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Parfums Exotique Baudelaire

Note de Recherches : Parfums Exotique Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Février 2013  •  2 905 Mots (12 Pages)  •  1 620 Vues

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Ce sonnet ouvre, dans la section ‘’Spleen et idéal’’, un cycle de poèmes qui sont consacrés à Jeanne Duval, la superbe mulâtresse que Baudelaire appelait «la Vénus noire», avec laquelle il eut une liaison orageuse de 1842 à 1855, mais qui fut le grand amour de sa vie. Il voulut ici célébrer celle qui lui rappelait l’évasion exotique qu’il avait connue au cours de son voyage aux îles de l’océan Indien. Il voulut essayer aussi d’expliquer l’enivrement et le vertige de sa passion pour celle qui représentait pour lui la sensualité. Il avait écrit dans ‘’La chevelure’’ : «Comme d’autres esprits voguent sur la musique» / Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum».

Le poème met en évidence le pouvoir magique de son odeur corporelle, créatrice d'une vision de bonheur dans un univers harmonieux et riche en correspondances devant lequel la femme s'efface très vite, car, si Baudelaire trouva son inspiration dans les intimes profondeurs de son âme, il se garda bien de jeter en pâture à la curiosité publique une aventure personnelle. Et, finalement, s’impose le «parfum exotique» qui donne au poème son titre .

Aucun indice ne permet de proposer une date précise pour la composition de ce poème. Certains commentateurs y voient un poème de jeunesse écrit en 1846. D’autres supposent qu’il le fut plutôt peu de temps avant l’édition de 1857, vers la même époque où Baudelaire composa ‘’L’invitation au voyage’’. Il figura dans la section "Spleen et idéal" du recueil ‘’Les fleurs du mal’’.

Dans ce sonnet en alexandrins, aux rimes embrassées dans les quatrains, suivies puis embrassées dans les tercets, qui est un des quatre sonnets réguliers du recueil, une seule phrase occupe les deux quatrains, que sépare un simple point virgule, une seule autre phrase occupe les tercets, que sépare une simple virgule. Cependant, on n’y retrouve pas l’opposition, traditionnelle dans les sonnets, entre les quatrains et les tercets, mais tout au long un crescendo en deux mouvements successifs et parallèles, qui sont comme deux inhalations successives d’un parfum, deux élans, chacun provoqué par un «je vois» qui est suivi de la description d’un spectacle, le second partant de plus loin pour aller plus haut.

Étudions le poème strophe par strophe.

Premier quatrain :

Dans le premier vers, marqué par des coupes qui créent une expansion progressive (un pied - cinq pieds - six pieds), le poète débute par l’évocation anecdotique des conditions qui favorisent le climat de rêverie à I'origine de la vision qui va suivre : «les deux yeux fermés» lui permettent de se concentrer sur son intériorité, de voir ce qu’on ne voit pas lorsqu’ils sont ouverts ; avec le «soir chaud d’automne», sont réunis une saison et un temps de la journée considérés comme propices au regret et à la nostalgie, la chaleur, première promesse de bonheur, annonçant déjà les contrées exotiques montrées plus loin. Les yeux étant «fermés», I'espace étant circonscrit par la nuit, c’est donc dans un univers clos que I'imaginaire va se déployer.

Le vers 2, doté d’une forte attaque à l'initiale («Je respire», verbe doublement mis en valeur par un effet d'attente après la conjonction «quand», et par cette position en début de vers), d’une rime intérieure («deur» - «leur»), indique que, blotti contre le «sein» de sa bien-aimée, métonymie qui la représente, le poète peut, dans un moment d’intimité amoureuse, se laisser aller (ce que suggère l’ampleur du vers) à goûter pleinement à son «odeur», l’odeur forte d’une mulâtresse, en la respirant avec une sensualité troublante. Cette «odeur» est celle du «sein», pas tellement en tant que cette «gorge aiguë» que Baudelaire appréciait tant chez Jeanne Duval, qui joue un rôle important dans la séduction et la sexualité, présente une forte connotation érotique, que le refuge apaisant qu’offre le corps de la femme rassurante, tendre, douce, revêtue alors d’un aspect maternel, l’intimité amoureuse conduisant d’ailleurs chez lui à une régression, étant toujours liée à l’enfance.

Autre promesse de bonheur, le sein est désigné, par une hypallage, comme étant «chaleureux», alors que c’est une qualité morale, tandis qu’il est chaud, de la chaleur de la couleur de la peau, de la chaleur du sang, de la chaleur des pays chauds, dont Jeanne Duval est, à elle seule, le symbole, ne semblant même souvent n’être aimée que pour les souvenirs des Tropiques qu’elle libère grâce à son «odeur». Mais, si elle est une médiation nécessaire, un prétexte au rêve, elle va, après avoir joué son rôle, s'effacer rapidement, disparaître, être absente du tableau exotique subséquent.

On remarque qu’une symétrie est établie, par la position identique des verbes au début de chacun, entre le vers 2 et le vers 3, lui aussi doté d’une forte attaque à l'initiale («Je vois», verbe de la principale qui n'apparaît que maintenant) lui aussi d’une belle ampleur, le verbe «se dérouler», qui évoque un glissement solennel et mélodieux, qui peut aussi suggérer l’idée d’un cinéma intérieur, étant renforcé par un mouvement ondulatoire du rythme et des éléments phoniques qui se répètent (allitérations en «v» et en «r», assonance en «eux»). On constate dans ce vers que, par une correspondance entre l’odorat et la vue, la seule magie suggestive de l’agréable odeur féminine, qui, si le corps du poète est immobile, libère au contraire immédiatement son esprit, fait que se substitue à la figure féminine un spectacle intérieur, auquel il assiste passivement, mais qui s’avère une ouverture sur un «ailleurs», un paysage exotique qui sont immédiatement définis comme paradisiaques. En effet, ce sont des «rivages heureux», ceci par une autre hypallage car ce sont leurs habitants en fait qui le sont. Le poème perd alors son caractère anecdotique pour prendre un aspect visionnaire ; il se transforme en un tableau exotique. Mais l’image est imprécise, l'utilisation du pluriel «des rivages» en faisant un terme vague.

Après l’enjambement entre les vers 3 et 4, qui crée une attente, la strophe, commencée par une proposition subordonnée, se termine par une autre où le bonheur est renforcé par la lumière qui s’étale sur ce paysage, qui est rendue avec redondance : «éblouissent» (verbe mis en relief en début de vers, pour insister sur l’intensité), «feux» (les multiples reflets de la lumière sur I'eau), «soleil monotone» (l'adjectif n'ayant pas une connotation négative, mais traduisant l'idée

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