L'Ecole Des Femmes, Moliere
Mémoires Gratuits : L'Ecole Des Femmes, Moliere. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar Chloe938 • 27 Janvier 2015 • 920 Mots (4 Pages) • 1 681 Vues
ARNOLPHE, AGNÈS.
ARNOLPHE, assis.
675 Agnès, pour m’écouter, laissez là votre ouvrage.
Levez un peu la tête, et tournez le visage.
Là, regardez-moi là, durant cet entretien :
Et jusqu’au moindre mot imprimez-le-vous bien.
Je vous épouse, Agnès, et cent fois la journée
680 Vous devez bénir l’heur de votre destinée :
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté,
Qui de ce vil état de pauvre villageoise,
Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise :
685 Et jouir de la couche et des embrassements,
D’un homme qui fuyait tous ces engagements ;
Et dont à vingt partis fort capables de plaire,
Le cœur a refusé l’honneur qu’il vous veut faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux
690 Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux ;
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise,
À mériter l’état où je vous aurai mise ;
À toujours vous connaître, et faire qu’à jamais
Je puisse me louer de l’acte que je fais [5] .
695 Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage.
À d’austères devoirs le rang de femme engage :
Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine [6] et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance.
700 Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n’ont point d’égalité :
L’une est moitié suprême, et l’autre subalterne :
L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne.
705 Et ce que le soldat dans son devoir instruit
Montre d’obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère,
N’approche point encor de la docilité,
710 Et de l’obéissance, et de l’humilité,
Et du profond respect, où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur, et son maître.
Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux,
Son devoir aussitôt est de baisser les yeux ;
715 Et de n’oser jamais le regarder en face
Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce,
C’est ce qu’entendent mal les femmes d’aujourd’hui :
Mais ne vous gâtez pas sur l’exemple d’autrui.
Gardez-vous d’imiter ces coquettes vilaines,
720 Dont par toute la ville on chante les fredaines :
Et de vous laisser prendre aux assauts du malin,
C’est-à-dire, d’ouïr aucun jeune blondin.
Songez qu’en vous faisant moitié de ma personne ;
C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne :
725 Que cet honneur est tendre, et se blesse de peu ;
Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu :
Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes,
Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes.
Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons :
730 Et vous devez du cœur dévorer ces leçons.
Si votre âme les suit et fuit d’être coquette,
Elle sera toujours comme un lis blanche et nette :
Mais s’il faut qu’à l’honneur elle fasse un faux bond,
Elle deviendra lors noire comme un charbon.
735 Vous paraîtrez à tous un objet effroyable,
Et vous irez un jour, vrai partage du diable,
Bouillir dans les enfers à toute éternité :
Dont vous veuille garder la céleste bonté.
Faites la révérence. Ainsi qu’une novice
740 Par cœur dans le couvent doit savoir son office [7] ,
Entrant au mariage il en faut faire autant :
Et voici dans ma poche un écrit important
Qui vous enseignera l’office de la femme.
J’en ignore l’auteur : mais c’est quelque bonne âme.
745 Et je veux que ce soit votre unique entretien.
(Il se lève.)
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