoir suggestif propre à la figuration mythique capable de traduire sa pensée aussi bien que ses sentiments.

Ainsi, de par les titres mêmes de certains recueils, l’idée de la souffrance semble être fortement suggérée. Nous citons entre autres les Poèmes barbares et les poèmes tragiques. Toutefois, en dépit de la souffrance endurée, l’expression se fait souvent d’une manière assez implicite. Ceci semble émaner de la volonté du poète qui refuse de livrer ses sentiments personnels à cette « plèbe carnassière » comme il le souligne dans son poème « Les Montreurs » :

Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,

Dussé-je m’engloutir pour l’éternité noire,

Je ne te vendrai pas mon ivresse ou mon mal,

Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,

Je ne danserai pas sur ton tréteau banal

Avec tes historions et tes prostituées.

Or, l’expression de la souffrance se fait souvent à partir d’un fréquent recours au mythe. En effet, la poésie lislienne offre un grand tableau où de multiples figures mythiques, issues de la tradition biblique, comme Caïn, ou gréco-latine, comme Héraclès, surgissent et s’entremêlent dans un parfait syncrétisme. S’y ajoutent aussi d’autres personnages qui incarnent la souffrance. Il s’agit là des figures poétiques, des

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