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Le Joujou Du Pauvre

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Par   •  24 Novembre 2014  •  2 660 Mots (11 Pages)  •  1 270 Vues

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En 1869, deux ans après la mort de Baudelaire, paraît un recueil de petits poèmes en prose, intitulé Le Spleen de Paris. Le projet de ce recueil remonte, dans l’esprit de Baudelaire, à l’année 1857 (deux poèmes datent même de 1855). Le titre de ce recueil, le nombre de pièces qui le composent subiront de nombreuses variations. L’auteur s’arrête finalement à deux titres : Le Spleen de Paris (1863) et Petits poèmes en prose. L’édition posthume, qui contient 50 textes, retiendra le premier de ces titres.

Le poème que nous nous proposons de commenter, intitulé “Le Joujou du pauvre “ a d’abord été publié isolément dans La Presse le 24 septembre 1862, avant d’être intégré dans le recueil, à la dix-neuvième place. Ce poème en prose, composé de six paragraphes, dont le dernier est très court - une proposition indépendante - nous présente le tableau contrasté de deux enfants et de leurs jouets respectifs.

Ce texte est une description, qui nous donne à voir un véritable tableau, dans lequel s’opposent deux mondes. Mais, au-delà de l’opposition manifeste de ces mondes, celui des nantis et celui des pauvres, nous en discernons une seconde, plus subtile, qui donne à l’enfant pauvre, libre, et possesseur d’un jouet vivant, une supériorité sur l’enfant riche. Cependant, malgré tout ce qui les sépare, ces deux enfants, l’espace d’un instant, fraternisent.

On connaît l’intérêt de Baudelaire pour l’art pictural. Ce poème en prose est une description , qui nous présente l’équivalent d’un tableau.

Cette description va d’abord s’attacher, dans les trois premiers alinéas, à l’enfant riche. Les deux paragraphes suivants seront consacrés au pauvre. Enfin la dernière ligne les réunit, en présentant un gros plan sur leur sourire et leurs dents. La description joue sur un effet de profondeur. Au premier-plan, nous avons une grille, avec ses barreaux, et , de part et d’autre, deux enfants. D’un côté de la grille, se dessine l’espace plan d’un jardin, qualifié par l’adjectif vaste . Un effet de perspective est créé, avec l’emploi du Gn + pronom relatif au bout duquel. L’arrière-plan est occupé par un château. De l’autre côté , la grille est longée par une route, sur laquelle se tient l’autre enfant.

La description joue donc sur les formes et les lignes. Elle joue aussi sur les couleurs et la lumière. Celle-ci [frappe ] le château, ce qui laisse supposer que la route est peut-être du côté de l’ombre. Sur le vert de l’herbe du jardin se détache le joujou brillant, avec sa robe pourpre. En face, le rat, d’un gris sombre.

Le point de vue adopté est celui du réalisme subjectif. Le poète se donne comme un témoin de la scène,, à partir duquel l’espace semble s’organiser, et qui, surtout, intervient dans sa description pour nous livrer ses réflexions et ses commentaires. A deux reprises, dans le second alinéa et à la fin du quatrième, le narrateur intervient. Ces interventions sont marquées par un changement de temps : ainsi, le présent de vérité générale se substitue à l’imparfait descriptif, comme l’indiquent les verbes rendent et devine. Le narrateur se donne lui-même comme un observateur impartial, artiste. Ainsi, le vocabulaire de la peinture ou de la sculpture est appliqué aux enfants. En témoignent les termes de pâte, là où il s’agit de chair, de patine, pour désigner la crasse, de vernis de carrossier masquant une peinture idéale.

Ce tableau est, en outre, régi par une série d’oppositions, entre richesse et pauvreté.

Baudelaire le souligne lui-même au début du cinquième alinéa, il s’agit de deux mondes, séparés par des barreaux symboliques. La grille marque, bien entendu, les limites d’une propriété, mais elle est surtout le symbole de la séparation entre les riches et les pauvres, incarnés par deux enfants. Cette opposition est clairement indiquée par l’organisation symétrique du texte, qui décrit, successivement un cadre, un enfant un jouet, et dans lequel on retrouve à deux reprises l’adjectif autre : de l’autre côté, un autre enfant, ainsi que les adjectifs antithétiques riche et pauvre.

Tout d’abord, les décors sont contrastés. Ainsi s’opposent un château, un jardin et son herbe, et une route, plus loin qualifiée de grande route, bordée de chardons et d’orties. A une végétation domestiquée, soignée, s’oppose une végétation sauvage, caractérisée par ce qu’il est convenu de nommer des mauvaises herbes. En outre, les noms chardons et orties partagent la même connotation de plantes qui piquent ou déchirent, et on songe aussi à l’expression mauvaise graine, qui pourrait, par contagion, qualifier l’enfant pauvre. De même, à une habitation renvoyant à une idée de richesse, de pouvoir, le château, demeure de nobles ou de riches bourgeois, s’oppose la route, lieu d’errance, de passage, de vagabondage, dont la ligne ouverte et les dangers contrastent avec l’espace clos et protégé du domaine. Ces antithèses se retrouvent dans la qualification des substantifs. Ainsi, le monde de l’enfant riche est spacieux, comme le montre l’emploi de l’adjectif vaste pour caractériser le jardin. Ce monde présente aussi un caractère esthétique, ainsi le château est joli, et sa blancheur est soulignée par le soleil qui l’éclaire, comme pour mieux le valoriser encore.

De l’autre côté, rien ! Les noms ne sont caractérisés par aucun adjectif, par aucune expansion, et, nous l’avons dit, on peut supposer que ce côté-là est à l’ombre.

Les mêmes antithèses se retrouvent dans le portrait des enfants. L’accent est mis sur l’enfant riche, et ce, tout d’abord, par le nombre de paragraphes et par la longueur des phrases qui lui sont consacrés. Cet enfant est qualifié par deux adjectifs qualificatifs, et par un participe passé passif suivi d’un long complément. Il est dépeint comme beau et frais. Ce dernier adjectif connote la propreté, la netteté, suggère un teint rose et clair, mais également la santé. Quant à l’autre enfant, il est qualifié par trois adjectifs, dont la longueur croît, sale, chétif, fuligineux. A la propreté de l’un s’oppose la saleté de l’autre, ravalé au rang d’objet, puisque fuligineux, qui évoque la suie et le charbon, s’applique à des chandelles , ou à des flammes, ; En outre, dans le cinquième alinéa, cet enfant est appelé le petit souillon. De plus, il semble en mauvaise santé, chétif.

Les verbes utilisés pour peindre ces enfants sont également différents. Ainsi, l’enfant riche est le sujet inversé, et, partant, mis en valeur, du

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