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La Peste, De Camus

Note de Recherches : La Peste, De Camus. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Mai 2013  •  3 871 Mots (16 Pages)  •  851 Vues

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Second roman de Camus, La Peste connut un grand succès à sa sortie en 1947 et valut la consécration à son auteur grâce à un récit allégorique toujours moderne par son intemporalité et son universalité.

1. ANALYSE

Averti par la citation de Daniel Defoë mise en exergue (« Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle autre chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas »), le lecteur est incité à comprendre que le titre de l’œuvre, La Peste, a trois significations symboliques : d’abord, au sens propre, celle de la chronique d’une épidémie ; ensuite, celle, allégorique, de l’occupation de la France à partir de 1940 par l’armée allemande (appelée alors, précisément, « la peste brune ») ; enfin, celle, métaphorique, de la condition humaine sur laquelle plane la menace du malheur, de la maladie et de la mort.

La chronique d’une épidémie

Le narrateur et personnage principal est un docteur, Bernard Rieux qui décrit, d’avril à février 194., l’apparition, la progression puis la régression de la peste. A travers ses observations et les soins qu’il apporte aux malades, jour après jour, c’est la réalité de la maladie qui est montrée. Les symptômes, la lutte, les mesures de précaution (gestes, isolement et quarantaine, usage du sérum, etc.) sont longuement détaillées de façon réaliste, voire crue. Les statistiques, régulièrement mentionnés, confirment l’extension puis le repli de l’épidémie. Cf. Partie 3 « Certains habitants, excédés mettent le feu aux maisons croyant ainsi anéantir la peste, ou attaquent les portes de la ville. On passe alors de l’état de peste à l’état de siège. On fusille deux voleurs pour l’exemple et on institue un couvre-feu à 23h. (p.143)

Une évocation de l’occupation allemande de 1940

C’est, d’abord, la mutation des lieux de vie en zone d’occupation que le couvre-feu transforme en un désert nocturne dont Camus fait une description saisissante : « A partir de onze heures, plongée dans la nuit complète, la ville était de pierre. Sous les ciels de lune, elle alignait ses murs blanchâtres et ses rues rectilignes, jamais tachées par la masse noire d’un arbre, jamais troublées par le pas d’un promeneur ni le cri d’un chien. La grande cité silencieuse n’était plus alors qu’un assemblage de cubes massifs et inertes, entre lesquels les effigies taciturnes de bienfaiteurs oubliés ou d’anciens grands hommes étouffés à jamais dans le bronze s’essayaient seules, avec leurs faux visages de pierre ou de fer, à évoquer une image dégradée de ce qu’avait été l’homme. Ces idoles médiocres trônaient sous un ciel épais, dans les carrefours sans vie, brutes insensibles qui figuraient assez bien le règne immobile où nous étions entrés ou du moins son ordre ultime, celui d’une nécropole où la peste, la pierre et la nuit auraient fait taire toute voix. » (p.143) Cette ville refermée sur elle-même, aux frontières surveillées, évoque bien évidemment la fameuse ligne de démarcation qui séparait le nord (occupée par l’armée allemande) et le sud de la France (appelé zone libre) à partir de novembre 1942 et obligea à une réorganisation administrative. Oran est occupée par la peste, comme une grande partie de la France l’est par les nazis. Ses habitants sont prisonniers (1) et ne vivent plus qu’au présent, le passé étant mort et leur avenir inexistant (« Ainsi, chacun dut accepter de vivre au jour le jour et seul face au ciel. » p.63). Par ailleurs, ils doivent obéir à une administration toute-puissante une fois qu’elle a cessé d’atermoyer sur la nature de l’épidémie. (2) Dès les premiers mois de l’occupation allemande, des camps d’internement sont mis en place pour les étrangers, les opposants et les populations juives et tziganes. Et le stade dans le roman (p.197/219-222), où l’on met en quarantaine les personnes suspectées d’être infectées leur fait écho, dessinant ainsi le décor obligé de tout univers concentrationnaire. De même, les brigades que Tarrou met en place pour lutter contre la peste correspondraient à la Résistance conduite par les maquisards contre les troupes allemandes : « Pour ceux de nos concitoyens qui risquaient alors leur vie, ils avaient à décider si, oui ou non, ils étaient dans la peste et si, oui ou non, il fallait lutter contre elle (…) et ne pas se mettre à genoux. » (p.114) Enfin, la disparition de la peste évoque la fin de l’occupation et les manifestations spontanées nées du retour de l’espoir de retrouver une vie libre (pp.244/245) : de nouveau réunis, les habitants communient dans la joie d’un avenir sans menace.

Une métaphore de la condition humaine

La peste, c’est, enfin, le mal métaphysique. Dès les premières pages du livre, sous une forme humoristique, Camus décrit Oran d’une façon paradoxale. L’auteur y présente une ville, Oran, donc, ses habitants et leurs préoccupations. Il insiste sur le singulier et le banal qui caractérisent les êtres humains dans leurs différences et leurs ressemblances. Oran apparaît différente « des villes et des pays où les gens ont, de temps en temps, le soupçon d’autre chose (…) Oran, au contraire, est apparemment une ville sans soupçons. » (p.6) Pourtant, au détour d’une phrase, on apprend que « Ce qui est plus original dans notre ville est la difficulté qu’on peut y trouver à mourir. » (p.6) Le ton incline alors à la comédie : « On comprendra ce qu’il peut y avoir d’inconfortable dans la mort, même moderne, lorsqu’elle survient dans un lieu sec. » (p.7) Bref, la mort est malvenue à Oran, ville dédiée à la vie et non à cette mort considérée comme « inconfortable » puisque la vie continue alentour ! Le tableau de la condition humaine est ainsi tracé de façon humoristique avant que la tragédie ne fasse irruption dans la ville. Comme l’annonçait Le Mythe de Sisyphe, « Il arrive que les décors s'écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi » s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'étonnement. » Ce questionnement, ici, naîtra lorsque le docteur Rioux découvrira un rat mort dans les pages suivantes. Cette Peste qui envoie ses rats mourir à Oran est bien consubstantielle à la condition humaine. Ainsi que le note le docteur Rieux : « Ecoutant,

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