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L’objet singulier de la poésie

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Par   •  1 Février 2013  •  Cours  •  9 369 Mots (38 Pages)  •  1 114 Vues

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L’objet singulier de la poésie.

INTRODUCTION:

De quoi parlons-nous quand nous parlons de poésie?

Selon Mallarmé, il s’agit d’une ancienne et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur. La poésie est donc à la fois mystérieuse et absolue.

La poésie est une réalité complexe, évolutive (cf. histoire littéraire), soumises aux jugements les plus divers.

Dans Le petit Robert, on ne peut que constater la polysémie du terme: au moins six acceptions différentes. Parmi celles-ci, une retient l’attention: “Art du langage visant à exprimer ou à suggérer par le rythme, l’harmonie et l’image”. Il s’agit donc d’un travail sur la matière verbale pour créer un tout esthétique, un travail de communication qui touche à l’invisible. C’est un langage singulier, indirect, différent de celui de la communication immédiate et utilitaire.

Il est difficile de parler de façon dogmatique de la poésie. De plus, certaines définitions égarent davantage qu’elles ne renseignent.

I) Revue des définitions de poètes et philosophes.

Aristote présente la poésie comme une Mimésis, cad une tentative pour reproduire l’essence même de la réalité. Sa théorie est dominante dans l’Antiquité, comme chez Horace ( “ut pictura poesis” ).

Platon dénonce la poésie comme activité vaine et dangereuse qu’il veut chasser de la cité idéale (République). Il lui reproche de créer des fantômes et non des réalités, de “ne voir les choses que d’après les mots”.

La figure du poète sera au cours des siècles très souvent dépréciée. Elle est à l fois humiliée et sacralisée. Dans Chatterton, De Vigny évoque le conflit entre créateur incompris et société matérialiste. On pense aussi à l’autodérision des poètes qui souvent se présentent comme des “arrangeurs de syllabes” (Racan), comme des saltimbanques, des pitres, des amuseurs (Mallarmé, Baudelaire, Verlaine) (cf. Portrait d’artiste en saltimbanque de Starobinski).

Voltaire, représentant de tout l’âge classique, en fait “l’ornement de la raison”, ou encore une “éloquence harmonieuse“. La poésie est alors une simple rhétorique, une versification, qui accroît la séduction du langage, mais qui ne diffère pas essentiellement de la prose.

Victor Hugo et De Vigny, à l’époque romantique, font de la poésie “l’étoile qui mène à Dieu rois et pasteurs” (Fonction du poète de Victor Hugo). La poésie devient métaphysique, “perle de la pensée” (De Vigny), langage condensé et précieux. C’est un langage spécifique qui livre un trésor. Le romantisme fait du poète un mage, un voyant, un prophète.

Rimbaud conçoit la poésie comme “une aventure de l’esprit qui conduirait à la vraie vie, la recherche passionnée des mots qui changeraient l’homme et le monde”. Pour Mallarmé, dans Crise de vers, la poésie est la seule tache spirituelle”, ayant pour fonction de douer d’authenticité notre séjour. La poésie devient pratique mystique, substitut de la religion.

Apollinaire dit que “le poète peut manier les paroles qui font et défont l’univers”. La poésie a un pouvoir de destruction et de construction, un effet sur la réalité. Pour Reverdy, “la poésie peut rétablir le lien entre nous et le réel absent”. Pour Neruda, “toute poésie est une insurrection”. Selon Heidegger, la poésie nous révèle “la topographie de l’Etre”.

II) Est-ce que le verbe poétique n’est qu’un exutoire plus ou moins dérisoire pour conjurer l’absence, oublier la mort, voiler le néant?

Ou est-ce que les mots du poète sont aptes à nous arracher durablement à la laideur, aux limites, à la finitude de notre condition?

Est-ce que les mots du poète peuvent nous remettre en possession d’un bien que nous aurions perdu? Est-ce qu’ils peuvent nous permettre de saisir quelque chose de l’Etre, de capter des parallèles d’éternité et de les insérer dans le langage, auquel cas elle est pour l’homme d’une utilité fondamentale?

A la fin du Nom de la Rose, Umberto Eco écrit ceci: “Stat rosa pristina nomine. Nomina nuda tenemus.” (LA rose ancienne ne reste que par son nom. Nous ne possédons que les mots nus.). Ces paroles expriment à la fois la fragilité de la poésie, et son pouvoir paradoxal de transcender le temps.

III) La poésie comme réalité universelle et éternelle.

Elle resurgit toujours, même dans des contextes inattendus.

Il existe un paradoxe au sein même de la poésie: universalité et permanence d’une activité apparemment gratuite.

La poésie est pratiquée par le psalmiste, l’aède, le barde, le griot, le chaman ou encore l’esprit rationaliste de notre siècle. Elle produit donc un envoûtement, parce qu’elle nous introduit à quelque chose d’essentiel. Il n’existe pas de civilisation, pas de peuple dépourvu de poésie. Elle semble répondre à un besoin vital de l’homme, qui persiste à la pratiquer dans des situations désespérées. Elle a donc une dimension ontologique, est une sensation de toucher à l’Etre (cf. poèmes dans les camps de concentration, cf. L’Ecriture ou la vie de Georges Semprun pp. 32-33). “Je ne vois pas de différence entre une poignée de main et un poème” (Paul Selan).

IV) La poésie a une histoire et une évolution animées d’un sens particulier.

La poésie comporte trois aspects essentiels: une liberté de plus en plus grande des termes et des formes qui fera s’imposer le vers libre et le poème en prose à la fin du XIXème siècle, pendant la période du symbolisme. Mallarmé dira que “la littérature subit ici une crise exquise, fondamentale”.

La spécificité du langage poétique, l’essence de la poésie émergent lentement. La poésie prend conscience d’elle-même, de son autonomie, de ses pouvoirs. Elle renonce à tout ce qui n’est pas spécifiquement poétique: le discours, la narration, l’effusion lyrique, l’esthétique de la représentation et de l’ornementation. Elle va donc essayer de cerner le noyau irréductible qui la constitue. “Je dis une fleur et musicalement s’élève, absente et suave, l’absente de tout bouquet” (Mallarmé).

La poésie veut aussi trouver

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