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L'histoire D'un Foulard Blanc à Pois Noirs Et D'un Violoncelle

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Par   •  18 Décembre 2012  •  2 486 Mots (10 Pages)  •  1 058 Vues

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L’histoire d’un foulard blanc

à pois noirs et d’un violoncelle.

Je devrais rajouter encore une touche de blanc au visage de la femme, pour rappeler d’avantage la couleur de son foulard à pois noirs. Bien. Maintenant je crois que c’est bon. Ses cheveux dressés sur la tête, étouffés par la nuit, elle me fixait avec ses yeux globuleux et effrayants. Ce soir elle reviendrait de nouveau me visiter, comme toutes les nuits de chaque hiver depuis sa mort.

C’était il y a cinq ans exactement. Par une nuit glaciale, on vînt frapper à ma porte, aux alentours de vingt-trois heures. J’ouvris, et une dame, au teint plus pâle que l’épaisse couche de neige qui s’était formée dehors, empoigna mon veston et me supplia de l’aider et de l’héberger. Elle portait un élégant foulard blanc à pois noirs ; ses mains, longues, fines, mais tortueuses, étaient souillées de sang ; elle me tâcha. Non mais, pour qui elle se prenait celle-ci, et surtout pour qui elle me prenait ! Je ne dirige ni un hôtel, ni un hôpital ! Je la poussai violemment en arrière et claquai ma porte. Le lendemain, au pied de mon immeuble, je retrouvai son cadavre, accompagné d’un archet. Un oiseau pataugeait dans le sang. Il ne faisait aucun doute que son agresseur s’était servi de cet archet pour lui trancher la gorge et le sang faisait luire les crins. Je dénouai le foulard du cou de la défunte et le glissai dans une poche de mon long manteau noir. C’était déjà ça de gagné ! Je regardai l’oiseau s’effacer petit à petit dans le ciel puis, je pris la route de mon travail.

C’est depuis ce jour, que je reçois toutes les nuits, l’hiver durant, la visite de son spectre dans mes songes. C’est durant ces périodes-là que je descends au petit bistrot du bout de ma rue, le Bar d’Olga, et que je noie ma détestable existence dans l’alcool. Je me suis également mis à la peinture ; et mon triste appartement est désormais orné de dizaines de portraits de la femme au foulard blanc à pois noirs. Cela lui donne le côté lugubre et effrayant d’une maison hantée, d’autant que mes volets sont continuellement fermés.

Il paraît que je suis un être sombre et froid ; je veux bien croire ce que disent les gens, et ce qui est sûr, c’est que cette histoire n’a fait qu’endurcir mon cœur de pierre.

Accoudé au comptoir, cela devait bien faire la neuvième vodka que je buvais. Une musique extraordinairement douce et mélodieuse s’éleva dans la petite pièce. Intrigué, je me retournai vivement, et c’est alors que je découvris le plus beau couple qu’il m’a été offert de voir et d’entendre. Une jeune fille dotée d’une beauté sans pareille, jouait du violoncelle sur une petite estrade dans un coin du bar. Le violoncelle était vraiment très beau ; il était presque étonnant de voir un si bel instrument blotti entre les cuisses de cette fille si pauvrement vêtue.

Les jours passèrent, et je me rendais tous les soirs avec une ferveur incroyable au concert de la charmante violoncelliste du Bar d’Olga. J’étais toujours assis à la même place, au fond de la pièce, dans la pénombre, vêtu de mon long manteau noir et emmitouflé dans le joli foulard blanc à pois noirs. Entre mes mèches de cheveux, on pouvait distinguer mes yeux bruns, cernés de longs cils, brillants et rivés sur cette virtuose du violoncelle.

Cela faisait plusieurs jours que la neige n’avait cessé de tomber, et à présent elle recouvrait de sa chape blanche toute la ville et ses alentours.

Ma vie s’écoulait paisiblement – je dis paisiblement, car, à ma grande surprise, la flamme de ma passion incontrôlable pour cette jeune fille et son violoncelle, avait brûlé mes vieux cauchemars – jusqu’au jour où je découvris qu’un groupe de vieux guitaristes s’égosillant sur de vieilles chansons cubaines avait remplacé ma drogue. Les tables, les chaises, les lumières…tout le bar se mit à tourner autour de moi ; j’aurais voulu crier mais la force me manquait. Le visage livide, je me laissai tomber sur une banquette poussiéreuse et usée. Une sueur froide, sûrement fruit de mon imagination, semblait dégouliner le long de mon corps , alors que le bruit sec des guitares qui martelaient mon cerveau, accompagnait dans ma boîte crânienne le battement sourd de mon cœur, victime perdue de cette disparition imprévue.

Au bout de quelques minutes, je repris mes esprits. Je décidai de me renseigner au sujet de ce terrible évènement :

-« Dis donc Olga, sers-moi une vodka je te prie, tu ne saurais pas ce qu’il est advenu de la violoncelliste qui jouait ici ?

-Bah… c’est qu’elle nous a annoncé sa démission ce matin. Elle manquait trop d’argent et a mis son violoncelle à vendre. Elle pensait en tirer un bon prix, nous a-t-elle dit. On a quand même réussi à dégoter ces trois-là ! C’est moins recherché que ce que nous jouait la damoiselle, mais ma foi, c’est mieux que rien. Tiens !

-Merci. Certes, certes… »

Je bus mon verre et quittai le bar. Je rentrai chez moi, traînant les pieds, le regard dans le vague.

L’orage tonnait. On vînt frapper à ma porte. Vingt-trois heures, qui cela pouvait-il bien être à cette heure-ci ? Sûrement pas un ami, d’ailleurs, je n’en ai aucun. J’ouvris la porte, découvrant une silhouette étrange. Soudain un éclair illumina le visage blanchâtre, étincelant, de la dame au foulard blanc à pois noirs, dont les yeux, quasiment éjectés de leur logement, vinrent me transpercés l’âme. Elle se tenait là, devant moi, raide comme un piquet, tenant dans sa main droite un archet. Je crus voir un mort-vivant. Aussitôt que la pièce fut de nouveau plongée dans l’obscurité, le bruit sourd de l’archet retentit sur le sol, et je sentis soudain deux mains diaboliquement glaciales s’agripper à mon cou et planter leurs longs ongles dans ma chair. Pris de panique, je saisis la femme et la jetai à travers les carreaux de la fenêtre du hall. A peine eus-je terminé mon effroyable démonstration de force, qu’une violente et intense sensation de froid s’empara de tout mon corps. Etait-ce dû à mon agissement ou simplement aux bourrasques givrées qui s’engouffraient par la fenêtre brisée ? Je dévalai les escaliers afin de voir ce qu’il était advenu de ma revenante. C’est alors que, horrifié, je découvris le cadavre de la belle violoncelliste, gisant sur le sol argenté. Sa tête, complètement rentrée dans son ventre, avait éclaté. L’arrière de son crâne présentait deux grandes fissures,

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