Peut-on Affirmer Que, Dans Le Survenant, La Vie sédentaire Est Idéalisée ?

De prime abord, dans Le Survenant, de Germaine Guèvremont les sentiments que les personnages éprouvent en vivant sur leur terre traduisent un idéal, qui est celui de la vie sédentaire. Sous ce rapport, le Survenant considéré comme " le Grand-dieu-des-routes" goûte en ces lieux à des plaisirs dont il ne soupçonne pas l’existence, lors d’une balade en canot. Ainsi, l’utilisation du champ lexical de la sérénité vient intensifier les sentiments qu’éprouve le Survenant:

[Il] cessa d’avironner et laissa le canot dériver. Il se hissa avec précaution, la figure tendue au paysage. Il pouvait voir au loin, mais il regardait près de lui : dépouillée des salicaires, l’île communale, ainsi déserte et comme apaisée, ressemblait à une longue bête assouvie. […] À côté des saules pacifiques, insoucieux […], les liards géants se reposaient, dans la patience et l’attente des choses. Le Grand-dieu-des-routes renifla d’émotion. Quelque chose de grand et de nostalgique à la fois, quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti auparavant remuait en lui, qu’il eût aimé partager, même dans le silence [...] 1

En effet, l’émotion que ressent le Survenant en découvrant la nature, sa beauté et sa tranquillité peut laisser croire qu’une partie de lui aurait aimé vivre comme les Beauchemin, c’est-à-dire en homme sédentarisé. De plus, son désire de partager ce qu’il ressent suppose qu’il a développé un lien d’appartenance avec ses hôtes et le territoire du Chenal du Moine. En plus de cela, la sédentarité est magnifiée par le travail de la terre qui est dépeinte comme nourricière à qui sait la domestiquer. C’est le cas, quand le père Beauchemin met beaucoup d’énergie à travailler sa terre malgré ses soixante ans, car : « Pour mieux prendre connaissance de la planche de terre qu’il venait de faire labourer, Didace, le regard vif sous d’épais sourcils embroussaillés, se retourna : les raies parallèles couraient égales et presque droites dans la terre grasse et riche. »2 Car, il a la satisfaction de pouvoir subvenir aux besoins de toute sa famille, grâce aux richesses que lui offre, grâce à sa condition d’homme sédentaire. Dans le même ordre d’idées, le fait de demeurer au même endroit toute l’année permet de vivre la joie d’être réuni avec sa famille, ses amis et ses voisins sous le même toit pour célébrer les fêtes de fin d’année. On le voit bien lorsque, les Beauchemin reçoivent leurs voisins pour célébrer le premier jour de l’An, où l’ambiance laisse entendre : « Des cris, des rires, de grands hélas ! des embrassades, des poignées de main, des vœux, des plaisanteries, pour se terminer par une tournée de petits verres, de beignets et de bonbons clairs. »3 En fait, la vie sédentaire offre la possibilité de partager des moments festifs où l’on fait ripaille, on danse, on boit en étant au chaud, on est heureux de vivre de si beaux moments avec sa famille et ses amis.

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