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Origine Des Langues Et Du Langage

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Par   •  20 Avril 2015  •  5 863 Mots (24 Pages)  •  797 Vues

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Origine des langues et du langage

Bernard Victorri

On dissocie généralement la question de l’origine des langues et du langage en deux problématiques distinctes. L’étude de l’origine des langues consiste à établir une généalogie des langues humaines en identifiant leurs relations de parenté à partir des langues actuelles et de langues anciennes ayant laissé des traces écrites. L’objectif est de remonter le plus loin possible dans le temps, la question ultime étant de savoir si toutes les langues humaines dérivent d’une seule et même langue originelle, ou si elles proviennent au contraire de langues ancestrales ayant émergé indépendamment les unes des autres. Le questionnement sur l’origine du langage est tout autre : il s’agit de comprendre comment notre espèce a acquis la faculté de langage en étudiant l’évolution des hominidés. A quel moment de cette évolution le langage est-il apparu ? Y a-t-il eu des étapes intermédiaires et de quelle nature ? Quelles pressions évolutives ont conduit à l’émergence de cette forme de communication ?

Les deux problématiques diffèrent donc tant par l’objectif des recherches que par les méthodes utilisées et les disciplines convoquées. Même la question de l’unicité de l’origine se pose différemment. En effet, on peut très bien défendre la thèse d’une polygenèse du langage en même temps que celle d’une langue mère unique : le langage aurait émergé à plusieurs reprises dans l’histoire de l’hominisation, mais toutes les langues connues serait issues d’une même langue ancestrale, toutes les langues issues d’autres sources ayant disparu sans laisser de descendance.

Néanmoins, on assiste ces dernières années à un rapprochement entre ces deux grandes problématiques. En effet, au fur et à mesure que progresse notre compréhension des dernières étapes de l’hominisation et de l’histoire des premières migrations humaines, notamment grâce à l’apport de la génétique des populations, se mettent en place des scénarios qui pourraient rendre compte à la fois de l’origine des langues et du langage. Ces scénarios sont encore très spéculatifs, mais les travaux pluridisciplinaires en cours, qui mobilisent des chercheurs d’horizons les plus divers, depuis l’éthologie animale et la neurobiologie jusqu’à la modélisation informatique et les sciences cognitives, en passant par l’archéologie et la paléoanthropologie, font espérer de nouveaux progrès qui viendront resserrer encore davantage l’éventail des scénarios plausibles, en confirmant ou infirmant certaines des hypothèses qui les sous-tendent.

La démarche de la linguistique historique

La méthode essentielle de la linguistique historique est le comparatisme : on recherche dans les langues dont on veut établir la parenté des similarités grammaticales, comme par exemple des analogies dans les systèmes de conjugaisons ou de déclinaisons, et des similarités lexicales, en établissant des listes des mots qui se correspondent de langue à langue, tant au plan phonétique que sémantique. Si ces correspondances sont suffisamment systématiques, on en déduit que les langues font partie d’une même famille qui résulte de l’évolution différenciée d’une même langue ancestrale. Les mots qui se correspondent dans ces langues sont alors appelés des cognats.

Le premier grand succès de la méthode comparatiste a été la découverte au 19ème siècle de la famille indo-européenne. On a en effet établi la parenté d’un vaste ensemble de langues, comprenant des langues indiennes comme le sanscrit et l’hindi, les langues iraniennes (persan, kurde, ossète, etc.), les langues romanes (le latin et ses descendants français, espagnol, italien, roumain, etc.), les langues germaniques (dont l’anglais, l’allemand, le danois), les langues slaves (dont le russe, le polonais, le serbo-croate), les langues celtiques (irlandais, gallois, gaulois, breton, etc.), et des langues plus esseulées, notamment le grec, l’arménien, et l’albanais.

La méthode permet aussi, quand les données sont suffisantes, de reconstruire la langue ancestrale, que l’on appelle la protolangue associée à la famille. Le procédé consiste à découvrir les lois d’évolution phonétique qui ont présidé à la différentiation des langues, et qui sont donc à l’origine des lois de correspondance phonétique mises en évidence lors de la comparaison des langues de la famille. Par exemple, la comparaison entre les langues romanes et les langues germaniques fait apparaître une correspondance systématique entre la consonne /p / en roman et la consonne /f/ en germanique, comme on peut le constater sur les couples suivants de cognats italiens et anglais : padre – father (« père »), pesce – fish (« poisson »), piede – foot (« pied »), etc. Mais cette loi de correspondance phonétique ne nous dit pas quelle était la consonne des mots du proto-indo-européen à l’origine de ces cognats. Pour le découvrir, il faut analyser l’ensemble des langues de la famille. Ainsi pour « père », on observe que dans la plupart des branches de l’indo-européen c’est un /p/ qui apparaît à l’initiale : pitar en sanscrit, pater en grec, pater en latin, etc. On en déduit donc que /p/ devait être la consonne originelle, et que le /f/ que l’on observe dans les langues germaniques est le résultat d’une loi d’évolution qui a transformé /p/ en /f/ dans cette branche particulière de la famille. On peut alors reconstruire la forme des mots correspondants en proto-indo-européen.

La méthode comparatiste a permis, au cours du 20ème siècle, d’identifier partout dans le monde des familles de langues du type de la famille indo-européenne. A chacune de ces familles correspond en principe une protolangue, dont descendent toutes les langues actuelles de la famille. Certaines de ces familles comprennent plusieurs centaines de langues, comme la famille bantoue, dont les langues se répartissent sur une bonne moitié du continent africain. D’autres sont beaucoup plus restreintes, le cas extrême étant celui de certaines langues qui restent inclassables, comme le basque par exemple : on les appelle des isolats. On peut estimer à quelques centaines le nombre de ces familles, isolats compris. Pour un grand nombre de ces familles, un travail de reconstruction de la protolangue a été entrepris, avec les mêmes méthodes que pour le proto-indo-européen. Même si les progrès sont très inégaux suivant les familles, on peut donc dire qu’une première étape a été accomplie dans l’établissement d’une généalogie des cinq à six mille langues parlées dans le monde.

Du point de vue temporel, ce travail

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