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L'écriture de l'Odyssée

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Par   •  2 Mars 2013  •  Cours  •  10 252 Mots (42 Pages)  •  687 Vues

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L'écriture de L'Odyssée

Par F. Thibault - publié le mercredi 3 novembre 2010 à 15:25 dans Terminale L

L’écriture de L’Odyssée

Ce qui fait la littérarité d’un texte, c’est, naturellement, son écriture, le style de l’auteur. C’est la question que l’on peut donc se poser au sujet de L’Odyssée : y a-t-il des particularités dans l’écriture de cette oeuvre ? Quelles sont-elles ? Dans la mesure où L’Odyssée constitue l’un des récits fondateurs de la littérature occidentale, il peut sembler saugrenu de poser une question relative à son écriture. Peut-être faut-il considérer que sa valeur est d’abord historique et mythographique : le livre d’Homère est avant toute chose un témoignage sur notre histoire, sur les origines de la littérature, sur l’imaginaire de la Grèce antique... Toutefois, s’il reste quelques bribes des leçons précédentes, vous savez que l’oeuvre d’Homère a été fluctuante pendant plusieurs siècles, passant d’aède en aède jusqu’au VIème siècle av. J.-C., date à laquelle le texte est officiellement fixé par écrit. Au-delà d’une écriture proprement homérique (si l’on considère qu’il y a un Homère auteur de L’Iliade et de L’Odyssée), on peut aussi se demander quelle peut être l’incidence de son oralité originelle. On va donc s’intéresser aujourd’hui à ce qui fait la spécificité de l’écriture d’Homère dans L’Odyssée, d’abord en traitant à la question capitale de l’oralité, ensuite en observant les images de l’épopée. Enfin, en guise d’épilogue, on dira un mot de la question de la traduction de L’Odyssée en général, et de celle de Philippe Jaccottet en particulier.

I. Un poème épique

Hors celle de Philippe Jaccottet, la plupart des traductions de L’Odyssée sont en prose et induisent souvent en erreur sur la nature première du texte d’Homère. Rappelons-le à nouveau, L’Odyssée est une oeuvre poétique, un texte que les aèdes récitaient à haute voix en s’accompagnant d’une phorminx, sorte de lyre à quatre cordes. Tout d’abord, on peut dire que ce choix marque, à cette époque et pendant de nombreux siècles ensuite, la nature littéraire (et inspirée) de l’oeuvre : la versification distingue clairement le texte du langage ordinaire et le désigne comme « epos », une parole particulière (une forme versifiée qui marquera en France, au XVIIème siècle en particulier, les oeuvres littéraires de qualité, comme la poésie ou la tragédie en vers, alors que les oeuvres en prose sont pendant longtemps considérée comme inférieures). D’autre part, c’est la nature orale de l’oeuvre qui livre une des clefs de son écriture. En effet, L’Odyssée est composée de 12 000 vers : une somme qui, pour les contemporains déshabitués au « par coeur » que nous sommes, paraît impossible à apprendre sans le soutien d’un support écrit. Il se trouve que, comme l’a montré Milmann Parry en 1928, dans une thèse consacrée à L’épithète traditionnelle chez Homère, la versification elle-même contribuait à l’assimilation de l’oeuvre. Le vers utilisé dans l’épopée, l’hexamètre dactylique, offrait à l’aède quelques « trucs » pour retenir le texte et improviser avec une certaine aisance. En tant que lecteurs français, les subtilités de l’hexamètre dactylique ne nous concernent que très peu. En revanche, son fonctionnement permet de comprendre en partie ce que l’on appelle l’écriture homérique.

Qu’est-ce qu’un hexamètre dactylique ? C’est un vers composé, comme son nom l’indique, de six mesures (hexa-), et dont la musicalité tient, non pas à la rime (comme en français), mais à un rythme interne qui correspond à une succession de syllabes courtes et de syllabes longues (en langue grecque), le tout entrecoupé de pauses prédéfinies. Chaque mesure est composée soit de deux syllabes longues, que l’on appelle un spondée (— —), soit d’une syllabes longues et deux brèves, que l’on appelle dactyle (—  ). L’avant dernière syllabe est toujours un dactyle (d’où sont nom d’hexamètre dactylique, car le dactyle ressemble à une phalange de doigt, dactulos en grec). La dernière mesure est toujours un spondée ou un trochée, c’est-à-dire une mesure composée d’une longue et d’une brève (— ). L’aède de l’antiquité se retrouve donc face à un vers qui est sujet à variations, puisqu’il peut jouer sur les possibilités offertes par les deux modèles ci-dessous :

—| —| —| —| —| —

—— | —— | —— | —— | —| ——

Cette contrainte métrique explique en partie la reprise de demi-vers ou de vers entiers au cours de l’épopée, car ils constituent en quelque sorte des formules « clef en main », des unités faciles à placer et qui facilitent la mémorisation du texte. C’est ce qui conduit aux multiples répétitions que l’on rencontre dans le cours de L’Odyssée (mais il en va de même dans L’Iliade), comme ce que l’on appelle les « épithètes homériques » ou encore « vers formulaires », qui servent à caractériser les différents personnages par exemple. Ainsi, Zeus est « l’Assembleur des nues » et Poséidon « l’Ebranleur des terres », Hermès est « l’Eblouissant » ou « à la baguette d’or », Athéna est la « déesse aux yeux brillants » ou « aux yeux de chouette » tandis qu’Homère parle de Nausicaa « aux bras blancs ». Il en va de même pour les lieux ou les objets : la mer est « violette », « brumeuse », « grise », « vineuse », « poissonneuse » ; les fauteuils sont « aux clous étincelants » ou « d’argent »…Le choix du mot est déterminé par la nécessité métrique, le rythme imposé par le vers. Voilà qui explique qu’au fil des chants, Ulysse soit « endurant », « patient », « ingénieux », « l’homme aux mille ruses », « aux mille tours », parfois même si l’emploi de l’épithète peut nous sembler incongru à ce moment précis de l’action, ou tout simplement inutile. C’est le même processus qui justifie les épithètes d’identification qui ponctuent l’épopée : si Ulysse est souvent présenté comme « fils de Laërte » et Athéna « fille du grand Zeus », ce n’est pas tant pour identifier clairement le personnage en reconstituant sa généalogie (car qui ne sait qu’Athéna est la fille de Zeus ?), mais surtout pour « caler » des vers. L’aède dispose donc de vers « en kit », des trucs de récitation qui leur

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