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Peut-on Innover, En Poésie, Dans L'expression Du Sentiment Amoureux ?

Dissertation : Peut-on Innover, En Poésie, Dans L'expression Du Sentiment Amoureux ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Février 2014  •  1 864 Mots (8 Pages)  •  1 054 Vues

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Quoi de plus poétique que le sentiment amoureux ? En effet la poésie a généralement été considérée comme lyrique, c’est-à-dire une expression privilégiée des sentiments. Dans le bouillonnement intérieur de notre affectivité, c’est l’amour qui engendre le plus fortement colères, joies, craintes ou tristesse. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait particulièrement inspiré les poètes. Or pour exister il a besoin d’être exprimé. De plus, si le poète amoureux veut être accepté et remarqué, il se doit de respecter les usages tout en s’essayant à l’originalité.

I/Les conventions, l’effet de mode

L’expression du sentiment amoureux a été très tôt codifiée par la société afin de préserver la paix dans les familles, la tribu puis la cité. Les premiers écrits cherchent à discipliner l’ardeur de l’attrait physique, entendent respecter la femme en voyant en elle la future mère… Les jeunes femmes ne sont accessibles que dans des rencontres publiques très encadrées.

Les rites sociaux

Ces rites sociaux sont présents dans les textes du corpus. Le Moyen-Âge et la Renaissance ont connu la poésie de cour. Ronsard, déjà bien vieux pour son époque – il a cinquante-quatre ans – s’adresse à Hélène dans ses Sonnets. Hélène est un personnage réel, Hélène de Surgères, fille d’honneur de Catherine de Médicis ; mais pour Ronsard, il s’agit aussi de viser l’éternel féminin au travers de la mythique Hélène de Troie, sujet de discorde violente entre Troyens et Achéens. Des formes poétiques dédiées comme le madrigal, l’épithalame et surtout le sonnet fonctionnent comme des déclarations à distance, permises seulement parce que la proximité physique est proscrite. La Sablière est « Éloigné d[es] yeux » de son « ange ». Les mots accordent ce que la gestuelle ne pourrait s’autoriser. La cour veut bien de ces écrits qui raffinent la passion en jeux intellectuels, mythologiques et esthétiques. Elle y prend même un singulier plaisir. Cette déférence sociale autant qu’amoureuse est marquée par le « Madame » au double sens : titre respectueux et maîtresse du cœur.

L’idéalisation de la femme

Pour contenir dans des limites convenables le désir physique, cette poésie amoureuse, à la suite de la littérature courtoise, cultive l’idéalisation. La Sablière, s’adresse à l’aimée sous la forme « mon ange » qui a perdu sa force expressive pour devenir un cliché linguistique. Éluard reprend à son compte cette tradition de la femme élevée sur un piédestal de madone, il invoque « une jeune fille nue / Au milieu des mains qui la prient » et poursuit avec les premiers mots de l’Ave Maria : « Je te salue ».

La rencontre publique

Plus tard, notamment au XIXe siècle, la rencontre peut se produire lors de la fréquentation des théâtres, pendant les invitations dans les salons, et surtout au cours des bals. Charles Cros avoue son amour plein de crainte « Sur un carnet d’ivoire ». Il évoque son admiration pour la belle cavalière qui « dans un tourbillon d’étoffes / […] entre[…] follement au bal. »

Les conditions de la rencontre ainsi que les usages policés du compliment ont donc non seulement marqué la forme et le lexique du poème, mais ont souvent entravé la force de son expression en la confinant dans les limites des clichés à la mode. Molière a notamment tympanisé la fausse préciosité qui a pu trouver dans ses ridicules Trissotin les serviteurs d’un exercice de salon convenu et obséquieux.

II/Les procédés pour atténuer les contraintes

La question qui se pose alors immédiatement au poète est de savoir comment se faire remarquer à l’intérieur d’un réseau de contraintes tant sociales que formelles.

L’insistance

Marivaux, dans le Jeu de l’amour et du hasard, évoque la puissance de la déclaration incessamment renouvelée qui peut se frayer un chemin malgré les obstacles de la hiérarchie sociale : « Mario — Je ne saurais empêcher qu’il ne t’aime, belle Lisette ; mais je ne veux pas qu’il te le dise.

Sylvia — Il ne me le dit plus ; il ne fait que me le répéter. »

Ainsi, le premier procédé utilisé est celui de l’insistance apte à traduire la passion qui ne laisse plus de repos. Ronsard se sert de l’anaphore « Si c’est aimer » pour renforcer son argumentation plaintive.

La plainte, l’apitoiement

En effet une constante de la poésie amoureuse est bien de jouer sur l’empathie féminine. Le poète amoureux est un malade que le regard bienveillant de la femme peut seul guérir. Ronsard utilise le lexique pathétique : « Souffrir beaucoup de mal », « Pleurer, crier merci » (au sens de demander la miséricorde), « langueur extrême », « fièvre amoureuse », « mal (2 fois) […] fatal ». La Sablière confesse son masochisme : « Je me fais un plaisir de mon propre tourment ». Cros, lui aussi, est victime du mal d’amour, sortilège dévastateur mais accepté : « D’un charme inquiétant, mais doux. / J’attends, voluptueuse crainte, / La mort […] ». Ces poètes cultivent, avec un brin de préciosité dans leur emphase, la fulgurance, la brûlure, l’obsession de leur mal. Ronsard sent le « Chaud, froid [de la] fièvre amoureuse », quant à Éluard « [il] brûle d’une flamme nue / [il] brûle de ce qu’elle éclaire ».

L’exagération

Les poètes peuvent ensuite se servir de tous les moyens qui relèvent de l’exagération. Ronsard utilise des accumulations et des hyperboles pour toucher Hélène. Antoine de la Sablière construit son madrigal sur une suite d’antithèses parfois paradoxales. Cros et Ronsard vont jusqu’à évoquer comment leur amour les conduit à la mort. La plupart des auteurs idéalisent l’être aimé et l’élèvent au statut de déesse. Ronsard se comporte

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