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Lanterne Magique De Picasso De Jacques Prévert

Mémoire : Lanterne Magique De Picasso De Jacques Prévert. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  3 Mai 2013  •  1 483 Mots (6 Pages)  •  2 336 Vues

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Tous les yeux d’une femme joués sur le même tableau

Les traits de l’être aimé traqué par le destin sous la fleur immobile d’un sordide papier peint

L’herbe blanche du meurtre dans une forêt de chaises

Un mendiant de carton éventré sur une table de marbre

Les cendres d’un cigare sur le quai d’une gare

Le portrait d’un portrait

Le mystère d’un enfant

La splendeur indéniable d’un buffet de cuisine

La beauté immédiate d’un chiffon dans le vent

La folle terreur du piège dans un regard d’oiseau

L’absurde hennissement d’un cheval décousu

La musique impossible des mules à grelots

Le taureau mis à mort couronné de chapeaux

La jambe jamais pareille d’une rousse endormie et la très grande oreille de ses moindres soucis

Le mouvement perpétuel attrapé à la main

L’immense statue de pierre d’un grain de sel marin

La joie de chaque jour et l’incertitude de mourir et le fer de l’amour dans la plaie d’un sourire

La plus lointaine étoile du plus humble des chiens

Et salé sur une vitre le tendre goût du pain

La ligne de chance perdue et retrouvée brisée et redressée parée des haillons bleus de la nécessité

L’étourdissante apparition d’un raisin de Malaga sur un gâteau de riz

Un homme dans un bouge assommant à coups de rouge le mal du pays

Et la lueur aveuglante d’un paquet de bougies

Une fenêtre sur la mer ouverte comme une huître

Le sabot d’un cheval le pied nu d’une ombrelle

La grâce incomparable d’une tourterelle toute seule dans une maison très froide

Le poids mort d’une pendule et ses moments perdus

Le soleil somnambule qui réveille en sursaut au milieu de la nuit la Beauté somnolente et soudain éblouie qui jette sur ses épaules le manteau de la cheminée et l’entraîne avec lui dans le noir de fumée masquée de blanc d’Espagne et vêtue de papiers collés

Et tant de choses encore

Une guitare de bois vert berçant l’enfance de l’art

Un ticket de chemin de fer avec tous ses bagages

La main qui dépayse un visage qui dévisage un paysage

L’écureuil caressant d’une fille neuve et nue

Splendide souriante heureuse et impudique

Surgissant à l’improviste d’un casier à bouteilles ou d’un casier à musique comme une panoplie de plantes vertes vivaces et phalliques

Surgissant elle aussi à l’improviste du tronc pourrissant

D’un palmier académique nostalgique et désespérément vieux beau comme l’antique

Et les cloches à melon du matin brisées par le cri d’un journal du soir

Les terrifiantes pinces d’un crabe émergeant des dessous d’un panier

La dernière fleur d’un arbre avec les deux gouttes d’eau du condamné

Et la mariée trop belle seule et abandonnée sur le divan cramoisi de la jalousie par la blême frayeur de ses premiers maris

Et puis dans un jardin d’hiver sur le dossier d’un trône une chatte en émoi et la moustache de sa queue sous les narines d’un roi

La chaux vive d’un regard dans le visage de pierre d’une vieille femme assise près d’un panier d’osier

Et crispées sur le minium tout frais du garde-fou d’un phare tout blanc les deux mains bleues de froid d’un Arlequin errant qui regarde la mer et ses grands chevaux dormant dans le soleil couchant et puis qui se réveillent les naseaux écumants les yeux phosphorescents affolés par la lueur du phare et ses épouvantables feux tournants

Et l’alouette toute rôtie dans la bouche d’un mendiant

Une jeune infirme folle dans un jardin public qui souriant d’un sourire déchiré mécanique en berçant dans ses bras un enfant léthargique trace dans la poussière de son pied sale et nu la silhouette du père et ses profils perdus et présente aux passants son nouveau-né en loques Regardez donc mon beau regardez donc ma belle ma merveille des merveilles mon enfant naturel d’un côté c’est un garçon et de l’autre c’est une fille tous les matins il pleure mais tous les soirs je la console et je les remonte comme une pendule

Et aussi le gardien du square fasciné par le crépuscule

La vie d’une araignée suspendue à un fil

L’insomnie d’une poupée au balancier cassé et ses grands yeux de verre ouverts à tout jamais

La mort d’un cheval blanc la jeunesse d’un moineau

La porte d’une école rue du Pont-de-Lodi

Et les Grands Augustins empalés sur la grille d’une maison dans une petite rue dont ils portent le nom

Tous les pêcheurs d’Antibes autour d’un seul poisson

La violence d’un œuf la détresse d’un soldat

La présence obsédante d’une clef cachée sous un paillasson

Et la ligne de mire et la ligne de mort dans la main autoritaire et potelée d’un simulacre d’homme obèse et délirant camouflant soigneusement derrière les bannières exemplaires et les crucifix gammés drapés et dressés spectaculairement sur le grand balcon mortuaire du musée des horreurs et des honneurs de la guerre la ridicule statue vivante de ses petites jambes courtes et de son buste long mais ne parvenant pas malgré son bon sourire de Caudillo

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