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Pensez-vous Comme René Char Que La Poésie Aide à Vivre ?

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Par   •  4 Février 2013  •  1 960 Mots (8 Pages)  •  2 339 Vues

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Etrange destin que celui de la poésie qui après avoir été longtemps le genre littéraire

dominant, le genre noble servant l’épopée d’abord puis le carmen religieux et la tragédie, a peu à

peu été méprisée et a perdu nombre de ses lecteurs au profit du roman. Le genre poétique a même

été victime de caricatures sévères au point que certains associent la poésie au lyrisme léger et

anecdotique ainsi qu’à une expression de soi facile et futile.

René Char, un des rares écrivains du 20ème siècle à s’être spécialisé dans le genre poétique et à

s’y être toujours tenu, donne à la poésie des pouvoirs et des missions, notamment celle de

« transformer les vieux ennemis en loyaux adversaires ». Faut-il, comme René Char, que la poésie

soit utile, ait une place à revendiquer, et un rôle à jouer dans la vie des gens ?

Pour y répondre, nous verrons d’abord qu’au sens strict, la poésie est une œuvre sans but,

une technique sans fin, si ce n’est elle-même, et ce d’autant plus que bien des choses –sa forme

artificielle par exemple- l’éloignent du réel ; pour autant la poésie a su utiliser sa forme inhabituelle

et mettre ses possibilités multiples au service du combat politique, et devenir d’utilité publique en

somme. Enfin, il n’y a pas que l’utilité et la noblesse des grandes causes : la poésie peut supporter

des ambitions modestes mais pas moins valeureuses : en tant que vecteur de sens, en tant

qu’affirmation d’un réel quotidien et concret, elle peut tout simplement servir de témoin et aider à

vivre.

La poésie, pourrait-on objecter à René Char, ne vise pas forcément à transformer quelque

chose d’extérieur à elle ; si transformation il y a, c’est d’abord souvent d’elle-même. Le genre

poétique est en effet un genre complexe, qui joue sur les écarts par rapport au langage normal, et

s’appuie sur une forme artificielle : en vers, avec des rimes (pour la poésie versifiée, au sens

traditionnel du terme), avec des façons de dire détournées car imagées (métaphores, comparaisons,

etc.). Cette forme qui n’a rien de naturel peut même devenir stricte et rigide : les formes fixes

(sonnet, ballade, rondeau, pantoum…) se présentent davantage, du fait des contraintes imposées,

comme des exercices de style propres à plaire aux esthètes et à stimuler les auteurs, que comme les

supports d’une intention qui toucherait tout le monde : les calligrammes d’Apollinaire, ou bien la

variation sur les types de sonnets par Baudelaire ou Apollinaire encore n’aident personne à vivre. De même, le travail sur la métrique opéré par les Romantiques ou ensuite par les Symbolistes, ne sont utiles qu’aux amateurs éclairés de poésie, et n’ont aucune vocation à faire vivre.

On pourrait également lire dans le courant hermétique illustré par Mallarmé ou dans les

affirmations parnassiennes un refus d’être utile, assumé même chez Gautier qui définissant sa vision

de l’art et de la poésie, affirme dans sa préface à Mademoiselle de Maupin qu’un poète ne doit pas

prétendre à l’utilité et ne devra jamais ressembler à un vulgaire « savetier », utile lui, de façon

concrète.

La poésie est limitée dans sa capacité à transmettre ou à toucher, de par sa forme complexe,

difficile d’accès car artificielle, et sophistiquée, mais aussi limitée par son propre aveu de

détachement assumé par rapport aux choses du monde et de la vie commune.

Évidemment un tel écart entre le genre poétique et la vie des hommes, affirmé, revendiqué par

certains comme personne dans d’autres arts n’a eu besoin de le faire, a suscité des polémiques, et

des poètes ont eux affirmé que justement la poésie dans sa sophistication ou son recours original aux images, avait un rôle à jouer, une place à prendre dans la société.

Les partisans de l’ « honneur des poètes » et donc de la poésie, revendiquent à l’inverse un

devoir pour la poésie d’être utile, et du coup, la nécessité pour les poètes d’employer tous les

moyens poétiques dont ils disposent pour faire de l’artifice une arme de combat efficace. La poésie

engagée, celles des anciens surréalistes devenus communistes pour la plupart pendant la seconde

guerre mondiale, vont même faire des contraintes formelles du poème un atout dans la littérature

de contrebande des années 40 : Aragon dans son recueil Les yeux d’Elsa publié en pleine guerre

(1942) utilise les motifs médiévaux, la forme du sonnet, les jeux sur des rimes inusitées (comme la

rime batelée) depuis des siècles, pour faire passer ses idées contestataires en fraude dans la France

de Vichy : l’aspect sophistiqué et le discours apparemment lyriques de ses poèmes dédiés à la muse

omniprésente (Elsa) sont en fait une charge violente contre la France de Pétain. Aurait-il pu être si

malignement polémique dans un roman (parce qu’il est aussi romancier, il aurait pu recourir à la

forme romanesque) ? Probablement pas. La contrainte formelle devient avec les anciens surréalistes

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