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La Violence Dans La Littérature

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Par   •  4 Mars 2013  •  5 399 Mots (22 Pages)  •  2 182 Vues

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L’esthétique de la violence dans L’équation africaine de Yasmina Khadra

Yasmina Khadra est l’un des romanciers qui se font le plus remarquer sur la scène littéraire actuelle. L’auteur des Hirondelles de Kaboul est, en effet, un écrivain qui a su, par le biais d’une narration très féconde, rendre compte, à une époque où les discours politico-idéologiques ne suffisent plus à répondre aux problématiques et interrogations engendrées par la complexité des hommes , d’une réalité plurielle, floue, éclatée, et de surcroit, insaisissable.

L’intérêt que nous portons à Yasmina Khadra émane essentiellement de la conjugaison de deux faits, à priori contradictoires, mais qui se révèleront vite, chez cet écrivain comme étant complémentaires. Pourvus d’une narration fluide, les textes de Khadra ne semblent vouloir avancer qu’au gré d’un vacillement persistant entre violence et épanchement lyrique. Qu’elle ait pour titre Ce que le jour doit à la nuit, Les agneaux du seigneur, A quoi rêvent les loups ou L’attentat, la fiction de Khadra se construit obstinément selon un modèle archétypal fixe. Ce dernier véhicule la délectation d’un narrateur qui se plait à mettre en scène un personnage qui conduit la fiction (et conduit par la fiction) et qui est appelé à se construire/à se déconstruire/à se reconstruire dans un itinéraire fictionnel délirant qui lui impose de se dé-couvrir en avançant sur la périphérie de deux mondes antinomiques.

Si notre choix a porté sur L’équation africaine , c’est parce que nous considérons qu’en quelque sorte, ce dernier roman de Khadra synthétise parfaitement les préoccupations déjà inscrites dans ses nombreux romans. Ces préoccupations pourraient être considérées comme autant d’équations à résoudre et que l’écrivain algérien, par le biais d’un transfert spatial, d’une narration linéaire mais complexe reconstitue dans ce que nous appellerons « une esthétique de la violence » dans sa dernière fiction.

En effet, Khadra ménage un espace non négligeable à la violence. Cette violence s’inscrit avec force dans ses textes, non seulement par la voie de la thématisation, mais aussi par le biais d’une configuration scripturaire. Dans le texte qui nous occupe, nous considérons qu’elle motive la narration, qu’elle s’inscrit dans la narration en tant que thème, qu’elle constitue un espace métaphorique où s’entrecroisent choc culturel, représentations, stéréotypes, héritage colonial, projections individuelles et collectives, et finit par se confondre avec la narration pour constituer une sorte d’exutoire nécessaire à l’avènement d’une ère/aire nouvelle.

La résurgence permanente de la violence dans l’écriture de Y. Khadra nous a conduit à formuler la problématique suivante : nous considérons que pour répondre à un désir de justice et de vérité insistant, Y. khadra fait de la violence une sorte de passage obligatoire, un exutoire qui ferait table rase sur un passé tragique, et qui mènerait au recouvrement de l’équilibre originel grâce au dépassement du trauma qui constitue le prédicat essentiel de la majorité des personnages romanesques de l’écrivain qui nous intéresse.

Nous considérons que la vérité à laquelle aspirent les personnages de Yasmina Khadra est une vérité d’ordre ontologique. Cette précision est de taille car elle va nous guider tout au long de notre travail en jetant les ponts à une réflexion qui s’articulera autour des hypothèses que voici :

- La violence s’inscrit dans un long parcours initiatique qui conduit le héros vers une renaissance au monde ;

- Elle constitue un exutoire qui permet de transcender sa condition d’homme pour accéder à l’équilibre originel.

Insister sur la récurrence du thème de la violence dans l’écriture de Y. Khadra pourrait faire figure, à première vue, d’une lapalissade. Toutefois, ce qui nous intéresse davantage dans le présent travail, c’est moins son aspect référentiel (puisqu’elle s’inscrit systématiquement, dans tous ses romans, dans des problématiques culturelles et politiques contemporaines et fait figure d’interrogation douloureuse sur le destin tragique de l’humanité) que ses corolaires sur le devenir existentiel des personnages qui tissent la trame des différentes fictions. Car nous ne prétendrons pas, du moins dans ce travail, recenser de manière exhaustive les formes qu’elle prend. Notre objectif est de saisir dans quelle mesure la violence participe à l’émergence d’un autre état de fait, d’un nouvel équilibre, d’une réalité autre que celle à la quelle le personnage aspirait.

L’une des formes nombreuses par lesquelles la violence se donne à lire dans l’équation africaine est sans doute la mort. Celle-ci traverse de bout en bout la fiction qui nous occupe et intervient dans la diégèse à différents niveaux et contracte ainsi différentes significations. Par ailleurs, et c’est sans doute l’élément prépondérant qui va nous servir de fil conducteur, la mort semble ponctuer tout le texte (et à un niveau supérieur, toute l’œuvre de Khadra). Il ne serait guère exagéré de faire remarquer, de but en blanc, que la mort chez le romancier algérien ouvre le texte, le motive, et le clôt. Elle traverse le texte en constituant le pivot d’une fiction autour duquel gravitent d’autres thématiques qui ne font que lui fournir de la consistance et raffermir son lien intime avec la transformation, ou la mutation ontologique des personnages. Essayons de comprendre la dimension qu’elle embrasse et son rapport avec ce que nous avons appelé le voyage initiatique du docteur Kurt Krausmann.

1- La mort : point de départ vers un ailleurs inconnu

Dans un premier temps, ce mot sera saisi dans son sens premier, c’est-à-dire tel que nous le propose, à titre d‘exemple, le Dictionnaire Larousse : « Cessation complète et définitive de la vie. » Le Dictionnaire des symboles nous en donne la définition suivante :

« En tant que symbole, […] elle est aussi l’introductrice dans les mondes incunnus des Enfers ou des Paradis ; ce qui montre son ambivalence, comme celle de la terre, et la rapproche en quelque sorte des rites de passage. »

D’un point de vue symbolique, il est facile de saisir que la mort participe d’une transformation ou d’un passage d’un état à un autre, d’une vie à une autre sans doute inconnue et non choisie. Cette idée de « transformation » nous interpelle fortement dans la fiction de Khadra. En effet, ce dernier semble imputer à sa narration, et de façon quasiment obsédante l’idée d’une

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