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Les alliances interethniques en Côte d’Ivoire

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Par   •  20 Avril 2015  •  2 290 Mots (10 Pages)  •  6 867 Vues

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ORIGINE ET FONCTION SOCIALE

La tradition orale raconte que cette coutume a été instaurée par Soundiata Keïta lors de la fondation de l'Empire du Mali2. Il est néanmoins très probable qu'elle soit plus ancienne, et qu'elle n'ait été que confirmée à cette occasion.

Selon les historiens, l'origine de ce système de cousinage remonterait à l'antiquité africaine dans la vallée du Nil. Il serait un héritage du totémisme pratiqué durant cette époque, ou chaque clan était associé à un animal ou un végétal totem. Aujourd'hui en Afrique noire, bon nombre de noms claniques sont associés à un animal totem.

Bien plus qu'un simple jeu, ces relations sont sans doute un moyen de désamorcer les tensions entre ethnies voisines ou entre clans familiaux, selon l'interprétation de Marcel Griaule qui a désigné ce phénomène comme une alliance cathartique

DEFINITION

Le syntagme « alliance interethnique » est composé de deux mots qui sont « alliance » et « ethnique ». En tenant compte de la définition que nous donne le dictionnaire, nous verrons que le syntagme « alliance ethnique » implique une union entre deux ou plusieurs groupes ethniques. L’alliance est un lien sacré entre deux familles ou deux groupes ethniques, qui est fondé sur un traité assorti d’un ou plusieurs mariages et qui fait entrer des personnes et leur descendance dans la parenté réelle ou fictive d’une autre famille. La plus petite alliance est le mariage, la plus grande un traité de paix ou d’hospitalité entre deux nations ou plusieurs nations. Cette dernière catégorie est souvent assortie d’un mariage croisé entre les enfants des chefs ou des rois1. Telle est la définition générale que l’on pourrait donner au syntagme « alliance ethnique ».

INTRODUCTION

La problématique de la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire est d’autant plus délicate que toutes les contributions pouvant la faciliter sont à encourager, notamment celle des alliances interethniques.

Les alliances interethniques en Côte d’Ivoire ou "Toukpè" sont des pactes de non-agression signés entre les ancêtres des différentes ethnies du pays. Elles mettent un accent particulier sur les railleries et permettent de maintenir la paix et la cohésion sociale.

Elles évitaient aux communautés de sombrer dans les violences de grande envergure et surtout préconisaient des règlements pacifiques à tous les différends et transformaient les malentendus en historiettes

DEVELOPPEMENT

Les alliances en Côte d’Ivoire ou « le Pacte de non agression » sont un phénomène social en Côte d’Ivoire et partout en Afrique et qui autorise un groupe à plaisanter avec un autre groupe et à même injurier l’autre groupe sans risque de se voir agresser. Lorsqu’il y a une alliance qui lie deux groupes ethniques, l’un peut empêcher un enterrement en déposant la feuille d’une plante sur le cercueil. L’allié qui se trouve ainsi coincé sera obligé d’offrir à l’allié demandeur, tout ce qu’il exigera avant d’enterrer son proche. « Dans chaque ensemble d'alliance, il est censé avoir une ethnie chef qui domine sur les autres (esclaves). Ainsi, l'esclave est tenu d'exercer une hospitalité sans faille envers son chef, de lui apporter aide, secours et assistance en cas de nécessité, d'obtempérer à ses ordres et de satisfaire tous ses besoins, aussi frivoles soient-ils (d'ou parfois les brimades!). Cependant, une ethnie chef devient à son tour esclave d'une autre et ainsi de suite. Mais force est de constater que par ruse, chaque ethnie s'autoproclame chef et considère les autres comme esclave! Ainsi, seuls les garants de la tradition savent exactement quelle ethnie est chef et à son tour esclave d'une autre. Les alliances ethniques donnent occasion à des plaisanteries qui ont pour seul but l’autodérision puisque l’on doit accepter sans rancune le regard critique de l’agresseur sur sa propre culture. L'anecdote suivante illustre ce fait. J’ai assisté récemment à des obsèques dans un village Dan. Un vieil homme Yacouba y avait rendu l’âme et conformément à l’alliance, c’étaient des Sénoufos qui avaient creusé sa tombe la veille, gratuitement en plus. Le lendemain, au moment de l’inhumation, avant d’y faire descendre le cercueil l’on constata qu’un crapaud était pris au piège dans la tombe creusée par les fossoyeurs. L'un des Sénoufo y descendit, pour l'en faire sortir. Il tint la pauvre bête par la patte et déclara avec mépris : ‘‘Vous les Yacoubas-là, vous aimez tellement manger les crapauds, qu’un vieux crapaud est venu se cacher dans votre tombe. Je vous le donne. Prenez-le pour faire votre cuisine de ce soir !'' Sur ce, il lança le dit crapaud sur la famille éplorée, rassemblée pour l’inhumation. La famille laissa échapper des cris d’horreur et un fou rire s’empara de la foule. Ce geste détendit quelque peu l’atmosphère trop triste qu’imposait la cérémonie. En réalité, les Yacouba ne mangent pas les crapauds mais bien les grenouilles ! Mais les Sénoufos disent que c’est du pareil au même ! L’ultime avantage des alliances inter ethnique est qu’elles représentent un facteur de paix entre les différentes ethnies à cause du pacte de non-agression et d’assistance mutuelle qui les lient entre elles. C’est donc à juste titre que Boniface Batiana** a déclaré : ''Si la parenté à plaisanterie existait entre Tutsis et Hutus, il n’y aurait sûrement pas eu de génocide.'' L’idéal serait donc que le peuple ivoirien revienne sur cette tradition (peut-être un peu trop rustique, diraient-ils mais tout de même importante) afin de consolider l’amour et la tolérance inter ethnique en cette période sensible que traverse ce beau pays. »

Les alliances à plaisanteries ou interethniques sont un phénomène social, caractéristique des relations humaines. De même qu’il existe dans certaines sociétés, certaines civilisations des échanges et des hiérarchies entre les membres de familles, de même il existe des liens entre les membres de clans différents.

Ces types de relations ont longtemps été expérimentés dans beaucoup de sociétés africaines pour diverses raisons. La plupart traduisent des relations religieuses, militaires, économiques, juridiques à l’intérieur de la famille, du clan ou entre groupes alliés. Mais le rationalisme (occidental) qui « objective » le réel et le ramène à des « lois empiriquement vérifiables » a fait délaisser ces modes de fonctionnement emblématiques

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