Le Pont Mirabeau Apollinaire
Compte Rendu : Le Pont Mirabeau Apollinaire. Recherche parmi 293 000+ dissertationsPar JadeChanx • 23 Octobre 2014 • 3 666 Mots (15 Pages) • 1 639 Vues
‘’Le pont Mirabeau’’
(1913)
poème de Guillaume APOLLINAIRE
figurant dans le recueil ‘’Alcools’’
On trouve ici :
le texte
son analyse
Bonne lecture !
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jous et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Analyse
Apollinaire et Marie Laurencin franchissaient souvent la Seine en passant par le pont Mirabeau, un chef-d'oeuvre de technique et d'élégance architecturale qui avait été construit entre 1893 et 1896 pour relier directement les quartiers d'Auteuil et de Passy, rive droite, avec ceux de Javel et de Grenelle, rive gauche, dont la construction avait causé un scandale, certains voulant sa destruction. Mais il a résisté, ce qui n’est pas indifférent dans le cadre du poème.
Il était devenu emblématique de leur amour. Leur couple rompu, le pont inspira au poète une méditation lyrique sur la fuite du temps et de l'amour, méditation dans laquelle il balança entre la résignation douloureuse au changement inévitable et un espoir violent de permanence. Dans une lettre à Madeleine Pagès (1915), il dit du poème, qu’il est comme «la chanson triste de cette longue liaison brisée».
Toutefois, Apollinaire, qui était féru de littérature médiévale, aurait pu s’inspirer d’une chanson de toile du début du XIIIe siècle : “Gayette et Oriour,” publiée dans la “Chrestomathie du Moyen Âge” de Gaston Paris et Ernest Langlois qu’il connaissait certainement. Les deux textes ont le même dessin rythmique, la même position des rimes, le même mouvement de refrain :
«Vente l’ore et li rain crollent
Qui s’entraiment soef dorment».
Apollinaire composa d’abord un poème où chaque strophe comprenait trois vers de décasyllabes aux rimes féminines. Puis il supprima la ponctuation, transforma les tercets en quatrains en conservant deux décasyllabes qui encadrent deux vers de quatre et six pieds. Ainsi furent créées des strophes dites élégiaques où les vers courts, porteurs de sentiments profonds, sont plus intenses.
‘’Le pont Mirabeau’’ est formé de quatre strophes où s’intercale un refrain. Chaque strophe est composée de trois décasyllabes, le deuxième vers (de quatre syllabes) et le troisième (de six syllabes) constituant ensemble un décasyllabe. Le refrain est un distique de vers de sept syllabes, vers impairs dont Verlaine avait montré la musicalité. Toutes les rimes sont féminines sauf celles des premiers segments des décasyllabes rompus (deuxièmes vers des strophes). La ponctuation est absente : elle fut, comme pour tous les poèmes du recueil ‘’Alcools’’ où il figura en 1913, supprimée au dernier moment. De ce fait, le poème, plus difficile qu'il n'y paraît, ne manque pas d’ambiguïté et peut être l'objet de contresens.
La première strophe
On peut imaginer qu’un jour, passant la Seine sur le pont Mirabeau, le poète s'accouda au parapet et s'absorba dans la contemplation d’une eau paresseuse. Le lieu étant évocateur de l'amour qui l’avait uni à Marie Laurencin, il lui parle : «Je me rappelle nos amours. Pourquoi faut-il que je me souvienne de cette heureuse époque? J'y connaissais parfois la peine, il est vrai ; mais, au moins, à la différence de celle que j'éprouve aujourd'hui, cette peine n'était pas irrémédiable ; elle était suivie de joie.»
Dans le premier vers, qui est banal, le poète décrit sur un ton tout à fait objectif le mouvement de l'eau de la Seine qui coule sous le pont Mirabeau. Le vers suggère en même temps une permanence, car, malgré la fuite de l'eau, la Seine reste toujours la Seine. L'image du pont, opposée à celle de l'eau qui coule, souligne aussi l'antithèse entre la fuite et la durée. Vu ainsi, le premier vers fait pressentir une des idées directrices du poème : celle de la fuite du temps et de l'amour d'un côté, et, de l’autre, du désir de permanence qu'éprouve le poète.
Si ce premier vers est tout objectif dans sa constatation de la réalité extérieure, le deuxième surprend par la transition qu'il effectue au monde de la subjectivité. S’impose l’importance du souvenir et de l'idée d'amour, plutôt que des personnes qu'il représente. La disposition typographique de cette partie du décasyllabe signale l'élément nouveau
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