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La Mise En Abyme: On Ne Badine Pas Avec L'amour

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Par   •  16 Décembre 2014  •  2 293 Mots (10 Pages)  •  2 101 Vues

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Introduction

Une scène dans laquelle un ou des personnages (se) « jouent la comédie » est un ressort dramatique efficace. Molière dans Le Malade imaginaire, Beaumarchais dans Le Barbier de Séville, Hugo dans Ruy Blas ont eu recours à ce procédé, que Musset reprend dans On ne badine pas avec l'amour. Perdican aime Camille, mais celle-ci, sous l'influence des religieuses qui l'ont élevée, le repousse. Pour se venger, il badine avec une jeune paysanne, Rosette, alors qu'il sait que Camille, cachée, l'entend. La tension dramatique est alors à son comble : Perdican se joue de Rosette et n'épargne pas ses efforts pour la persuader de l'aimer, mais ses paroles prennent un double sens, donnant à ce jeu une résonance pathétique.

I. Une mise en scène destinée à impressionner une jeune paysanne

Rosette a tout lieu d'être surprise de la déclaration d'amour de Perdican : un jeune noble cultivé ne saurait prêter attention à une pauvre paysanne. Perdican doit donc se montrer un fin stratège.

1. Une mise en scène ancrée dans le concret

Comme il a affaire à une jeune fille simple, Perdican entoure sa déclaration d'une mise en scène ancrée dans le concret, comme en témoignent les didascalies.

Il recourt au langage des objets et à des gestes symboliques. Le don de la chaîne concrétise les liens qui l'uniront à Rosette ; il s'accompagne du geste qui engage (« Il lui pose sa chaîne sur le cou ») et du vocabulaire du monde paysan (« gage » d'amour, « part de [...] vie nouvelle », « donner » son cœur). Symboliques sont aussi la « bague » (signe d'alliance) et le geste de la jeter dans l'eau (signe de rupture définitive avec Camille).

Les gestes au bord de la fontaine et la description de leurs effets sur l'eau sont assortis de mots à double sens (propre et figuré, concret et abstrait), chargés d'implicite mais transparents. Ils font référence à l'effacement de Camille dans le cœur de Perdican et au calme apaisant de la « vie nouvelle » avec Rosette : « regarde tout cela s'effacer », « l'eau qui s'était troublée reprend son équilibre », elle « tremble », « il n'y aura plus une ride sur ton joli visage »...

2. L'appel aux sensations et aux sentiments

Rosette n'est pas une intellectuelle, ses émotions sont provoquées par des impressions sensorielles. C'est donc le chemin des sensations que Perdican emprunte pour mieux la persuader.

Aux « beaux yeux » de Rosette, il associe le vocabulaire de la vue, sous forme d'incitations à regarder (le verbe est utilisé quatre fois, toujours à l'impératif). Le verbe voir apparaît deux fois dans des interrogations pressantes (« Nous vois-tu... ? », « vois-tu... ? »), le verbe distinguer une fois ; les phénomènes à observer sont suggérés par les verbes « disparu » et « reparaissons », et les formes des « image[s] » concrétisées par l'expression « grands cercles noirs » et « ride ».

Perdican s'adresse aussi à la sensualité de Rosette : il insiste sur la proximité de leurs corps : « vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne », « tes bras enlacés dans les miens », « te voilà [...] dans les bras d'un jeune homme ».

Il s'adresse d'autre part aux sentiments de Rosette et non plus à ses seules sensations : il évoque les « beaux jours passés », « la vie qui n'est plus », pour susciter en elle la nostalgie de leur enfance.

Enfin, il tire parti du fait que Rosette vit au contact de la nature : il évoque poétiquement l'eau, le vent, la pluie du matin, le soleil, les feuilles, la lumière et le ciel, qui résonnent à l'unisson de leur amour. Comment la jeune fille ne se laisserait-elle pas gagner par ce chant d'amour universel ?

II. L'habileté stratégique d'un jeune lettré romantique

Ces stratégies sont soutenues par un art consommé de l'usage de la parole. Les arguments que Perdican avance sont d'autant plus persuasifs qu'ils sont exprimés à la fois avec le lyrisme d'un amoureux romantique et avec le ton didactique d'un jeune étudiant cultivé.

1. Des arguments qui jouent sur les sentiments

Un éloge en forme de « blason »

Le blason repose sur une description (physique et morale) valorisante de la personne aimée, détaillée par petites touches. Dans la scène, Perdican valorise Rosette en la flattant pour mieux obtenir son consentement. Après avoir rappelé sa singularité par l'anaphore de « toi seule... », intensifiée par la précision « au monde », il loue ses « beaux yeux », son « joli visage », sa « jeunesse », et résume sa séduction par un groupe binaire vigoureux : « te voilà jeune et belle... »

À ses attraits physiques répondent des qualités morales : Perdican souligne sa pureté dans une métaphore saisissante : « On n'a pas flétri ta jeunesse ? On n'a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d'un sang affadi ? »

L'affirmation de la supériorité de Rosette : la comparaison

Perdican flatte l'orgueil de Rosette en la comparant à sa rivale et en affirmant sa supériorité sur une jeune fille d'un rang social plus élevé : c'est le mouvement qu'amorce l'expression « toi seule », référence implicite à Camille, qui devient explicite avec la mise en relief en fin de réplique de la « bague de Camille ». Par le temps des verbes (l'imparfait « c'était » et le plus-que-parfait « m'avait donnée »), Perdican relègue Camille dans un passé révolu.

Grâce à cette progression étudiée dans l'éloge, Perdican peut presque affirmer la supériorité que Rosette a sur lui, ce qu'il laisse entendre par sa question : « Tu veux bien de moi, n'est-ce-pas ? », qui fait de Rosette, la petite paysanne, la maîtresse de son sort, à lui, le jeune aristocrate.

2. L'habileté oratoire

Les interventions de Perdican sont rythmées par l'affirmation de son amour (« Je t'aime », « cœur », « amour »). Il ajoute en outre au procédé de la répétition du lexique amoureux toutes les ressources du lyrisme et de l'art oratoire.

Tout d'abord, il implique fréquemment Rosette dans son discours : par des impératifs insistants (« donne-moi... regarde... »), et par des apostrophes (« Rosette », « ma chère enfant »).

L'emploi

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