Pour quelles raisons les personnages de roman ayant un caractère étrange ou déroutant sont-ils particulièrement intéressants ?

“L’étrangeté est le condiment nécessaire de toute beauté” affirme Charles Baudelaire, dévoilant ainsi l’une des quêtes de sa poésie. Ce propos, transposé au genre romanesque, peut inviter à se demander pour quelles raisons les personnages de roman ayant un caractère étrange ou déroutant sont particulièrement intéressants. Habituellement, ce qui surprend au point de déconcerter, ce qui est inattendu au point de questionner, peut créer une réaction de repli voire de rejet. L’homme n’est pas nécessairement ce qui sort des sentiers battus. Cependant, dans le roman, genre littéraire où la fiction instaure une forme de pacte entre le narrateur et le lecteur, où l’aventure fait partie du contrat initial, le caractère incompréhensible ou encore différent d’un personnage peut constituer un ingrédient attractif et susciter une forme d’attraction. Le personnage déroutant semble non seulement ambivalent en lui-même mais aussi dans les réactions qu’il provoque.

Nous envisageons pourquoi les personnages étranges et déroutants intéressent, puis pourquoi les personnages étranges et déroutants peuvent également déstabiliser et déranger le lecteur , avant d’imaginer l’étrangeté d’un personnage comme étant une étiquette, un qualificatif, mis par le lecteur alors qu’en réalité, un personnage n’est pas étrange par nature. Ainsi, il convient de se demander pourquoi de la lecture d’une oeuvre littéraire émane un sentiment contradictoire, oscillant entre attraction et répulsion?

Le lecteur s'intéresse assez naturellement aux personnages hors du commun qui ont des traits de caractères très différents des personnes qu’il côtoie ou de lui même. La lecture est en ce sens un moyen de s’evader de son propre univers en rencontrant des personnages différents. Notre curiosité nous pousse à découvrir le mystère qui entoure le personnage. La présence dans un roman de ce genre de personnages qui intriguent va de pair avec la rechercher de qui est différent de la réalité. En 1831, dans “Chef d’oeuvre inconnu”, Balzac développe une description très étrange et mystérieuse lorsque le personnage principal Nicolas Poussin fait la rencontre d’un vieillard sur le palier du domicile de Maître Porbus du nom de Frenhofer. En effet, cet homme capte l’attention du lecteur par son physique improbable et intriguant qui est décrit de manière si spéciale et précise alors qu’on ne s’attendait pas à rencontrer le vieil homme. Ainsi, le lecteur se voit obligé d’imaginer quelque chose d’assez extraordinaire parce que la seule chose que nous connaissons de ce personnage est son anatomie, son faciès et sa morphologie invraisemblable. En mettant en scène ce personnage très mystérieux et bizarre, Balzac réussi indéniablement à attirer l’attention du lecteur vers le personnage.

Le personnage étrange suscite également l'incompréhension, et cela donne envie de déchiffrer et de comprendre. Tout lecteur s’attend même dans le cadre d’un récit réaliste, à être porté par le récit, et surtout intéressé par le personnage. Comme chaque personnage dans la vraie vie est différent, le lecteur s’attend à la nouveauté. Notamment dans La Chute d’Albert Camus paru en 1957, le personnage principal Jean-Baptiste Clamence fait en quelque sorte son propre procès tout au long du récit. Comme le narrateur adopte un point de vue unique, le lecteur ne dispose d’aucune information extérieure sur le protagoniste qui prend lentement conscience de l'inanité de son comportement passé. Ici, le personnage a une vision particulière du monde et de la vie qu’il a vécu. Ce qui est étrange dans ce cas, c’est que le personnage partage la vision qu’il a sur lui meme, chose qu’on a très peu l’habitude de voir. Ainsi, en proposant une pensée alternative à celle qu’il a lui même pratiquée durant toute sa vie donne envie au lecteur de comprendre son passé pour mieux déchiffrer ce qu’il en pense désormais.

Le personnage étrange est aussi celui qui est imprévisible, original, et en cela, il est une promesse pour le lecteur qui peut ressentir une certaine excitation parce que il ne sait pas ce qu’il risque de se passer. En ce sens, l'originalité d’un personnage peut être celle d’un rebelle au monde qui l’entoure. Le lecteur peut ne pas nécessairement y adhérer mais dans tous les cas, il présente une nouvelle manière d’envisager le monde et la manière de vivre. Meursault nous donne justement son point de vue en théorisant la philosophie de l’absurde dans l’excipit de l’Etranger propose par Camus en 1942. Alors qu’on a été habitué à un Meursault impassible, insouciant et indifférent pendant tout le récit, lorsqu’il rencontre l'aumônier, il prend conscience de l'absurdité

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