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Les mûres, Le Parti Pris Des Choses, Francis Ponge

Note de Recherches : Les mûres, Le Parti Pris Des Choses, Francis Ponge. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Juin 2014  •  1 290 Mots (6 Pages)  •  9 760 Vues

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Introduction

Dans ce poème, « Les Mûres », Ponge se livre à une description entrelacée du fruit du mûrier et de l’objet poésie lui-même. La mûre n’est pas un fruit évocateur en soi, comme la pomme du désir et de la faute, l’orange des douceurs de l’orient, la grappe de la vigne, de l’abondance de Canaan, la figue ou la grenade. Les mûres sont un fruit pauvre en jus, 1) un fruit dont il n’y a pas grand chose à tirer, 2) mais leur simplicité et leur fleur les apparentent au poème dans le moment de sa création et de sa maturation, 3) sa difficulté d’accès et la pauvreté de son jus parlent alors à l’esprit.

Un fruit dont il n’y a pas grand chose à tirer

Le poète souligne à plusieurs reprises la pauvreté du fruit : « si peu de choses au fond leur reste (aux oiseaux) quand du bec à l’anus ils en sont traversés. » Le spectacle offert par les mûres est celui « d’une famille rogue », c’est-à-dire tout à la fois arrogante, raide et rude, comme de vieux aristocrates désargentés. Elles n’incitent guère « à la cueillette », en elle les pépins prennent toute la place : « agglomération de sphères qu’une goutte d’encre remplit », le poète peut bien se demander que tirer d’un fruit si misérable. D’autres objets se prêteraient peut-être infiniment mieux à son inspiration, des fruits plus riches aux sucs plus abondants, et pour comble, les mûres sont d’un accès très difficile, fruit d’une ronce qui déchirent vêtements et peau de qui y pénètre trop avant. Son aspect n’est guère plus évocateur, trois couleurs simples qui sont celles des âges de sa maturation « Noirs, roses et kakis », rien des reflets mordorés de l’abricot, des chatoiement de la grappe, du dégradé en pastel ou en lavis de la figue, non, une forme de sécheresse jusque dans les couleurs.

Ainsi pas grand chose à tirer, pauvreté du jus, équivalent à pas grand chose à dire, le poète retrouve dans les mûres sa difficulté d’écrire, le maigre jus est une goutte d’encre, celle qui suffirait à les décrire et à écrire ce qu’il y a dire d’un objet si « rébarbatif » c’est-à-dire à barbe, puisqu’elles en portent bien une dans leur plus grande verdeur et qu’elles perdent dans leur maturité, mais aussi barbant parce que leur difficulté, représentée par les ronces, ennuie et rebute. Mais cette austérité apparente, ne serait-elle pas, comme pour les figurines de Socrate l’indice d’une richesse intérieure, d’une substantifique moelle ?

Ut pictor poeta

La fleur est depuis longtemps l’image de la poésie, un anthologie n’est-elle pas avant d’être un recueil de différents poèmes choisis, un album de fleurs (’anqoV, en grec : la fleur). Mais la fleur ne fait que précéder le fruit, elle en constitue l’annonce, symbole religieux, aussi, de la virginité mariale annonçant, en le précédant, le christ et le salut messianique. La « fleur très fragile » du mûrier est à l’image du poème dans son effort de produire le sens de son écriture, c’est l’encre coulant du stylo en lettres qui expriment cette naissance, encre rationnée comme le suc de la mûre mais comme lui encore ne s’exprimant qu’à maturité, inutile de presser une mûre avant celle-ci, rien n’en sortira. Ainsi, de même, le poème ne dira rien avant, « buissons typographique » les mots n’y sont point encore appendus qui donneront forme et dessin à la maigre encre qui en dépend, puis en découle.

Les mûres sont donc formées « d’une agglomération de sphères », elles contiennent la perfection dans sa simplicité première : la sphère, la forme qui contient toute les formes pour la science antique, image redoublée du poème puisque lui aussi est puissance de création et contient une grande quantité de possibles, son nom signifiant d’abord création. Pourtant la perfection du poème

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