Manon Lescault : Scène Du Parloire
Commentaires Composés : Manon Lescault : Scène Du Parloire. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar dissertation • 4 Décembre 2012 • 625 Mots (3 Pages) • 1 300 Vues
Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer
quel était le dessein de cette visite, j'attendais, les yeux baissés
et avec tremblement, qu'elle s'expliquât. Son embarras fut,
pendant quelque temps, égal au mien, mais, voyant que mon
silence continuait, elle mit la main devant ses yeux, pour cacher
quelques larmes. Elle me dit, d'un ton timide, qu'elle confessait
que son infidélité méritait ma haine ; mais que, s'il était vrai
que j'eusse jamais eu quelque tendresse pour elle, il y avait eu,
aussi, bien de la dureté à laisser passer deux ans sans prendre
soin de m'informer de son sort, et qu'il y en avait beaucoup
encore à la voir dans l'état où elle était en ma présence, sans lui
dire une parole. Le désordre de mon âme, en l'écoutant, ne
saurait être exprimé.
Elle s'assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné,
n'osant l'envisager directement. Je commençai plusieurs fois
une réponse, que je n'eus pas la force d'achever. Enfin, je fis un
effort pour m'écrier douloureusement : Perfide Manon ! Ah !
perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes,
qu'elle ne prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendezvous
donc ? m'écriai-je encore. Je prétends mourir réponditelle,
si vous ne me rendez votre coeur, sans lequel il est
impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! reprisje
en versant moi-même des pleurs, que je m'efforçai en vain de
retenir. Demande ma vie, qui est l'unique chose qui me reste à
te sacrifier ; car mon coeur n'a jamais cessé d'être à toi. À peine
eus-je achevé ces derniers mots, qu'elle se leva avec transport
pour venir m'embrasser. Elle m'accabla de mille caresses
passionnées. Elle m'appela par tous les noms que l'amour
invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n'y
répondais encore qu'avec langueur. Quel passage, en effet, de la
situation tranquille où j'avais été, aux mouvements tumultueux
que je sentais renaître ! J'en étais épouvanté. Je frémissais,
comme il arrive lorsqu'on se trouve la nuit dans une campagne
écartée
...