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Peut-on dire qu'une oeuvre échappe à son auteur ?

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Par   •  7 Février 2016  •  Dissertation  •  1 715 Mots (7 Pages)  •  3 152 Vues

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L’écriture est un acte personnel : selon Gustave Flaubert « il faut écrire pour soi, avant tout, c’est la seule chance de faire beau ». L’auteur est en effet seul face à sa page blanche, il y couche ses idées, ses théories, ses fantaisies, parfois ses rêves. Il berce son œuvre tel un enfant en son sein, la nourrit de son vécu et de ses ressentis. Elle ne dépend que de lui. Pourtant arrive un jour le moment de la publication : l’auteur livre alors son texte à la lecture, à la critique, au reste de l’humanité. Dès ce premier instant, son texte ne lui appartient plus tout à fait…

L’auteur est pleinement responsable de ce que contient son oeuvre. Cependant il n’a d’autre contrôle sur l’interprétation qui peut en être donnée que quelques remarques dans une préface ou bien des interventions écrites ou orales de son vivant. Les intentions de l’auteur resteront-elles clairement perceptibles par ses lecteurs au cours du temps ? Ses théories seront-elles encore valables dans une société qui a évolué ? L’œuvre littéraire a pourtant comme principe de fixer noir sur blanc un certain nombre d’idées à un moment donné, dans un contexte historique et social précis… mais jusqu’à quel point dépasse-t-elle ces paramètres et peut-elle se révéler autre que ce qu’a voulu son auteur ?

C’est pour répondre à ces questions que nous allons dans un premier temps analyser ce qui fait qu’un texte littéraire appartiendra toujours à son créateur, ainsi qu’à l’époque dans laquelle il a vécu. Nous verrons ensuite comment ce texte accède à une autre dimension temporelle, échappant par là-même à son auteur. Enfin, nous étudierons par quels moyens l’œuvre d’art acquiert une existence propre, au-delà de la forme qu’a voulu lui donner l’écrivain.

Toute création est marquée par son auteur et s’inscrit dans son époque. La trace la plus évidente laissée par l’écrivain tout au long de son texte passe par son style. L’écriture en effet, comme les autres arts, peut prendre différentes couleurs, des formes ou des tonalités variées. Celles qui sont choisies par l’auteur lui sont propres, il s’agit d’une sorte de signature personnelle. Ainsi on ne peut pas confondre une phrase de Marcel Proust avec une phrase de Colette, bien que les deux écrivains soient contemporains. L’écriture du premier affectionne les phrases longues, rythmées comme une danse, alors que « l’art » de la seconde, d’après un critique « va se dépouillant ».

Au-delà de la forme, bien entendu, c’est le fond de l’œuvre lui-même qui appartient avant tout à son créateur. Il y place sa conception du monde, ses certitudes et ses interrogations plus ou moins camouflées. Un texte est une création très personnelle, parfois presque intime. C’est pour cela que la connaissance de la biographie d’un auteur éclaire son œuvre. Par exemple, savoir que Jorge Luis Borges est devenu inéluctablement aveugle donne une autre dimension à la lecture de certaines de ses nouvelles, comme L’autre, dans laquelle il prédit la cécité à un jeune homme, comme « la longue fin d’un très beau soir d’été ».

L’artiste est avant tout un homme, qui laisse un peu de son âme dans son œuvre, la marquant inéluctablement de sa griffe. C’est aussi un homme de son temps, de son siècle. Outre le fait que l’artiste s’inspire parfois d’évènements contemporains, l’appartenance à une époque transparaît dans son texte de plusieurs façons.

Tout d’abord, rares sont les écrivains qui ne font pas partie d’une tendance ou d’un mouvement littéraire. Les genres se sont renouvelés au cours des siècles, mais chaque œuvre, que ce soit du théâtre, de la poésie ou du roman, est marquée par le courant spécifique qui a influencé son auteur ou dont il a été à l’origine. On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’auraient écrit Racine ou Corneille s’ils étaient nés au XIXème siècle, en plein romantisme. La mécanique implacable et cruelle de la passion dans Andromaque aurait-elle pu donner le jour à un drame romantique de l’ampleur d’Hernani, par exemple ?

Tout comme l’homme (ou la femme) qui l’a écrite, une œuvre littéraire reste largement influencée par la société dans laquelle elle a vu le jour. Comme le faisait remarquer Louis de Bonald en 1806 : « la littérature est l’expression de la société ». Ainsi, quoi qu’il arrive, la peinture historique ou sociale qu’un auteur a voulu faire de son époque restera un témoin de sa vision des évènements. Cet aspect est porté à son paroxysme dans Les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, où il décrit la société dans laquelle il a vécu.

Une œuvre littéraire est donc dépendante de son auteur et de son époque. Elle appartient à son créateur, qui lui donne une signification, un style, et la fixe dans son espace temporel.

Une véritable œuvre d’art, toutefois, finit toujours par se détacher de ces contingences temporelles. En cela elle échappe bien à son auteur, qui restera l’homme d’une vie ou, au mieux, d’un siècle. En effet, si l’écrivain vieillit, supporte les outrages du temps et finit par mourir physiquement, ses textes, eux, accèdent à l’immortalité. Ils seront transmis de génération en génération en l’état exact où ils étaient à leur naissance. Certains s’intègreront même au patrimoine culturel collectif. Citons les contes d’Anderson

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