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Le Texte Théâtral Est-il Suffisant En Lui-même Pour Montrer Un Spectacle ?

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Par   •  16 Mars 2014  •  1 925 Mots (8 Pages)  •  1 243 Vues

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« Le texte théâtral est-il suffisant en lui-même pour montrer un spectacle ? »

La tradition scolaire a mis au programme des collèges et des lycées l’étude des grands classiques du théâtre. Mais, quand les élèves assistent à la représentation d’une de ces pièces, ils ont souvent l’impression de la redécouvrir, tant est grande la valeur ajoutée par le spectacle. Il existe peu de spectacles dramatiques qui ne s’appuient sur un texte. Inversement, le texte suffit-il à monter un spectacle ? La tentation est grande de répondre par la négative. Le théâtre n’est-il pas un spectacle total, qui exige le concours de nombreux professionnels du spectacle, du costumier au metteur en scène en passant par les acteurs, interprètes des personnages ?

Au 18ème et au 19ème siècles, quand le théâtre était le divertissement mondain le plus prisé, nombreux étaient les groupes d’amateurs qui montaient rapidement une pièce écrite par l’un d’eux. Il était d’ailleurs devenu courant de faire construire ou aménager dans les châteaux une salle de théâtre. Voltaire aux Délices, puis Ferney, George Sand à Nohant disposent d’une salle de théâtre ; Voltaire installe même un théâtre dans le grenier de Cirey, la propriété de Mme du Châtelet en Lorraine. Comme l’on goûtait autant le plaisir de se réunir que celui de se donner la comédie, le teste suffisait à ces acteurs improvisés pour monter le spectacle. Ces hommes et ces femmes cultivés, doués d’une grande sensibilité littéraire, trouvaient facilement les inflexions de la voix ou les jeux de scène qui s’imposaient… Plus près de nous, dans La Répétition ou l’amour puni d’Anouilh, ce sont aussi des amateurs, le Comte Tigre et sa famille, qui donnent une représentation de salon au profit d’orphelins. Ils ont choisi La Double Inconstance de Marivaux. Mais la vie imite la comédie : en expliquant à chacun son rôle, Tigre décrit à la fois la situation imaginaire de la pièce du 18ème siècle et la situation réelle dont les héros du château sont les partenaires. Cet exemple montre qu’il faut toujours un chef de troupe qui dirige ou conseille les acteurs, répartisse les rôles, redresse les erreurs. Telle est aussi la lourde tâche de Merlin, auteur et metteur en scène d’une pièce où chacun joue son propre rôle, Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux.

Aujourd’hui, certes, le spectacle théâtral se détache de plus en plus du texte écrit et tente de conquérir son indépendance, comme en témoignent diverses expériences de théâtre « vivant » ou « sauvage ». Et dès le 17ème siècle, les acteurs de la Commedia dell’arte se passaient du support d’un texte écrit pour se contenter d’un simple canevas. Mais « tout le monde sait que les comédies ne sont faites que pour être jouées », écrit Molière dans la préface de L’Amour médecin, « et je ne conseille de lire celle-ci qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre ». Ni la lecture, ni l’improvisation ne sauraient suffire.

L’improvisation peut, exceptionnellement, se muer en représentation. Mais, comparé aux innombrables ressources du spectacle théâtral, ce procédé paraît bien limité.

Contrairement à la poésie ou au roman qui se lisent n’importe où, le théâtre a d’abord besoin d’un lieu spécifique, d’une salle dont l’acoustique soit bonne. Le spectacle réclame ensuite des techniciens pour régler les jeux de lumière et, éventuellement, le son. Souvent les projecteurs sont braqués sur le personnage principal, l’isolant ainsi dans un halo de lumière, notamment dans les monologues, pour souligner sa solitude ou son désarroi. Dans la scène d’exposition d’Antigone, quand la lumière se concentre successivement sur les personnages présentés par Le Prologue, c’est uniquement pour les présenter. Mais dans l’Ondine de Giraudoux, la lumière verte qui baigne toutes les scènes où apparaît la blonde fille des eaux contribue à créer une atmosphère de légende et de féerie.

De même, les bruitages ne doivent pas être réglés au hasard. L’alternance des paroles ou des bruits extérieurs et des périodes de silence renforce l’effet dramatique. Même les trois coups qui annoncent, traditionnellement, le début de la représentation ont un sens : ils incitent le public à se taire, à disposer favorablement son attention, à se recueillir, ils symbolisent une coupure avec la vie quotidienne et l’entrée ans un monde irréel. Enfin, des effets spéciaux peuvent être obtenus avec des moyens rudimentaires, mais ingénieux : le spectateur croyait entendre le roulis d’un navire dans La Tempête de Shakespeare mise en scène par Peter Brook, alors que le bruit était produit par le mouvement d’une petite quantité de sable dans une longue tige de bambou évidée.

Au 17ème siècle, le public avait un engouement particulier pour les spectacles utilisant une machinerie compliquée afin de faire descendre Jupiter de son empyrée ou de représenter la colère de Neptune par l’agitation des flots. Dans ces « pièces à machines », dont nous est restée l’expression deus ex machina, tout était prévu pour le plaisir des yeux et l’émerveillement. Aujourd’hui la tendance est à la simplicité, sauf pour de somptueux costumes d’époque, comme dans les pièces contemporaines. Dans On ne badine pas avec l’amour, maître Blazius et dame Pluche sont vêtus de noir, mais si la seconde flotte dans ses habits, le premier a peine, au contraire, à y contenir sa bedaine et son triple menton. Enfin, tout changement de costume au cours de l’action est significatif : quand Silvia emprunte à Lisette son costume de soubrette, quand Ruy Blas troque sa livrée de valet contre les magnifiques vêtements de Don César, quand Monsieur Jourdain revêt les insignes de sa promotion à la dignité de mamamouchi, le spectateur voit un personnage se métamorphoser sous ses yeux.

L’artisan de ces changements est presque toujours le metteur en scène. C’est lui qui interprète le

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