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P. Valéry écrit dans Mémoires du poète (« Au sujet du Cimetière marin ») : « On n’y insistera jamais assez : il n’y a pas de vrai sens d’un texte. Pas d’autorité de l’auteur. Quoi qu’il ait voulu dire, il a écrit ce qu’il a écrit.

Dissertation : P. Valéry écrit dans Mémoires du poète (« Au sujet du Cimetière marin ») : « On n’y insistera jamais assez : il n’y a pas de vrai sens d’un texte. Pas d’autorité de l’auteur. Quoi qu’il ait voulu dire, il a écrit ce qu’il a écrit.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Janvier 2019  •  Dissertation  •  3 861 Mots (16 Pages)  •  1 725 Vues

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COMPOSITION FRANCAISE

P. Valéry écrit dans Mémoires du poète (« Au sujet du Cimetière marin ») :

« On n’y insistera jamais assez : il n’y a pas de vrai sens d’un texte. Pas d’autorité de l’auteur. Quoi qu’il ait voulu dire, il a écrit ce qu’il a écrit. Une fois publié, un texte est comme un appareil dont chacun peut se servir à sa guise et selon ses moyens : il n’est pas sûr que le constructeur en use mieux qu’un autre. »

Vous direz ce que vous pensez de ce propos, en fondant votre réflexion sur des exemples précis et sans vous limiter à un genre.

La restitution de l’intention de l’auteur a longtemps été une des fins principales de l’explication de texte. Le sens que renfermait le texte ne s’établissait alors que dans ce que l’auteur « avait voulu dire », réduisant ainsi la lecture a une simple activité de décodage de la supposée véritable pensée de l’auteur à travers ses mots.

Le Cimetière marin est un poème de Paul Valéry suscitant aujourd’hui encore de nombreuses tentatives de recherche de la pensée de l’auteur, à laquelle Paul Valéry aurait prétendument souhaité nous conduire.

Or, Paul Valéry, déclarant qu’ « on n’y insistera jamais assez »,  s’offusque ici de cette idée qui paraît follement incrustée dans la pensée générale qu’est celle de l’existence d’un « vrai sens d’un texte ».  En réfutant vivement ce « vrai sens d’un texte », il induit par la même occasion l’existence de multiples sens, dont aucun ne peut être jugé comme plus valide ou plus tangible qu’un autre. Dès lors, l’idée qu’il n’existe pas de vrai sens d’un texte mais seulement une palette d’interprétations possibles est annoncée.

D’une phrase brève, Paul Valéry réfute le principe d’autorité de l’auteur sur son texte : ainsi, l’auteur n’est plus le seul garant du sens des lignes qu’il a composées et l’idée d’un primat du texte écrit par l’auteur sur le texte reçu par le lecteur est rejetée. L’auteur n’a pas d’autorité, il ne peut pas imposer une compréhension close du texte à ceux qui le lisent. « Quoiqu’il [l’auteur] ait voulu dire, il a écrit ce qu’il a écrit ». L’intention de l’auteur n’est alors pas forcément révélée de manière explicite à travers ses lignes, qui elles, peuvent susciter des idées, des images ou des sens différents selon les personnes qui les lisent, bien que les mots dont elles sont arrangées soient les mêmes. On peut d’ailleurs supposer que l’auteur est un esthète, et qu’il saurait, s’il le désirait réellement, écrire précisément ce qu’il a « voulu dire » pour le transmettre à ses lecteurs. Aussitôt, le texte apparaît  comme un appareil, soit un objet, un outil qui nous permet, à nous lecteurs, de nous ouvrir à l’expérience de la lecture et à la réflexion, en nous ramenant alors à autre chose que le texte en lui-même.  Cet appareil, nous en disposons à notre guise et selon nos moyens. Autrement dit, chaque texte peut être adapté selon la volonté de son lecteur et les significations qu’il y voit, orientant alors sa compréhension du texte vers une interprétation qui lui correspond. Les moyens renvoient à des modalités d’interprétations, sa « bibliothèque » ou « répertoire », soit l’ensemble des conventions qui constituent la compréhension d’un lecteur à un moment donné, comme ses références historiques ou culturelles. Cet ensemble, variant d’un individu à un autre, permet alors une réception différente du texte selon chacun. L’auteur, apparenté au constructeur de l’appareil qu’est son texte, ne l’utilise pas nécessairement mieux que les « utilisateurs » de l’appareil que sont ses lecteurs. Il en va alors de même ici pour un constructeur d’électro-ménager que de l’auteur, se souciant peu de l’usage qu’en font les utilisateurs après achat et n’en faisant pas un meilleur qu’eux. Ainsi, le sens que l’auteur a voulu insuffler au texte, en admettant qu’il y en ait un, n’admet pas plus de valeur que celui que les lecteurs vont lui attribuer. L’auteur se contenterait alors d’écrire le texte pour en laisser la libre interprétation et détermination du sens au lecteur, le texte étant un moyen d’ouverture dont le lecteur peut disposer comme bon lui semble.

