Paul Verlaine, Enterrement
Commentaire de texte : Paul Verlaine, Enterrement. Recherche parmi 297 000+ dissertationsPar Ramata • 6 Février 2013 • Commentaire de texte • 1 511 Mots (7 Pages) • 1 512 Vues
Paul Verlaine est un poète français de la seconde moitié du XIXe siècle, dont les contemporains ont salué le génie en le sacrant « prince des poètes » peu avant sa mort. En 1866, il publie son premier recueil, Poèmes saturniens, qui regroupe des pièces de jeunesse. Placés sous le signe de Saturne, ces poèmes élégiaques célèbrent malheur, mélancolie et solitude.
Le sonnet« Enterrement », qui a pu être rattaché abusivement à ce recueil sur les recommandations d’un ami du poète, Edmond Lepelletier, s’éloigne par sa gaieté de la tristesse saturnienne. Il s’agit de l’évocation comique et satirique d’une inhumation. Le poète y montre son éloignement du Parnasse pour, à la suite de Baudelaire, cultiver des provocations modernistes.
Nous verrons comment Verlaine peint à grands traits une scène réaliste, qui se révèle être un éloge paradoxal avant de s’achever en satireprovocante.
Développement
I. Une scène réaliste
Ce sonnet apparaît à première vue comme une scène réaliste à la manière de Gustave Courbet qui peint son Enterrement à Ornans.
Le choix d’une inhumation
Par le titre déjà, le lecteur sait qu’il va participer à une cérémonie funèbre. Le poème le confirme par les termes de « fossoyeur » et de « cercueil ». De plus le sujet relève de la veine réaliste. En effet une telle scène n’a pas été très courante dans le genre poétique classique jusqu’alors, mais de plus Verlaine l’a traitée de manière bien particulière.
Une accumulation d’objets et surtout de personnes
Verlaine se contente d’évoquer cette mise en terre en accumulant objets et personnes, selon des expressions nominales, par petites touches, si bien que le regard ne sait plus très bien où se poser. Cette accumulation est sur la fin renforcée par l’anaphore des « et », eux-mêmes soulignés par l’adjonction de « puis ». Ils fonctionnent à la manière d’additions pour produire un inventaire hétéroclite.
Des détails prosaïques
Le poète s’inscrit aussi parfois dans cette volonté réaliste qui consiste à dépoétiser une scène par le recours à des détails prosaïques. Ainsi il met en évidence une « pioche », le « trou », puis un « éboulement » de terre. Les objets sont considérés comme aussi importants que les personnes. Le regard est ainsi, à plusieurs reprises tiré vers le bas.
II. Un éloge paradoxal
Cette scène réaliste se démarque pourtant du recours fréquent à la vulgarité, à la laideur et au pessimisme que les critiques du temps reconnaissaient volontiers aux artistes réalistes. D’ailleurs l’œuvre de Courbet citée précédemment n’échappa pas à ces attaques. Verlaine nous surprend en effet en traitant la cérémonie sous forme d’éloge paradoxal.
La gaieté contre toute attente
Habituellement les cérémonies funéraires sont traitées sur le mode mineur de la douleur et de la tristesse, c’est du moins ce qu’exige la bienséance sociale. Verlaine provoque son lecteur en bouleversant le code couramment admis. Dès le début le poète affirme avec force : « Je ne sais rien de gai comme un enterrement ! » La gaieté superlative est reprise à la rime sémantique par « allègrement ». Le « défunt » est affublé de l’attribut familier « heureux drille ». Nous assistons malgré nous à une joyeuse fête de famille.
Un traitement poétique
En plus de cette gaieté iconoclaste, Verlaine réserve un traitement « poétique » à la scène. Notons la présence d’un environnement musical : « Le fossoyeur […] chante », « La cloche […] lanç[e] son svelte trille ». Cette musique est soulignée par les I sonores, doux et légers du premier quatrain. Le poète embellit la réalité : La vulgaire « pioche […] brille», Verlaine ne distingue chez le « prêtre » que le « blanc surplis » qui se marie si bien avec la « fraîche[ur] » de l’« enfant de chœur ». Ces notations mélioratives sont résumées au début du premier tercet : « Tout cela me paraît charmant, en vérité ! » où le terme « charmant » signifie sans doute plaisant mais a gardé aussi un peu de son sens fort étymologique de captivant, ensorcelant.
Apprivoiser la mort
Le poète saturnien veut enchanter la mort pour l’apprivoiser, lui faire perdre son caractère effrayant. La terre réputée froide et repoussante en ces instants de deuil devient « chaud[e] » et « douillette », elle est métaphoriquement un « édredon ». Ce lit transforme la mort en simple sommeil réparateur. On peut ajouter que la forme pronominale préférée à la voix passive dans « S’installe le cercueil » confère comme une forme de vie propre à la boîte funéraire. Tout nous indique
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