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La Nuit Des Temps

Note de Recherches : La Nuit Des Temps. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  12 Décembre 2012  •  8 719 Mots (35 Pages)  •  1 238 Vues

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La promesse d'un monde nouveau...

La Nuit des temps se déroule sur fond d'étendues polaires glaciales, dans un froid piquant, aux conditions climatiques extrêmes. Dans ce décor de cristal jaillit une lumière de vie autour de laquelle les nations vont se regrouper, à la rencontre de leur devenir, toutes unies pour percer le mystère, qui, du fin fond du monde, les ramène à leurs origines. Le ton devient celui de la coopération, de la lutte fraternelle contre l'adversité, du progrès humain. Dans ce contexte se côtoient séparément la destinée des individus et celle de l'humanité. Ce schéma est tout à fait classique chez Barjavel. On le retrouve très tôt, par exemple dans Le Voyageur imprudent, où Saint-Menoux suit parallèlement la route des nations qu'il explore, et son chemin personnel, tout aussi important. On le retrouve aussi dans les derniers romans, dans la Tempête par exemple, où Olof se place en travers du destin des hommes pour retrouver sa route auprès de celle qui s'en est écartée. À cette marche en parallèle des individus et des peuples, Barjavel innove ici en développant une complexité des relations entre les personnages, qui confère au roman une véritable dimension psychologique. Elle est à son maximum avec le couple Éléa et Simon. Il ne reprendra que bien plus tard ces tourments psychologiques dans l'un de ses derniers romans, La Tempête, avec les inextricables rapports amoureux de Judith et Olof. Dans La Nuit des temps, avec l'amour impossible de Simon pour Éléa, c'est la question de l'amour dont celui qui en est l'objet ne peut vous retourner qui est sous investigation. Ce thème fait l'objet du roman depuis la découverte d'Éléa jusqu'à l'issue tragique. Dans une première partie, la prédominance thématique prend des orientations plus politiques. Avec la soudaine constatation qu'un mystère sans précédent s'est dressé entre les nations, celles-ci délaissent leur rivalités intestines. Elles s'unissent pour expliquer et dominer l'inconnu. Chacune fournit ses meilleures ressources. Les difficultés à surmonter sont occasions pour chacun de mettre à profit son ingéniosité non pour la destruction de l'autre mais dans l'intérêt commun. Un monde nouveau promet de naître...

La montagne était déjà creusée d'une trentaine de galeries tout autour desquelles avait été installés, au cœur vif de la glace, les entrepôts et les émetteurs radio et TV de l'Expédition Polaire Internationale, en abrégé l'E.P.I. C'était un beau nom. La ville dans la montagne se nommait EPI 1 et celle qui était abritée sous la glace du plateau 612 se nommait EPI 2. EPI 2 comprenait toutes les autres installations, et la pile atomique qui fournissait la force, la lumière et la chaleur aux deux villes protégées et à EPI 3, la ville de surface, composée des hangars, des véhicules et de toutes les machines qui attaquaient la glace de toutes les façons que la technique avait pu imaginer.

Jamais une entreprise internationale d'une telle ampleur n'avait été réalisée. Il semblait que les hommes y eussent trouvé, avec soulagement, l'occasion souhaitée d'oublier les haines, et de fraterniser dans un effort totalement désintéressé. La France étant la puissance invitante, le français avait été choisi comme langue de travail. Mais pour rendre les relations plus faciles, le Japon avait installé à EPI 2 une Traductrice universelle à ondes courtes. Elle traduisait immédiatement les discours et dialogues qui lui étaient transmis, et émettait la traduction en 17 langues sur 17 longueurs d'ondes différentes, chaque savant, chaque chef d'équipe et technicien important, avait reçu un récepteur adhésif, pas plus grand qu'un pois, à la longueur d'onde de sa langue maternelle, qu'il gardait en permanence dans l'oreille, et un émetteur-épingle qu'il portait agrafé sur la poitrine ou sur l'épaule. Un manipulateur de poche, plat comme une pièce de monnaie, lui permettait de s'isoler du brouhaha des mille conversations dont les 17 traductions se mélangeaient dans l'éther comme un plat de spaghetti de Babel, et de ne recevoir que le dialogue auquel il prenait part. La pile atomique était américaine, les hélicos lourds étaient russes, les survêtements molletonnés étaient chinois, les bottes étaient finlandaises, le whisky irlandais et la cuisine française. Il y avait des machines et des appareils anglais, allemands, italiens, canadiens, de la viande d'Argentine et des fruits d'Israël. La climatisation et le confort à l'intérieur d'EPI 1 et 2 étaient américains. Et ils étaient si parfaits qu'on avait pu accepter la présence des femmes.

Cette harmonie entre les nations, cette marche unie des hommes est la reconquête du paradis perdu. Les métaphores à cette intention sont nombreuses. Le nom de la base, E.P.I., est le signe de la renaissance. Le blé est dans la Bible le symbole de l'abondance, vers laquelle tout semble acheminer les nations régénérées. L'unité du langage retrouvée par l'artifice de la Traductrice est la fin du châtiment de Babel, nommément introduite par deux fois dans le roman. L'humanité qui recouvre la grâce divine par l'intelligence mêlée de la technologie et de la coopération, va à la rencontre de la civilisation parfaite, éteinte il y a fort longtemps, mais que les hommes sont sur le point de faire renaître. Mais, ramenée à la vie, la plus belle femme de ce monde idéal se réveille avec le souvenir des mêmes folies meurtrières et des antagonismes militaires de ces hommes qui, bien qu'ayant bâti une civilisation d'une avance technologique prodigieuse, l'ont précipitée à sa perte. Comme pour marquer le coup d'une inéluctable déchéance par sa propre main, l'humanité voit son élan d'aujourd'hui brisé par sa faute en même temps qu'elle apprend que celui des temps passés le fut pour cette même raison. Après le succès de la réanimation, les tentatives d'infiltration ne tardent pas pour s'approprier les découvertes. Des failles fissurent le piédestal duquel les scientifiques d'E.P.I. pensaient pouvoir proclamer un monde de paix et de prospérité que la science venait de rendre possible. La sanction immédiate de leur échec est la nouvelle chute de Babel. La scène où les réanimateurs se retrouvent soudainement étrangers les uns aux autres suite à la perte de la Traductrice, chacun vociférant dans une cacophonie inintelligible, est une réécriture fidèle du désarroi des premiers châtiés du langage. Hoover et Léonova totalement impuissants dans la tempête

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