Les Belles Soeurs, M. Tremblay

Dans les années 1930, le Québec est fortement touché par la Grande Dépression. C’est pendant cette période , en 1935, que Claude-Henri Grignon écrit son roman du terroir Un homme et son péché. Trente ans plus tard, en 1968, en plein milieu de la Révolution Tranquille, Michel Tremblay écrit sa pièce de théâtre Les belles sœurs. Les événements sociohistoriques ont influencé la manière de deux auteurs de présenter le thème de la possession. En effet, Grignon et Tremblay évoquent le thème de la possession de manière différente, car leurs personnages prennent des moyens différents pour obtenir des biens matériels. Par contre, les personnages des deux œuvres sont obsédés par la passion de la possession. Cependant, le comportement des personnages par rapport aux biens matériels qu’ils possèdent est différent.

Grignon et Tremblay évoquent le thème de la possession de façon différente, car leurs personnages utilisent des moyens différents afin d’obtenir des biens matériels. En effet, Séraphin, le personnage de Grignon, en plus d’être usurier, accumule sa fortune à l’aide d’une économie extrême. Quand il lui semble que Donalda fait du gaspillage, il est mécontent. Il se met en colère « à propos de rien, à propos de tout, question d’argent, question d’économie». (GRIGNON, p.29) Cette énumération des raisons de sa fureur, met en évidence son extrême avarice. Également, l’antithèse «à propos de rien, à propos de tout » souligne le fait que Séraphin économise sur chaque chose qui peut avoir une infime valeur matérielle à ses yeux. Par contre, les personnages de Tremblay participent à différents concours pour obtenir des biens matériels. Ainsi, en collant des timbres chez Germaine, les femmes racontent à quels concours elles ont participé. Yvette Beaupré demande si elles ont gagné quelque chose. Chaque femme répond de la même façon : «J’ai-tu l’air de quelqu’un qui a déjà gagné quequ’chose?» (TREMBLAY, p.32) Cette phrase interrogative, répétée comme un refrain par les différents personnages, reflet leur ironie et leur jalousie envers Germaine qui a gagné son million de timbres. L’utilisation du langage populaire : particule« tu » et contraction «quequ’chose», contribue au réalisme, car les personnages de la pièce viennent d’un milieu ouvrier. D’ailleurs, Michel Tremblay est le premier à utiliser le joual sur une scène de théâtre. Sa pièce a un grand succès, car les Québécois s’identifient aux personnages. Bref, les moyens que prennent les personnages pour l’obtention des biens matériels n’est pas le même.

Cependant, la manière d’évoquer le thème de possession de Grignon et de Tremblay est similaire,car les personnages de deux œuvres sont envahis par la passion de possession. Ainsi, Séraphin éprouve un amour excessif pour l’argent qu’il possède. En fait, il a l’habitude de toucher son agent car cela lui procure une joie extrême. Même quand Donalda est malade, il ne peut se soustraire du bonheur de possession et touche son argent : «L’or, l’argent, les billets de banque, la vie, le ciel, le Dieu. Tout.» (GRIGNON, p. 71) Dans ce passage, l’énumération des équivalents de l’argent souligne l’ampleur de l’intérêt de Séraphin pour argent. La gradation ascendante «la vie, le ciel, le Dieu» ainsi que l’hyperbole «tout » exprime l’importance de l’argent pour Séraphin et l’intensité de sa passion. À l’exemple de Séraphin, les personnages de Tremblay ont un désir excessif de posséder des biens matériels. En effet, leur passion de possession les incite à participer au jeu de bingo, peu importe ce qu’elles vont gagner, [même si c’est «les chiens de plâtre»}. Dans leur «ode au bingo» elles prononcent ce qui suit : « Y faut que je gagne! Y faut que j’gagne! Y faut que j’gagne!»

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