Pierre et Jean, Guy de Maupassant

Pierre et Jean

De Guy de Maupassant

Rivalité des deux frères – Chapitre 1

De « Ensemble, d’un même effort… » à « cette nage désordonnée. »

TEXTE ETUDIE : « Ensemble, d’un même effort, ils laissèrent tomber les rames, puis se couchèrent en arrière en tirant de toutes leurs forces ; et une lutte commença pour montrer leur vigueur. Ils étaient venus à la voile tout doucement, mais la brise était tombée et l’orgueil de mâles des deux frères s’éveilla tout à la perspective de se mesurer l’un à l’autre.

Quand ils allaient pêcher seuls avec le père , ils ramaient ainsi sans que personne gouvernât, car Roland préparait les lignes tout en surveillant la marche de l’embarcation, qu’il dirigeait d’un geste ou d’un mot : « Jean, mollis ! » - « A toi, Pierre, souque. » Ou bien il disait : « Allons le un, allons le deux, un peu d’huile de bras. » Celui qui rêvassait tirait plus fort, celui qui s’emballait devenait moins ardent, et le bateau se redressait.

Aujourd’hui ils allaient montrer leurs biceps. Les bras de Pierre étaient velus, un peu maigre, mais nerveux ; ceux de Jean gras et blancs, un peu roses, avec une bosse de muscles qui roulait sous la peau.

Pierre eut d’abord l’avantage. Les dents serrés, le front plissé, les jambes tendues, les mains crispées sur l’aviron, il le faisait plier dans toute sa longueur à chacun de ses efforts ; et la Perle s’en venait vers la côte. Le père Roland, assis à l’avant afin de laisser tout le banc d’arrière aux deux femmes, s’époumonait à commander : « Doucement, le un – souque, le deux. » Le un redoublait de rage et le deux ne pouvait répondre à cette nage désordonnée. »

Guy de Maupassant – Pierre et Jean – Extrait du chapitre 1

Ce texte est un extrait du roman naturaliste Pierre et Jean, de Guy de Maupassant, qui fut publié en 1888.

Cette scène, extraite du premier chapitre, évoque la compétition à laquelle se livrent soudain les deux frères dans la petite barque qui doit ramener la famille au port après une partie de pêche. Chacun veut montrer qui est le plus fort.

Après avoir relevé les éléments qui composent une partie de l’univers marin (important dans le roman), nous étudierons le façon dont la scène se transforme en lutte sans merci, annonçant l’échec final de Pierre.

Nous observons que l’extrait se déroule pendant une partie de pêche, ce qui montre un cadre réaliste. Il y a une allusion à une habitude « Quand ils allaient pêcher seuls… ». La mer est le cadre privilégié du monde : la voile, la brise, les lignes, les rames, l’embarcation, le bateau, nage. Entre le premier et le dernier chapitre, dans un effet miroir qui reflète le début et la fin, on retrouve la même barque, La Perle, où se nouent les tensions.

Le père Roland est un passionné, qui ne comprend rien d’autre que l’univers marin. En vrai capitaine d’une simple barque, « en surveillant la marche de l’embarcation », « dirigeait d’un geste ou d’un mot », « s’époumonait à commander », « redoublait de rage ». Maupassant se moque de ce personnage qui n’a en réalité

...