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L'Enfant noir de Camara Laye

Dissertation : L'Enfant noir de Camara Laye. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Juin 2014  •  588 Mots (3 Pages)  •  1 155 Vues

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May 4, 12:13 AM

"C'est un livre qui a l'air de respirer, posé sur la table. Je le regarde fixement, accroupi à quelques mètres. Je m'en souviens bien. Il est midi et je n'ai pas encore six ans. Je n'ose pas bouger. Mes bras entourent mes genoux. Ce livre est un oiseau bleu et or. Il dort. Et si je m'approche encore, est-ce qu'il ouvrira ses ailes ? Est-ce qu'il me parlera à nouveau, comme il parle le soir ?

J'attends. Il fait chaud. Je vis avec mon père et mon frère dans une maison et un jardin entourés d'un mur blanc, au Maroc. Ma mère est partie depuis des semaines. Elle a traversé la mer parce que s'annonce un autre enfant qui va naître à Paris. Je suis sans elle pour la première fois, et pour si longtemps, mais je ne pleure pas. Je n'ai pas pleuré un seul jour. Avec mon frère aîné et mon père, nous avons un secret qui nous fait tenir debout.

Quand, en sortant de l'école, devant la boulangerie qui sent le sésame grillé, mon copain Yassin m'invite à dormir chez lui, je n'ai même pas besoin de regarder mon père qui me tient par la main. Il sourit. Non, en ce moment, ce n'est pas possible. Quelqu'un nous attend à la maison.

Notre secret, c'est ce livre. Et si j'avais un renard apprivoisé, couché sous la table du salon, si les roses du jardin me parlaient en riant, je ne serais pas plus ému que de savoir que le livre nous attend chaque soir. Car ce livre qui dort, posé à deux pas de moi, contient cela et mille autres trésors. Il suffirait qu'un courant d'air soulève une page pour que me frôlent un vol d'oiseaux migrateurs ou le bourdonnement d'un petit avion.

Quand vient la nuit, quand Aïcha, la cuisinière aux mains bleues s'en va, mon père prend le livre. Je ne sais pas encore lire, mais je peux maintenant reconnaître les trois mots sur la couverture, comme une inscription sur la porte d'un palais. Mon père ouvre cette porte, il chercher l'endroit où nous nous sommes arrêtés. Un silence. Sa voix change quand il commence à lire. Comment est-ce possible que je me souvienne de chaque instant, plus de trente années plus tard ? Je me rappelle même l'éclair jaune du serpent dans le sable.

Car le temps a passé, peut-être même que la voix de ce père s'est éteinte, peut-être que l'enfant raconte des histoires à son tour. l'oiseau de papier bleu et or s'est posé dans d'autres maison à travers le monde, infatigable. Je sais maintenant ce que 'ma offert ce livre dès ses premiers mots et pour toujours. Il m'a appris le bonheur des histoires partagées, les mondes infinis qu'elles nous ouvrent.

Et quand j'écris, je deviens cet aviateur perdu dans le désert, sans eau et sans moteur. Un Petit Prince têtu me demande pour la dixième fois de lui dessiner la vie. Je suis fatigué. Je n'y arrive pas. La vie ? Alors je tourne la dernière page de mon carnet rempli de paysages, de plans, de couchers de soleil, et je trace avec impatience un simple rectangle. Avec le gras du crayon, je lui donne un peu d'épaisseur, comme une ombre portée.

Je tends le dessin à l'enfant.

- Voilà, ça, c'est la boîte. La vie est à l'intérieur.

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