La littérature nous apprend-elle à vivre ?

                                            La littérature nous apprend-elle à vivre ?

  La littérature correspond à l'ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique. Elle regroupe une grande diversité de genres, aussi bien le théâtre que le roman, l'essai que la poésie ou le conte philosophique. Elle permet à l'écrivain de traduire, par les mots, son expérience et sa vision du monde dont le lecteur, ensuite, pourra se nourrir. Pour autant, peut-elle nous apprendre à vivre ? Autrement dit, ce monde recréé par le langage, donc artificiel et virtuel, peut-il influencer notre propre existence au point de nous former ? Nous verrons que si son pouvoir en la matière est indéniable, il n'en est est pas moins restreint, dans la mesure où il ne se manifeste que dans un espace fictif.

  Certes, la vocation d'un grand nombre d’œuvres littéraires étant d'instruire, il semble indubitable que la littérature nous permet de nous perfectionner. En effet, elle nous informe sur la société, la psychologie humaine. Au XIXème siècle, un courant littéraire s'installe : le réalisme. Son objectif premier est d'exprimer le plus fidèlement possible la réalité,sans l'idéaliser. Comme le dit Stendhal : ''Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long des chemins.'' Ainsi, dans le roman réaliste Bel-Ami de Maupassant,l 'auteur nous expose son pessimisme  à travers une critique marquée de la société de son époque. Cette dernière apparaît comme régie par l'hypocrisie, l'argent et ce sont finalement les plus opportunistes, tels que Georges Duroy, qui parviennent à s'élever dans l'échelle sociale. Ainsi, cette satire peut faire l'effet d'une prise de conscience pour le lecteur et influencer sa vision du monde. Quant à la psychologie humaine, on retrouve cette thèse au centre du roman d'analyse de Mme de Lafayette, La princesse de Clèves. A travers des personnages idéalisés,concentrant des valeurs, le roman se consacre à explorer les sentiments de Mme de Clèves,partagés entre l'amour et la vertu. En effet,ses principes moraux l'empêchent d'épouser le Duc de Nemours. De plus, elle pense que l'amour qu'il lui voue ne sera pas éternel, que cette passion s'estompera avec le temps et qu'elle deviendra alors jalouse, ce à quoi elle ne peut consentir. Par le biais de personnages allégoriques permettant l'exploration de l'âme humaine, Mme de Lafayette nous invite donc à réfléchir à l'amour et ses dérives. En définitive, la littérature prend une valeur informative qui nous permet d'apprendre sur le monde, les êtres humains.

  De même, ce sont les personnages, que les auteurs ont élu, qui nous forment. En effet, ils permettent à chaque individu de vivre et apprendre par procuration, c'est-à-dire que le lecteur évolue avec le personnage, il suit sa trajectoire et vit en parallèle ses sentiments. Candide de Voltaire aussi bien qu’une pièce de théâtre comme Tartuffe de Molière, montrent dans leurs structures même qu’un enseignement peut nécessiter un parcours personnel pour que son destinataire y adhère .Dans Tartuffe , le dramaturge nous met en garde contre la duperie. Le maître de maison Orgon, obnubilé par Tartuffe, ne comprend pas la mise en garde explicite de sa famille envers celui-ci. Il ne découvre alors l’hypocrisie de son protégé que lorsque les siens mettent en place un stratagème qui lui dévoile implicitement les manigances du dévot. Le lecteur, qui a évolué avec Orgon, peut ainsi lui témoigner une certaine empathie, et ressentir pleinement l'infamie de Tartuffe, tel que le maître bourgeois la découvre. Ainsi, la pièce elle-même, sous couvert de divertissement, fait suivre le même chemin au spectateur, qui par l’implicite, apprend à se méfier des mensonges et des faux semblants. Dans le conte philosophique de Voltaire, l'auteur nous met en garde contre la candeur, pouvant causer bien des tourments. En effet, Candide est un personnage naïf prêt à croire le premier enseignement théorique qu’on lui livre, et qui n’apprendra véritablement que de ses expériences. De même, le lecteur est invité à recevoir le message de Voltaire non par un développement explicite, mais de manière implicite, en suivant le récit des aventures du personnage. Il est ainsi amené à penser par lui même, comme Candide. En somme, les liens tissés entre le lecteur et le personnage permet de mettre en relation les expériences vécues par ce dernier et d'en tirer profit pour sa propre vie.

...