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Le film de Bertrand Tavernier est-il une adaptation fidèle de la nouvelle ?

Dissertation : Le film de Bertrand Tavernier est-il une adaptation fidèle de la nouvelle ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Mars 2019  •  Dissertation  •  1 594 Mots (7 Pages)  •  1 066 Vues

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La Princesse de Montpensier :

Sujet : Le film de Bertrand Tavernier est-il une adaptation fidèle de la nouvelle de Madame de La Fayette ?

Il existe entre la nouvelle de Madame de Lafayette et le film de Bertrand Tavernier de nombreuses similitudes mais également quelques différences importantes car le réalisateur a avant tout fourni un travail de réécriture de l'œuvre. Il ne s'agit pas simplement d'adapter un texte du XVIIe siècle au cinéma, il faut aussi l'analyser et lui donner vie en incarnant les personnages et les situations imaginés par leur auteur. Tavernier a donc étudié la langue de l'époque et les faits historiques dans le but de reconstituer quelques scènes que la nouvelle ne développe pas. Ainsi, à propos de la réécriture cinématographique, il convient de se demander si elle relève de la trahison ou de l'adaptation. Tout d'abord, nous verrons les  difficultés et enjeux de l’adaptation d’un récit au cinéma. Puis une volonté de “Ré-historiciser” la nouvelle de La Fayette. Et enfin, la lecture féministe de Tavernier de la nouvelle.

La longueur de l’œuvre que l’on souhaite adapté cinématographiquement est l’une des premières questions qui est posée avant tout. Une page saisie est l’équivalent à environ à une minute de film. La majorité des scénaristes adaptant des romans au cinéma sont contraints à « couper » de nombreuses pages et ainsi à enlever des moments qu’ils jugent peu importants dans leurs scénarios. A l’inverse, pour La Princesse de Montpensier : une nouvelle d’une soixantaine de pages, le cinéaste fait un film de 2h20. Tavernier, à donc rajouter des scènes qui n’existent pas dans l’œuvre littéraire, ou les à allonger. Ce changement s’observe dès l’ouverture du film, qui prend une vingtaine de minutes à exposer la situation initiale : le mariage de la princesse contre son gré, Mme de la Fayette n’y a consacré pas plus de deux pages. Ce problème « pratique » rejoint la question polémique toujours d’actualité traversant l’histoire de l’adaptation au cinéma. Le cinéma doit-il être totalement fidèle à l’œuvre littéraire ? Au-delà de la quasi-impossibilité d’une fidélité complète, les opposants à cette idée disent que cela montrerait une potentielle infériorité de l’objet-film vis-à-vis de l’objet-livre, quand le film devrait être vu comme une œuvre à part entière, totalement détachée de sa source et considérée pour ses seules qualités. Mais aujourd’hui aucune adaptation n’échappe à ce fameux commentaire sur sa « fidélité » de l’œuvre originale. Si certains scénaristes se sont autorisés à transposer l’œuvre dans une autre époque ou de nos jours, n’en gardant bien souvent que certains éléments de l’intrigue, Tavernier fait de La Princesse de Montpensier une œuvre assez classique. L’intrigue est conservée dans ses grands traits, et le film montre une reconstitution historique très poussée du XVIe siècle et des guerres de religion. Et surtout aucun des personnages de la nouvelle ne manque à l’appel. Tavernier, s’intéresse surtout à rendre plus riche une nouvelle où le manque de détails est flagrant comme sur certains personnages ou certaines scènes. Il s’agit donc à peu près d’une adaptation que l’on peut appeler comme « fidèle », dans laquelle le cinéaste éclaircit et sert le sujet mais également où le sujet sert aussi le film, même si Tavernier préfère parler d’une « lecture » de l’œuvre.

Une explication donnée dans le dossier de presse du film, (livre édition Flammarion), montre l’intention du cinéaste, de « ré-historiciser la nouvelle pour retrouver les racines des sentiments ». De plus, Mme de la Fayette n’a pas connu l’époque dont elle parle dans sa nouvelle, vu qu’elle l’écrit plus d’un siècle après les événements décrits. Ce qu’elle aborde concernant les valeurs morales sont sans doute plus celles de sa propre époque que celles d’un XVIe siècle fantasmé, en effet, on y sent les préoccupations du XVIIe siècle classique porté sur l’importance du contrôle de la passion. On note également qu’elle reste très avare de descriptions proprement historiques, comme le montre son utilisation d’ellipses. Au contraire, Tavernier s’intéresse tout particulièrement à la reconstitution historique, plongeant La Princesse de Montpensier dans un réalisme qui existe dans la majorité des films historiques d’aujourd’hui. Son œuvre cinématographique est celle d’un habitué et passionné de l’histoire de France, en effet, il se plonge dans le Moyen Âge, la IIIe République (Le Juge et l’assassin), la guerre de 1914-1918 ou l’Occupation (Laissez-passer). Avec La Princesse de Montpensier, il multiplie les détails n’existant pas dans la nouvelle et permettant d’approfondir, le contexte historique. On pense par exemple, à la brève scène de l’apothicaire apportant les nouvelles de la guerre, de la nuit de noces réalisée en public afin de vérifier que la mariée est bien vierge, de l’attirance de la reine Catherine de Médicis pour l’astrologie, ou des références historiques avec la menace du duc d’Anjou (le futur roi Henri III) de « tuer » Guise, et effectivement, il le fera assassiner plus tard, et ici Tavernier change l’histoire à sa façon et y donne une raison de rivalité. Pour les costumes, Tavernier épargne à ses personnages masculins la fameuse « fraise » incommodante, les décors comme les accessoires participent d’une reconstitution très soignée peu banale. Le portrait du duc d’Anjou est particulièrement intéressant, puisqu’il joue de la prétendue féminité du futur roi, que l’histoire avait faussement « accusé » d’homosexualité, d’où le maquillage typiquement féminin de l’acteur. Cette volonté d’historicisation montre également un dernier point : la langue. La nouvelle de la Fayette possède très peu de dialogues, ce qui pousse le scénariste/dialoguiste face à une véritable liberté d’inventer. Mais il ne s’agit pas de faire parler les acteurs en ancien français, comme peut le faire Rabelais dans Gargantua. En effet, la langue de La Princesse de Montpensier est un heureux accord entre fidélité historique, de jolies envolées poétiques et une volonté de modernité de l’œuvre, avec parfois une petite dose d’humour (comme la réplique d’Anjou à Guise : « j’allais dire à votre guise »). Le jeu des comédiens, qui évite l’échec traditionnel de la volonté de « faire ancien », aide à rendre cette langue fluide, bien plus que dans la nouvelle, avec des personnalités bien tranchées, ainsi on peut remarquer des similitudes entre le dandy d’Anjou, ou même le « jeune de banlieue » de Guise. Montrant une certaine modernité de l’œuvre de Tavernier.

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