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‘’ La chevelure ’’, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Commentaire de texte : ‘’ La chevelure ’’, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Novembre 2012  •  Commentaire de texte  •  3 888 Mots (16 Pages)  •  4 011 Vues

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André Durand présente

‘’La chevelure’’

poème de Charles BAUDELAIRE

dans

‘’Les fleurs du mal’’

(1857)

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !

Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !

Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure

Des souvenirs dormant dans cette chevelure,

Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,

Tout un monde lointain, absent, presque défunt,

Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !

Comme d'autres esprits voguent sur la musique,

Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,

Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;

Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !

Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve

De voiles, de rameurs, de flamnes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire

À grands flots le parfum, le son et la couleur ;

Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,

Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire

D'un ciel pur où frémit l"éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse

Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;

Et mon esprit subtil que le roulis caresse

Saura vous retrouver, ô féconde paresse !

Infinis bercements du loisir enbaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,

Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;

Sur les bords duvetés de vos mèches tordues

Je m'enivre ardemment des senteurs confondues

De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! Toujours ! ma main dans ta crinière lourde

Sèmera le rubis, la perle et le saphir,

Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !

N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde

Où je hume à longs traits le vin du souvenir?

Commentaire

Pour Baudelaire, une des fonctions de la poésie est de «transformer une rêverie en œuvre d'art». Or lui procurait plaisir et rêverie la contemplation de la beauté féminine, et spécialement celle de la chevelure de sa maîtresse, la mulâtresse Jeanne Duval qu’il appelait «la Vénus noire», chevelure au parfum «sauvage et fauve», à l’odeur d’huile de coco, de musc et de goudron dont elle était tout imprégnée. Y revenant avec prédilection, il lui consacra plusieurs poèmes de son recueil ‘’Les fleurs du mal’’ : ‘’Parfum exotique’’, ‘’Le parfum’’ (dans ‘’Un fantôme’’) et surtout celui-ci.

Mais ‘’La chevelure’’, où Baudelaire reprit le thème qu'il avait traité dans ‘’Parfum exotique’’, ne figurait pas dans la première édition des ‘’Fleurs du mal’’, ne fut publiée que le 20 mai 1859, dans ‘’La revue française’’, avant d’être placée juste après ‘’Parfum exotique’’ dans la seconde édition du recueil. On peut supposer que le poème fut écrit entre 1857 et 1859, antérieurement au poème en prose correspondant, ‘’Un hémisphère dans une chevelure’’. Il aurait pu trouver son origine dans les sensations instinctives que Baudelaire avait pu éprouver alors qu’enfant il était déjà sensible à l’odeur d’une chevelure de femme, et qu’il prêta à un des enfants de son poème en prose ‘’Les vocations’’ : «J’ai fourré ma tête dans ses cheveux qui pendaient dans son dos, épais comme une crinière, et ils sentaient aussi bon, je vous assure, que les fleurs du jardin à cette heure-ci.» D’autre part, la célébration de la chevelure fut un thème traditionnel ; mais la comparaison que nous pouvons faire entre les vers de Baudelaire et ceux de ses prédécesseurs permet de mieux comprendre son originalité : ce qui était, chez eux, expression d’un plaisir purement sensuel devint chez lui invitation à rêver.

Alors que ‘’Parfum exotique’’, resserré dans le cadre strict et étroit du sonnet, se réduit à une rapide esquisse, ‘’La chevelure’’, poème au caractère invocatif et incantatoire, présente un ample et complet développement du thème et des images, sa liberté d’invention en faisant l’un des plus modernes des ‘’Fleurs du mal’’. Il comprend sept quintils, où la disposition des rimes, abaab, donne la prépondérance à la rime féminine, suscite un rythme incantatoire. Devant cet ensemble, on peut distinguer cette composition :

- La première strophe montre la force de suggestion de la chevelure.

- Les deuxième, troisième et quatrième strophes déploient des images exotiques.

- Les cinquième et sixième strophes sont envahies par l’ivresse.

- La dernière strophe exprime une soumission reconnaissante à la chevelure.

Première strophe :

Dans cet hymne à la chevelure, le poète manifeste d’emblée une exaltation que marquent les coups de gong que sont les «ô» vocatifs créateurs d’une incantation, comme le rythme exclamatif des premiers vers,

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