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Lecture analytique: A Une Passante - Charles Baudelaire.

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Par   •  15 Mai 2014  •  2 288 Mots (10 Pages)  •  2 335 Vues

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CHARLES BAUDELAIRE

A UNE PASSANTE (LES FLEURS DU MAL, XCIII)

 

 

Lecture analytique

 

 

Introduction

A une passante fait partie de la section des Fleurs du Mal intitulée « Tableaux parisiens ». On trouve dans les poèmes de cette section l’évocation des rues de la capitale, des rencontres qu’on peut y faire. A une passante porte le n° XCIII et vient tout de suite après Les petites vieilles et  Les aveugles. Il n’appartenait pas à la première édition des Fleurs du Mal (1857). Il a été introduit par Baudelaire dans la réédition augmentée de 1861. A une passante est le récit d’une rencontre amoureuse, d’un « coup de foudre » à la manière des romans. Le texte peut s’analyser d’abord comme une scène romanesque. Mais nous montrerons ensuite ce que cette version baudelairienne du thème de la rencontre amoureuse a de très particulier : nous analyserons l’image originale de la femme contenue dans le poème, et la signification spirituelle que le narrateur confère à cette « épiphanie de la Beauté ».

 

1° AXE : UNE SCENE ROMANESQUE 

(Etude du mouvement du texte)

 

a)      Un récit en deux grandes parties, correspondant à l’opposition traditionnelle quatrains/tercets dans le sonnet .

 

Il s’agit de la rencontre entre le narrateur et une mystérieuse passante : une première partie (v.1 à 9) est consacrée à l’apparition de la femme ; la seconde (v.9 à 14) à une méditation du narrateur, où celui-ci analyse les répercussions intérieures provoquées en lui par cet événement. Cette structure binaire peut aussi s’analyser au niveau de l’énonciation : récit de 1 à 9, discours adressé à la disparue de 9 à 14. Au niveau des temps verbaux : passé simple / imparfait de 1 à 9, temps du discours (présent, passé composé, futur) de 9 à 14. Enfin, elle correspond à la structure du sonnet qui confère traditionnellement une unité de sens aux quatrains en les opposant aux tercets, eux aussi reliés par une certaine unité de signification (notons que par ailleurs, ce sonnet présente certaines irrégularités : deux systèmes de rimes au lieu d’un dans les quatrains ; distique en rimes plates situé à la fin du poème alors qu’il se trouve normalement au début du premier tercet).

 

b)      Les étapes du récit

 

·         Vers 1 : mise en place du cadre, un décor hostile.

Le premier vers du poème place le narrateur au centre du poème (« autour de moi ») et décrit le cadre de l’action, en mettant l’accent sur le bruit de la rue (« assourdissante », « hurlait »). Le vers comporte des insistances phonétiques : allitération en /r/ (4), assonances en /u/ et /ou/ (2 fois chaque son) qui imitent par leur dureté (/r/) leur stridence (/u/) ou leur gravité (/ou/) l’atmosphère sonore agressive de la rue. L’effet est amplifié par le double hiatus symétrique du début et de la fin du vers : « rue-assourdissante » (hiatus /u-a/) et « autour de moi-hurlait » (hiatus /a-u/). L’hiatus, qui rend la phrase difficile à articuler, a toujours pour effet d’amplifier la rugosité d’un vers. Tous ces effets convergent pour exprimer le décor hostile de la rue. (On pourrait ajouter que les vers suivants, consacrés à l’apparition de la passante, seront dominés par l’allitération douce de la sifflante /s/, ce qui produira un contraste porteur de sens avec la phonétique dure du premier vers).

·        Vers 2-5 : la femme en mouvement. Les vers 2 à 5 présentent la passante en suggérant la progression de la vision : simple silhouette au départ (« Longue, mince … »), puis la vision semble se rapprocher et se détailler (la main au vers 3, la jambe au vers 5). Le vers 5 correspond à une immobilisation de la vision sur une image fixe (« sa jambe de statue »).

Le rythme des vers 2,3,4 présente deux caractéristiques : cadence ascendante (les unités rythmiques s’allongent progressivement), cadence régulière (fondée sur l’accentuation systématique toutes les trois syllabes dans les vers 3 et 4).

Le vers 2 est coupé 1-2-3 // 2-4, ou même 1-2-3 // 6 si l’on considère que l’absence de virgule encourage à prononcer le second hémistiche d’un seul tenant :

 

Lon /gue, min /ce, en grand deuil, // douleur majestueuse,

 

      Le rythme s’allonge, semblant épouser la progression de la passante vers le narrateur. Il fait monter le suspens que l’auteur a recherché en faisant précéder l’arrivée du mot « femme » par une énumération de quatre adjectifs et noms apposés.

      Les vers 3 et 4 prolongent cet effet d’allongement par l’enjambement du vers 3 sur le vers 4 (Baudelaire affectionne l’effet d’amplitude obtenu en faisant déboucher un enjambement sur un vers à syntaxe énumérative régulièrement rythmé. Voir La Chevelure). En outre ils produisent un effet de balancement 3/3//3/3 qui imite la démarche élégante et étudiée de la passante :

 

Une fem / me passa // d’une main  / fastueuse

Soulevant, / balançant // le feston / et l’ourlet

 

      On remarquera la symétrie des deux participes présents, séparés par une virgule, puis celle des deux groupes nominaux coordonnés par « et ». Cette organisation syntaxique accentue le rythme 3/3 et lui donne son sens : celui-d’un va et vient régulier, accordé au pas de la passante et au mouvement de son bras guidant les ondulations de sa robe.

      La valeur imitative du rythme des vers est donc particulièrement remarquable dans cet exemple.

       Le mouvement semble s’immobiliser au vers 5 avec la comparaison « sa jambe de statue ». Cet arrêt sur image représente peut-être comme une image mentale idéalisée, la dernière que conservera le narrateur après la disparition de la passante.

 

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