        La considération de cette citation nous amène à une question : l’interprétation –et donc la détermination d’un sens- du texte est-elle aussi libre et dépourvue d’autorité que Paul Valéry le prétend ?

Dans un premier temps, la thèse de Paul Valéry qui consiste à accepter l’auteur comme un simple concepteur dénué de toute autorité sur l’interprétation de son texte, l’objet qu’il a conçu, sera appuyée.

 Ensuite, cette thèse sera toutefois nuancée puisque, bien que l’interprétation du texte dépende fondamentalement de celui qui le lit, elle n’est cependant pas tout à fait libre, celle-ci étant déjà contingentée par certaines normes imposées par l’auteur et nécessitant une cohérence préalablement inscrite dans le texte.

Enfin, nous verrons qu’il peut être difficile d’intégrer totalement la pensée de Paul Valéry qui suggère l’entière validité de chaque interprétation.

        

 Si l’autorité de l’auteur sur son texte semble, d’après Paul Valéry, nulle, comprendre une œuvre ne peut alors pas n’être que le simple rétablissement du monde auquel elle appartient et l’état originel que le créateur avait envisagé pour elle. Le sens de l’œuvre ne tient donc pas au pont d’ancrage qu’elle possède dans l’esprit de l’artiste, mais plutôt à la multitude de sens que chaque lecteur peut lui attribuer.

En effet, le sens du texte est unique selon chaque lecteur, qui l’interprète selon sa subjectivité et son inconscient. Chaque lecteur réagit différemment au texte, qu’il interprète avec ce qu’Umberto Eco appelle son « encyclopédie », c’est-à-dire son bagage général culturel et artistique. Il y projette son imaginaire et son expérience, et ses propres normes et valeurs sont modifiées elles-mêmes par l’expérience de la lecture. Ainsi, Le Procès de Kafka est, à première vue, une critique du système judiciaire, comme une machine anonyme qui broie les individus, avec un système gangrené par la corruption et la bureaucratie. Mais une analyse plus fine révèle d’autres thèmes comme l’absurdité ou l’inhumanité du monde moderne. Aussi, lorsque K. est accusé, les femmes le désirent plus qu’auparavant. L’une d’entre elles, Leni, fournit une explication peu plausible qui nous questionne furieusement : « Lorsqu’un homme est arrêté ou accusé, il devient plus beau ».  Kafka n’en indique pas plus sur le sens de cette révélation, laissant à chacun la possibilité de la comprendre comme il le souhaite. La polysémie d’un texte est alors pleinement intégrée dans la lecture qu’en font les lecteurs.
L’interprétation propre que détermine chaque lecteur lui permet d’accéder à une meilleure connaissance de lui-même ; il n’est alors pas juste centré sur le texte.   A propos de Paul Valéry qui conçoit le texte comme un « appareil », nous pourrions y associer  une citation de Proust : « l’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument d’optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre il n’eut peut-être pas vu en soi-même. » Bien qu’ici, le texte soit apparenté des deux côtés à un objet, la dimension de cet objet n’est pas tout à fait la même. Si Paul Valéry en induit une utilisation assez indéfinie, Proust, lui, détermine un des usages de cet appareil. L’instrument d’optique qu’y voit Proust sert à engager une réflexion en celui qui lit, qui lui permettrait de mieux voir à travers lui-même.

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