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L'argumentation indirecte est-elle vraiment le moyen le plus efficace pour convaincre les lecteurs ?

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Par   •  31 Mars 2017  •  Dissertation  •  1 166 Mots (5 Pages)  •  3 135 Vues

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Fiche 5. L’argumentation indirecte et Candide de Voltaire, 1759.

Candide est un conte philosophique, donc une fiction, dans laquelle Voltaire utilise l’argumentation indirecte. Ce type d’argumentation peut prendre deux formes :

  1. Elle consiste d’une part à appeler une réflexion du lecteur en lui proposant des situations, réalistes ou invraisemblables, au moyen d’un récit. Les formes les plus courantes de récit à caractère argumentatif que l’on appelle apologue sont la fable et le conte qui se terminent régulièrement sur une « morale ». L’auteur, au travers de récits d’aventures et de l’existence concrète de ses personnages, nous invite à les confronter aux idées et principes généraux (Candide vit des expériences qui semblent contredire la pensée rigide du philosophe Pangloss). Voltaire a donc pour but de plaire et instruire.

Les actions et situations vécues par les personnages ainsi que leurs propos sont à analyser par le lecteur. Les prises de position de l’auteur sur la morale, la société, le bonheur, etc., apparaissent  mais d’une manière implicite ou imagée (« Il faut cultiver notre jardin »). C’est l’occasion d’abord de voiler la présence énonciative de l’auteur et, parfois, d’échapper à la censure (Candide est présenté comme une traduction du Docteur Ralph…). L’écrivain peut profiter, de plus, du plaisir de la lecture pour inciter son destinataire à partager sa pensée. La fiction peut ainsi avoir une visée didactique, possédant un enseignement moral (voir la multiplication des récits, ceux faits à Candide par Cunégonde et la vieille, par exemple), et argumentative, satirique voire polémique car elle représente aussi un engagement personnel de l’auteur sur les thèmes abordés dans l’histoire racontée (condamnation par le philosophe des Lumières des absurdités de la guerre au chap. III, de la religion au chap. VI, de la philosophie optimiste tout au long des aventures de son personnage, de l’esclavage au chap. XIX…).

Bien sûr, certains romans, quelle qu’en soit l’époque, portent aussi une argumentation indirecte et incite le lecteur à réfléchir (voir l’ « Avis de l’auteur » du roman de l’Abbé Prévost, Manon Lescaut : « Il [le lecteur] verra dans l’exemple de M. des Grieux un exemple terrible de la force des passions », le roman Bug-Jargal de Victor Hugo… ). Cependant, le roman met en avant la psychologie, l’épaisseur humaine et l’évolution intérieure des personnages quand l’apologue utilise des personnages caricaturaux.

  1. Ensuite, par l’ironie l’argumentation indirecte peut se baser sur la rétorsion, l’inversion. Elle peut être utilisée aussi bien dans un récit que dans un essai, un article, un dialogue. La thèse défendue par l’auteur n’est donc pas explicite, elle n’est pas formulée directement mais le lecteur doit la deviner en inversant les arguments défendus en apparence. Pour déceler l’ironie, il faut identifier certains indices qui ont pour but de créer une complicité avec le lecteur et qui font appel à son intelligence. L’ironiste réfute la thèse combattue en s’en moquant. On trouve dans ce procédé d’argumentation indirecte:
  1. des propos qui sont ouvertement scandaleux, irrecevables ou absurdes auxquels on ne peut adhérer (au chap. XIII, Voltaire signale que les lois militaires anglaises trouvent bon qu’un amiral tue un grand nombre d’ennemis sans quoi il est condamné à mort…);
  2. des raisonnements illogiques ou incohérents, sans lien entre les arguments (au chap. I Pangloss « prouv[e] admirablement » en quoi le château de Thunder-Ten-tronkh est le « plus beau des châteaux »; Pangloss ne cessera devant toutes les catastrophes de prétendre « que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. ») ;
  3. des figures de l’exagération (l’hyperbole moqueuse, l’énumération comique) ou de l’atténuation (la litote, qui utilise des termes plus légers, moins directs que l'idée exprimée et l'euphémisme : elle atténue l’expression d’une vérité cruelle, difficile… Pour évoquer la prison, Voltaire utilise l’expression « appartements d’une extrême fraîcheur » au chap. VI). Les figures d’opposition sont aussi présentes le plus souvent : l’antiphrase (mot ou expression dont le sens sous-entendu par l’auteur est inversé, comme dans les premières lignes du chap. III ), l’oxymore (« boucherie héroïque » au même chapitre)…

   Candide est donc un conte philosophique, un apologue qui raconte des aventures exotiques et comiques, invraisemblables d’un personnage qui, fuyant les dangers et poursuivant une quête amoureuse, découvre le monde que Voltaire veut nous montrer pour en critiquer les vices. De plus, il synthétise nombre de formes narratives et romanesques :

  • le roman picaresque : rencontres nombreuses et milieux sociaux parcourus (château des Thunder-Ten-Tronckh, l’armée, l’équipage d’un bateau, les jésuites, l’esclave de Surinam, les auberges et cabarets, les théâtres et milieux des salons, noblesse vénitienne, rois déchus, la métairie).
  • Le roman d’aventure : exotisme, traversées de pays et territoires  lointains (voir carte, et multiples rebondissements : voir titres de chapitres);
  • Le roman d’apprentissage : le héros devra vivre des péripéties qui lui permettent de comprendre l’existence et de passer de l’enfance à l’âge adulte (le récit fonctionne comme une initiation).
  • Le roman sentimental : intrigues centrées sur d’une quête amoureuse.
  • Le roman à tiroirs : multiples histoires annexes racontées dans l‘histoire générale (Cunégonde, la vieille, Pâquette, les rois…). Le modèle des Milles et une nuits renvoie aussi à la mode orientale qui domine l’imaginaire des Lumières pour de multiples raisons.
  • L’histoire comique : le récit est parfois parodique, il se prend lui-même comme objet comique et cherche plus à faire sourire en peignant à gros traits personnages et situations qu’à retranscrire fidèlement le réel.

Ces influences et genres mêlés permettent à Voltaire d’offrir une vue globale, panoramique sur la société de son temps.

C’est ensuite une argumentation implicite. Il est en effet, il est organisé en chapitres qui, très souvent, soulèvent des thèmes de réflexion et prend tout son sens avec sa « conclusion ». En effet, elle propose une morale. Celle-ci invite à considérer les actions racontées comme autant d’occasion de s’interroger sur les significations de l’histoire, des actions et de la pensée humaines. Voltaire utilise donc aussi les ressorts des narrations à fonction didactique, argumentative et critique.

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