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"La nuit est une grande cité endormie", Philippe Jaccotet.

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Par   •  25 Novembre 2016  •  Commentaire de texte  •  2 556 Mots (11 Pages)  •  3 262 Vues

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Philippe Jaccottet, « La nuit est une grande cité endormie... »

La nuit est une grande cité endormie. C'est par cette métaphore énigmatique que Philippe Jaccottet entame le premier poème de son recueil intitulé « L'effraie ». On retrouve d'ailleurs la présence de cet animal nocturne, symbole de mort, dans ce poème liminaire. A première vue, le poème de Jaccottet apparaît comme hermétique, difficile d'accès. De fait, la structure du poème peut être perturbante car elle est hors norme. Il n y a pas de rimes, de vers traditionnels, les phrases du poètes sont presque toutes coupées. A cela vient s'ajouter la difficulté de compréhension de ces phrases. De quoi Jaccottet parle t'il ? Que veut il évoquer au lecteur ? On ne comprend pas bien son propos. Le poème donne une impression de désordre, de chaos, de non sens. Jaccottet semble parler d'un sujet puis d'un autre sans réel lien. Nous pouvons donc nous interroger sur la justification du style employé par l'auteur. En quoi les ambiguïtés mis en évidence par le poème, la singularité du style de l'auteur sont en accord avec le message que veut nous faire passer le poète ? Et au final que veut vraiment évoquer l'auteur dans ce poème ?

En premier lieu, nous verrons que ce poème peut être à première vue considéré comme un poème ambiguë, difficile à comprendre. Ensuite, nous verrons qu'il peut s'agir d'un poème qui tente de dire l'indicible et que c'est pour cela qu'il peut être difficile à comprendre à première vue. Enfin nous verrons qu'il s'agit aussi d'un poème qui parle de la mort, et qui a donc, à certains égards des allures de « memento mori ».

I) Un poème ambiguë

a) Les indices temporels

« La nuit » est le premier groupe nominale du poème. Dès le début, Jaccottet nous donne donc des indications sur le moment de la journée. La nuit peut être vue de deux manières. Elle peut être le moment du repos, du calme, mais aussi comme le rappelle le titre du recueil, le moment de l'effraie, celui d'une nuit inquiétante, mystérieuse. L'article défini « la » et le présent de l'indicatif « est » au premier vers donne une valeur généralisante à la nuit. On ne sait pas de quelle nuit il s'agit précisément. Il ne s'agit donc peut être pas de la mise en place d'un cadre spatio-temporel par l'auteur. Le lecteur est donc directement plongé dans ce poème sans repères réels. Néanmoins, le premier vers peut aussi être vu comme une définition personnelle de la nuit par l'auteur. Cette volonté de définir la nuit montre que le poète cherche à diriger le lecteur, à ne pas le perdre. Il cherche à apporter des réponses sur l'abstraction de la nuit. Il identifie cette nuit à une « grande cité endormie » au vers 1. Cette métaphore associe donc la nuit à un groupe humain. De plus les adjectifs, « grande » et « endormie » rendent cette nuit familière et rassurante.

Au vers 3, une courte phrase est mis en évidence. De fait, « C'est la minuit de juin » commence en milieu de vers et se termine en fin de vers. On peut remarquer que l'auteur évoque « minuit » qui peut être vu comme le milieu de la nuit, et « juin » qui est aussi le milieu de l'année. Cela donne l'impression que le temps est en équilibre parfait. Le son « ui » présent dans les deux mots renforce cette équilibre, ce sémantisme temporel. La nuit est une période ou le temps apparaît comme suspendu, immuable.

b) L'ambivalence des termes

La nuit dont nous parle Jaccottet est donc à la fois effrayante et rassurante. On retrouve à plusieurs reprises cette ambiguïté dans plusieurs mots du poème. Par exemple au vers 3, « l'asile de ce lit » peut à la fois désigner la prison ou le refuge. Les mots employés par le poète jouent avec cette ambivalence. De plus, le déictique « ce » peut agir en tant que démonstratif pour indiquer la proximité du lit, pour le situer géographiquement ou pour accorder à ce lieu une importance particulière.

De même, on peut relever aux vers 7 et 8 une autre ambiguïté. Le poète semble voir « une lueur fuyant à travers les bois, ou bien les ombres qui tournoient » . Les deux visions du poète sont en totale contradiction. Les deux COD du verbe « jurerait » opposent la lumière à l'obscurité, la « lueur » aux « ombres ». Les formes verbales « fuyant » et « tournoient » s'opposent elles aussi. Un verbe décrit un mouvement droit, rectiligne. L'autre verbe décrit quant à lui un mouvement rond, cyclique. C'est donc deux visions antithétique que le poète décrit. Pourtant, la phrase commence par le verbe « jurer » qui est censé affirmer avec vigueur. Ce discours, aux premiers abords assertif, se retrouve vite mis en doute par l'emploi du conditionnel, par la locution conjonctive « ou bien » et aussi par la proposition incise « dit-on » au vers 8.

c) Les personnages

Le pronom personnel de la deuxième personne apparaît au vers 4. Ce « tu » permet de se resserrer sur un individu en particulier. On imagine donc un discours direct s'adressant à un locuteur. Cependant, ce personnage reste énigmatique. Le lecteur n'en saura pas plus sur lui. On peut voir aussi un indice de la présence du poète grâce au pronom « m' ». Deux personnages sont donc présent sans que leur relation ne soit précisée. Cette relation est d'ailleurs perturbé par la présence du « on » impersonnel. Ce « on » contrôle le poète. Il est sujet alors que le poète n'est que complément d'objet direct. Ce poète subissant une force extérieur n'est d'ailleurs pas sans rappeler une tradition poétique selon laquelle le poète n'était qu'un instrument des dieux, de forces divines.

Encore une fois, les indices qui peuvent permettre aux lecteurs de se repérer, de comprendre sont perturbés. Le mystère plane sur tout le poème et le lecteur a du mal à savoir de quoi l'auteur veut parler. La présence de « tes yeux » au vers 10 est elle aussi étrange. La phrase semble être dans l'incapacité d'être cohérente. En effet, il s'agit ici, d'un véritable archétype de la femme aimée. Cependant, le lecteur ne sait rien sur cette femme. De plus l'expression « et de tes yeux » se situe en milieu de vers, et cela nous permet de comprendre que

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