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Les Fleurs Du Mal

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Par   •  9 Mai 2012  •  1 490 Mots (6 Pages)  •  1 558 Vues

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La littérature-document

Dans les œuvres littéraires du passé, l'histoire des mentalités trouve l'attestation précieuse de la vie quotidienne, des comportements et des sentiments d'antan. À priori, on pourrait croire que c'est sa meilleure base de données, mais on se tromperait. Elle ne l'utilise que de façon limitée et avec prudence. Se ferait-elle scrupule de pratiquer une « lecture élémentaire qui fait du texte littéraire le simple reflet de la pratique sociale du temps »? Elle se montre consciente de ce risque et parfois même respectueuse de la valeur artistique, cependant ce ne sont, de toute évidence, que les derniers de ses soucis. Craindrait-elle de ne trouver dans ces œuvres que des fictions, peu capables de la renseigner sur les réalités des époques passées? Ce serait possible, parce qu'elle n'ignore pas que, si la littérature est un miroir, ce miroir est plus ou moins « déformant », en fonction des « désirs conscients ou inconscients de l'âme collective », en fonction des intérêts, des préjugés et des sensibilités propres aux groupes sociaux qui le fabriquent, ainsi que le soulignait Jacques Le Goff. Cependant, il nous paraît évident que, du point de vue de l'histoire des mentalités, ce risque n'est pas très grave. On sait que les fantasmes et les « réalités idéelles » lui paraissent plus importants que les institutions et les rapports sociaux.

Ce n'est donc ni la réduction ni la fiction qu'elle craint. Si ses sentiments à l'égard du document littéraire sont mitigés, c'est parce que celui-ci a été élaboré par un individu d'exception, alors qu'elle veut connaître l'expression des croyances et des sentiments du commun des mortels. Pour l'histoire des mentalités, la littérature c'est « le discours des élites »: l'utiliser afin de saisir les façons de penser des gens simples ce serait – affirme Michel Vovelle dans Idéologies et mentalités – extrapoler indûment « à partir des attitudes des groupes dominants ». L'historien doit se consacrer aux « masses anonymes: celles qui n'ont pas pu se payer le luxe d'une expression, si peu que ce soit, littéraire » [i] . Cependant il n'envisage pas de renoncer au document littéraire, qu'il qualifie en même temps d'ambigu et de pertinent. Seulement, il faut savoir le délester de toute empreinte de la personnalité qui l'a créé, en n'y laissant que ce qu'il a en commun avec d'autres textes de l'époque: les topoï de l'imaginaire collectif, les clichés de pensée et d'expression, les lieux communs en matière de sentiments et de représentations.

Cependant il n'est pas facile de faire cette réduction à ce qu'on pourrait appeler de façon suggestive le plus petit dénominateur commun. Un procédé fréquemment utilisé c'est l'emploi des petits auteurs, qui pensaient et sentaient comme « les masses anonymes » et écrivaient pour elles. Le règne des Eugène Sue et Barbara Cartland est enfin venu, ou plutôt, pour être plus honnête, car ce règne existait depuis longtemps pour de larges catégories de lecteurs, il est enfin reconnu et légitimé par les chercheurs. On se penche sur la bibliothèque bleue des petits romans édités à partir de 1602 et diffusés dans les foyers populaires par les colporteurs, on fait usage de toute sa subtilité, comme Umberto Eco, pour analyser les livres qui font pleurer Jenny.

Un autre procédé consiste à utiliser les « œuvres », en les introduisant dans une série de textes de l'époque afin de dégager le dénominateur commun. Il faut souligner qu'il ne s'agit pas de les confronter à d'autres « œuvres », cas où la réduction de l'originalité ne serait pas suffisamment grande, mais à des textes vraiment quelconques. Ce procédé exige une excellente connaissance de la période et des fouilles patientes dans les archives, à la recherche d'une lettre ou d'un journal intime écrits par monsieur Un Tel. Il a été magistralement utilisé par Robert Darnton dans un chapitre intitulé « Le courrier des lecteurs de Rousseau: la construction de la sensibilité romantique » [ii] . Dès le titre, le déplacement d'intérêt du grand écrivain vers ses lecteurs est évident. En cherchant à « déterrer » ce qui reste de l'expérience des lecteurs simples « dans les bibliothèques et les archives », l'auteur a eu le bonheur de trouver quarante-sept lettres envoyées à partir de 1774 par un marchand de La Rochelle, Jean Ranson, à un important éditeur de livres français de Neuchâtel, dont il était le lecteur assidu. Heureusement, ces lettres sont très quelconques, donc très précieuses, parce qu'elles peuvent renseigner sur « l'homme de la rue ». « Rien n'est plus banal sans doute, mais l'intérêt des lettres de Ranson réside dans leur banalité ».

Ces lettres sont confrontées

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