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La Ronde Des Jours

Dissertation : La Ronde Des Jours. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  21 Mai 2013  •  4 481 Mots (18 Pages)  •  1 890 Vues

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NTRODUCTION

Et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent de jour, de nuit, […] Et la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d’une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour et de nuit.

Aimé Césaire

L’émergence des trois mousquetaires de la négritude dans le Paris des années 30, à savoir, Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire et Léon- Gontran Damas occulta les consoeurs martiniquaises qui organisèrent les rencontres littéraires et intellectuelles et furent, à n’en pas douter, leur source d’inspiration. Il s’agit des sœurs Nardal : Paulette, Jane et Andrée et de Suzanne Roussi qui deviendra plus tard Suzanne Césaire . La relégation aux calendes grecques de l’activisme culturel et politique de ces quatre femmes à poigne qui amorcèrent l’éveil de la conscience raciale au moment où l’homme noir était considéré comme un renégat, un sous-homme laisse penser à une tradition d’injustices séculaires faites aux femmes doublée d’une certaine amertume quant’ à la reconnaissance de leurs actions. C’est cette perspective que Jacqueline Aubenas, parlant des révolutions, constate qu’ « elles ont toujours mis un fusil entre les mains des femmes, les hommes ne se sont pas empêchés de dresser les barricades avec elles, mais une fois, les révolutions terminées et les gouvernements constitués, les hommes monopolisent le pouvoir. »

S’il est vrai que nous ne sommes pas ici dans un cadre insurrectionnel militaro-politique, métaphoriquement, il n’en demeure moins vrai que les schèmes sociaux et institutionnels phallocratiques consolident, à plus d’un titre, la bipartition sexuelle.

En effet, l’esclavage et la colonisation qui dénièrent au Noir, l’humanité, le ravalant au rang de la bête, laissant en lui, les préjugés et les complexes de toutes sortes, renforça trois formes de discrimination : sociale, sexuelle et raciale . Cette dernière poussa les intellectuels noirs du quartier latin à revendiquer leur identité. Mais ces éminents penseurs et théoriciens de la négritude ont ravisé leur plate- forme commune dans le Salon Clamart des Sœurs Nardal .

La question qu’on est en droit de se poser est celle de l’approfondissement de l’identité de ces héroïnes que l’histoire oblitéra. Quels rôles ont-elles joué auprès de leurs pairs et au sein du groupe ? Quelle fut leur contribution dans la conquête de la liberté des peuples noirs ? Leurs actions ou leurs démarches avaient-elles des prégnances ou des velléités spécifiquement féminines ?

La rigueur épistémologique nous amène à aborder cette problématique dans une double approche : d’abord, nous utiliserons une démarche sociohistorique que nous emprunterons à Lylian Kesteloot dans sa mythique Anthologie de la littérature négro-africaine, car ces militants en quête de leur identité tenterons de fouiner, d’interroger leurs origines en passant par des lectures ethnologiques et anthropologiques. Dans le même ordre d’idées, la recherche de la dignité s’accompagnait inéluctablement par des revendications plus ou moins incisives. Ce qui nous pousse à adopter une approche politico-idéologique dans la mesure où il ne sera plus question d’une simple investigation mais de la responsabilité culturelle et politique de l’intellectuel noir vis- à- vis de son peuple. Cette affirmation de la personnalité nègre sera tantôt virulente tantôt pacifique selon les expériences historiques et le tempérament de chacun.

Pour effectuer une analyse judicieuse, nous adopterons un triptyque : dans un premier temps, nous montrerons cette ferme volonté d’enracinement : de la poétique du déracinement à la volonté d’affirmation du « Moi nègre », préambule au panafricanisme. Ensuite, présenterons la rupture et la responsabilité de l’intellectuel antillais vis- à- vis de son peuple par le biais d’un langage et d’un mouvement : Le surréalisme : un prélude à l’antillanité et à la créolité. Enfin, nous démontrerons que cette culture révolutionnaire féminine débouche sur des correspondances entre féminitude et négritude qui n’auront de portée significative qu’avec un humanisme de la différence. Mais avant d’amorcer ce plan ternaire, un bref synopsis du chapitre féminin de la négritude s’avère nécessaire pour une meilleure compréhension de cette étude.

I- FEMMES : LES OUBLIEES DE LA NEGRITUDE : LES SŒURS NARDAL ET SUZANNE ROUSSI

I-1. Silence autour des sœurs Nardal : Paulette, Jane, Andrée

Paulette Nardal, figure emblématique de la famille Nardal, était une militante féministe, femme politique, musicienne, grande choriste, figure en vue dans la Martinique des années 30 et journaliste parfaitement bilingue. Elle s’installa à Paris à la rue Clamart avec ses deux sœurs Andrée et Jane après ses études d’Anglais à la Sorbonne. Très cultivées, alertes et guidées par Clara Sheperd, une Afro-américaine enseignante à Paris, ces vaillantes filles remarquèrent l’ostracisme, le racisme, la xénophobie et le climat austère qui sévissaient dans les milieux intellectuels parisiens. Séduites par l’engagement et les idées révolutionnaires de la poésie noire américaine, elles organisèrent régulièrement les soirées- débat sur la condition des Noirs, leurs origines, l’importance de leurs civilisations et la nécessaire reconquête de leur dignité bafouée.

Ces échanges se transformèrent progressivement en véritable groupe de réflexion et leur appartement se mua en un salon littéraire que fréquentaient assidûment Césaire et Senghor, deux inséparables ainsi que Léon- Gontran Damas, les frères Achille, Claude Mac Kay, Countee Cullen et Langston Hugues, Richard Wright et James Baldwin. Il faut également signaler la régularité quasi religieuse de René Maran qui eut le prix Goncourt en 1921 avec Batouala, véritable Roman nègre. En un mot, ce salon devint un lieu mythique de toute l’intelligentsia noire, contribuant progressivement à créer des passerelles et à briser les barrières linguistiques imposées par la colonisation. Ce qui permit à ces Noirs de forger une cause commune ayant pour dénominateur : la lutte contre le racisme et toute autre forme de discrimination . C’est ainsi que tous les dimanches après-midi le Salon des Nardal propose des rencontres intellectuelles bilingues. Ce qui favorisa une meilleure connaissance des Noirs de toutes les aires géographiques. Leurs rapprochements suscitèrent des affinités entre les Noirs américains, les Antillais et les Africains

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