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Les Fables, livre I, 1, « La Cigale et la fourmi »

Note de Recherches : Les Fables, livre I, 1, « La Cigale et la fourmi ». Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Mai 2014  •  1 872 Mots (8 Pages)  •  2 409 Vues

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Explication de texte : Les Fables, livre I, 1, « La Cigale et la fourmi ».

Cette fable est héritée d’Esope, reprise par M. de France puis J-A de Baïf. C’est un acte capital que d’avoir mis cette fable dans le livre I en première position, avec l’occurrence unique et première des fourmis et des cigales, ainsi que l’absence de morale apparente. Elle s’inscrit dans une série de fables très courtes, à peine plus étendues que le canevas d’Esope, allant jusqu’à la suppression du sens moral du récit. LF s’éloigne ainsi du modèle ésopique qui avait une morale (« Il ne nous faut rien négliger, si petit que ce soit… ») et qui était parsemé de détails (les fourmis rient, le blé est mouillé…) LF fait le choix de la brièveté ; le vers cultive l’art du sacrifice, de la condensation et de la suppression. LF en change également le titre : de « La Cigale et les fourmis », on passe à « La Cigale et la fourmi », mettant en scène l’affrontement entre deux individus, entre deux options a priori équivalentes. La vérité morale sera construite en fonction du choix. Le titre est un heptasyllabe qui met d’emblée en place un équilibre (avec la conjonction de coordination à valeur disjonctive « et ») et un affrontement.

Pourquoi malgré, ou grâce, à la brièveté de la forme choisie, le jugement qui reste en suspens favorise la cigale ? Et en quoi ce jugement favorable est-il révélateur d’un certain principe d’écriture ?

L’équilibre est rompu dès le 1er vers, la cigale étant mise en exergue. LF rompt avec la tradition ésopique qui commence par la fourmi. Le participe passé actif « ayant chanté » souligne d’emblée une caractéristique substantielle de la cigale, la forme verbale déjouant la formation statufiée et introduisant du devenir, du temps. La prosodie impaire souligne également le choix du mouvement, de même que le rejet à la fin de la séquence phrastique initiale. Tout cela concourt à renforcer le mot « surprise », produisant un étranglement de la prosodie avec le trisyllabique et le rythme impair.

Du vers 1 au vers 2, la rime est masculine, suivie, suffisante et doublée d’une rime couronnée (-té / été) : il s’agit bel et bien d’une poétique savante, revendiquant le rythme impair. Y participent également l’heptasyllabe et le trisyllabe, fantôme d’un vers possible, le décasyllabe. Tout cela suscitant le sourire chez le lecteur cultivé à l’horizon d’attente déjà fournie.

Le substantif « été » est narrativement intégrer à la fable, porté par le discours du narrateur, comme s’inscrivant près de l’univers quotidien des hommes.

Au vers 3 et 4, le double passé simple est le signe du constat : un fait isolé qui passe de l’été à la bise. Le passé simple entraîne précipitation et synthèse. La modalisation « fort » traduit la situation d’énonciation et la présence du locuteur, tandis que le substantif bise a une sonorité marquée et coupante.

Le vers 4 accentue la rapidité de la catastrophe par des appuis syllabiques « quand », « la », « bise »

Le vers 5 introduit un discours indirect libre avec la tournure raccourcie (il n’y a pas) et sans point d’exclamation. Le narrateur et les personnages se joignent : la voix du fabuliste fait corps avec celle de la cigale (privilège accordé à la cigale).

Au vers 6, il est dit que la fourmi ne mange pas de « mouche ou de vermisseau », soit de l’infiniment petit, caractérisé par l’adverbe partitif « seul petit morceau de ». Il s’agit d’un monde réglé par la loi des proportions, rendu vraisemblable par le discours indirect libre. Le lecteur est libre de sourire également face à la formulation a priori pathétique désamorcée par l’heptasyllabe et les réalités minuscules. Pourtant il s’agit d’un récit improbable : la bise est insupportable pour une cigale (adunaton).

Des vers 7 à 11 s’étend une phrase sur 5 vers. Le chant devient alors un cri « Elle alla crier » qui devient une prière « priant », avec les paronomases criant/priant et fourmi/famine. Persiste alors un caractère de fatalité tragique où l’on recherche un remède à l’absolue nécessité de la cigale.

Le vers 7 est au discours narrativisé, mode par lequel le récit rapporte paroles ou pensées d’un personnage, mais sous forme d’un acte ou d’un événement. Ce qui y est dit est la conséquence du vers 4 qui introduisait une perturbation « Quand la bise fut venue ». Les choix lexicaux accentuent la dramatisation et les points de vue privilégient toujours la cigale ; elle est le sujet, alors que la fourmi apparaît comme le satellite de la protagoniste (arrive en milieu de vers). La longue phrase confie 3 vers à l’explicitation de la requête, caractérisée par des enjambements successifs, plasticité nécessaire pour épouser la prosodie. La multiplication des discours, indirect libre, indirect, narrativisé, convoque tous les états de relation de la parole dans le récit et opère une modification de la relation entre le narrateur et le personnage qui parle. Le narrateur s’éloigne de son personnage en transformant son personnage en sujet : narration historique à la troisième personne du singulier.

Après l’euphorie initiale suggérée par le déploiement du chant sur deux vers, la parole se rétrécit à un cri et une prière, soulignés par les atténuatifs « quelque » (adjectif indéfini avec singulier), « jusqu’à ». Le ton est alors soutenu : « La saison nouvelle », « subsister »… La cigale parle le même langage que les honnêtes hommes du XVIIème siècle.

Les vers 10 et 11 sont en forme de chute, présentant l’absence de saison nouvelle pour la cigale (adunaton = figure de l’impossible). La cigale, grâce à l’adunaton, a perdu ses caractéristiques animales pour devenir son signifié homme (cf. lexique).

Le vers 12 est au discours direct, dont l’apparition est parfaitement articulée au corps du récit. Cela est souligné par le système de rimes des vers 11 et 12 qui harmonise les paroles du narrateur et du personnage. Il y a aussi progression du récit en même temps que progression de la parole

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