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Pensez-vous Que Toute Création Littéraire Soit Une réécriture ?

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Par   •  12 Mars 2014  •  1 655 Mots (7 Pages)  •  1 640 Vues

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Introduction

L’écriture entretient avec la réécriture une relation nébuleuse faite de culpabilité et de désinvolture. L’on connaît cette citation où, parlant de l’artiste, Faulkner affirmait que ce dernier « n’a aucun scrupule à dérober, à emprunter, mendier ou ravir à n’importe qui ce dont il a besoin pour accomplir son œuvre. » La réécriture, si elle est fondamentale à l’écriture, reste pourtant considérée comme négative. On vole une idée, un auteur, on lui pille ses images, pis, son univers.

Pourtant, écrirait-on si l’on avait jamais rien lu ? L’aube d’un auteur n’est-elle pas l’assimilation de certaines œuvres, de certaines formes littéraires ? Toute création n’est-elle pas, en définitive, une réécriture ? Pour traiter de la question, nous analyserons dans une première partie la persistance de cette image de l’homme isolé dans une île déserte et ce qui peut expliquer ses réécritures. Dans une seconde partie, nous reviendrons sur la réécriture sous l’angle de la copie jusqu’à celui de l’inspiration pour y dégager une condition propre à la création littéraire.

L’image sans fin de l’île déserte

De la copie à l’inspiration, en passant par l’influence, il est toujours délicat de délimiter clairement les frontières de ces différentes modalités. Pourtant, dans les quatre extraits que présente le sujet, nous voyons non simplement des redondances, mais des développements différents, dans des styles et des genres variés, autour de l’image de l’île. Mais il ne s’agit nullement d’une île isolée : pour qu’il y ait abandon, il faut y retrouver nécessairement la présence de l’homme. La solitude est en effet un sentiment propre à l’homme et l’île n’est pleinement abandonnée que lorsque, paradoxalement, l’homme s’y retrouve isolé du reste de l’humanité.

N’est-ce pas ce qui explique les vers de Paul Valery, dans son Robinson qui est « solitude » ? Les différentes réécritures des Robinson sont, en ce sens, l’expression plus ample d’une angoisse, d’une fascination qui nous hantent. Si l’île est « isolement », c’est également le langage qui risque d’y disparaître. Comment garder en effet sa langue quand nul compagnon n’est là pour engager une discussion ? Le danger « de perdre tête, de perdre tout langage » est bien là. Pourtant, l’île est aussi une occasion de dialoguer avec soi-même : à travers son manuel du naufragé, le « Robinson pensif » d’un Valery évoque à bien des égards le Crusoé originel de Defoe ; ce même Crusoé qui retranscrit inlassablement son vécu insulaire dans un journal, pour laisser une trace de son passage, pour ne pas perdre la raison, le langage.

Néanmoins, l’île est un ancien motif en littérature et plus largement dans l’imaginaire de l’homme. Si l’on attribue souvent la figure de l’homme isolé sur une île à Defoe, il semble que la plus ancienne image du genre en littérature remonte au XXème siècle dans Le Philosophe autodidacte d’Ibn Tufayl. Nous y retrouvons l’essentiel de cette composition imaginaire, suivant les aventures d’un enfant abandonné qui va, à lui seul, créer le langage, la science, la métaphysique afin de s’humaniser.

Ainsi, nous comprenons que cette image touche peut-être moins à la réécriture d’une œuvre qu’à l’expression de l’un des invariants propres à la littérature, activité exclusivement humaine. La peur de la folie, de la sauvagerie et de l’enfance abandonnée se conjugue pour exprimer ces trois types d’hommes qui ne cessent de susciter notre inquiétude, ces altérités fondamentales : le fou ou l’envers de la raison dont « les notes deviennent bien curieuses », le sauvage, un « pied nu » qui échappe à la civilisation et l’enfant dans l’exemple d’Ibn Tufayl, cet homme miniature qui n’en est pas tout à fait un.

Mais plus que cela, la réécriture continuelle de l’île déserte nous confronte à cette nature dont on ne sait que faire. Tout Robinson cherche ainsi « à mettre en ordre tous (ses) effets en ordre dans (son) habitation ». C’est un homme qui aspire à se rendre maître de cette nature. Dans le texte de Tournier, malgré une volonté d’harmonie naturelle recherchée par l’auteur, le protagoniste commence par « dresser une carte de l’île », par la « baptiser ».

Voilà bien des raisons pour expliquer cette réécriture continuelle de l’image de l’homme isolé sur une île déserte. De fait, l’île est à la fois une origine, une occasion de revenir à soi-même et en même temps, une terre hostile, contre laquelle il faut lutter pour ne pas perdre la vie, la tête, son humanité. Dans l’empreinte à Crusoé, ne s’agissait-il pas d’« affronter cette puissance ennemie qu’étaient l’île et son entour » ?

L’homme isolé sur une île ne sait plus trop s’il est dans ce paradis qui l’isole d’une humanité malfaisante ou s’il se trouve dans une île diabolique, qui simule en vain le paradis. C’est bien cette dernière image que nous retrouvons dans l’île qui se déplace, image présente dans les bestiaires médiévaux, mais aussi dans nombre d’œuvres littéraires : pensons à l’épisode où Simbad de la mer se retrouve sur cette île sur laquelle il pensait trouver du repos, île qui n’en est pas une.

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