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Koltès, Combat De nègre Et De Chiens, Acte IV

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Par   •  20 Juin 2013  •  2 251 Mots (10 Pages)  •  6 059 Vues

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Introduction :

B-M Koltès (1948-1989), l’un de nos meilleurs dramaturges contemporain a saisi lors de ces errances, bien des aspects du monde contemporain qu’il retranscrit dans ses pièces au moyen de ses différents personnages. L’extrait présenté qui date de 1983, en est une illustration. La pièce est fondée sur l’intrigue suivante : en 1980 (époque contemporaine) lors de la construction d’un pont en Afrique de l’Ouest, un nègre qui refusait d’obéir a été tué par balle par un jeune ingénieur incapable de se maitriser. Ce dernier s’est débarrassé du corps en le mettant dans un égout. L’ancien ouvrier Horn (60 ans) espère arranger l’affaire par un dédommagement financier, mais un noir, s’est introduit mystérieusement dans le camp. Il vient réclamer le corps marquant des réactions violentes des hommes blancs. Le passage se passe au début de la pièce. Dans quelles mesures ce théâtre est-il novateur ? Nous étudierons tout d’abord la confrontation entre les deux personnages avec deux cultures différentes, puis

I. La confrontation entre les deux personnages avec deux cultures différentes : une même langue mais une communication impossible

1) Le français, une langue commune

La pièce se passe en Afrique et Alboury est africain. A d’autres endroits de la pièce, il parle le wolof, une langue parlée au Sénégal ou en Mauritanie. Il porte le nom d’un roi qui s’est opposé au XVII e siècle à la pénétration blanche au Sénégale. On pourrait donc attendre ici une revendication de cette altérité ou des difficultés, avec la langue française et non des critères réalistes actuels. Mais cela n’est pas le cas.

Alboury s’exprime simplement mais avec aisance et comprend totalement le français. Il répond comme le ferait un africain qui a étudié en France et cette facilité permet de supposer qu’il est d’un milieu social favorisé. Cela à forcer dès le début, Horn a considéré sa démarche du corps. De plus, Alboury lui était inconnu. Ce n’est pas un ouvrier et il a plus l’apparence d’un fonctionnaire. Il peut donc représenter un pouvoir quelconque.

2) Horn et le langage inquisiteur

Si Horn parle moins que son interlocuteur dans ce passage, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils sont en situation d’infériorité.

Au début de cette scène, Horn parle à Alboury avec une certaine nonchalance. Tout d’abord l’emploi de phrases interrogatives révèle tout de suite l’incommunicabilité du personnage avec Alboury. En aucune manière, il va vouloir l’écouter, et le spectateur peut s’attendre à un dialogue qui n’aboutira sur aucune solution. De plus, il méprise Alboury en lui posant des questions de l’ordre de l’absurde : « Pourquoi tenez-vous tant à le récupérer ? Rappelez-moi le nom de cet homme ? ».

Par ailleurs, par la suite, ces répliques visent à affirmer des certitudes comme en témoigne l’utilisation du pronom personnel « je » et des modalisateurs révèlant la certitude de sa croyance «je croyais bien connaitre » ou bien l’emploi de verbes de connaissance « connaitre », « savais ». C’est une manière de marquer ce pouvoir du savoir que se reconnait l’Occidental. Il insiste sur les différences d’expériences qui a vécu, en utilisant la première personne du singulier « je », « moi », mais en évoquant toutes les populations qu’il a croisé sur sa route : les africains (l.7), les européens (l.10, l.13) et les asiatiques (l.14). Son univers personnel est ainsi compartimenter en différentes notions qu’il pense dominer.

Par ailleurs, Horn souhaite mener le discours.

Tout d’abord, il va créer de la distanciation entre lui et Alboury comme en témoigne le terme « monsieur », et l’utilisation du vouvoiement. Mais il utilise des impératifs pour dominer le dialogue comme le montre les expressions «expliquer moi », « Rappelez-moi » « Notez ». Ces impératifs ont pour but, de créer un rapport de maitre à élèves avec Alboury. Ainsi, il tente de prendre le pas sur Alboury.

Ainsi, il souhaite protéger l’ingénieur : il faudrait mieux qu’Alboury ne puisse pas récupérer le corps, puisque la trace laissé par la balle révèlerait le meurtre alors que l’on a fait croire à tout le village qu’un camion l’avait renversé. Horn répète ainsi plusieurs fois la même question sous des formes différentes ligne « Pourquoi tenez-vous tant à le récupérer ? », « que vous importe ce corps ? » ; Cette manière de parlé traduit son exaspération tout comme la présence des modalisateurs qui ponctuent son discours « alors », « hein », « Mais bon ».

Enfin, la dernière question de Horn « Qui était il, Alboury et vous qui êtes vous ? », lui permet de dégrader et de déstabiliser Alboury.On est à ce moment au paroxysme du mépris de la part de Horn. Cependant, on peut noter un contrôle de l’agressivité d’Horn qui sait que pour être maître des autres, il faut se contrôler soi-même.

3) Le langage qui échappe au temps (d’Alboury) : une fable poétique

La tirade que va faire Alboury lui permettra de justifier et de légitimer sa demande. Pour expliquer la nécessité de rendre le corps du mort, Alboury construit un conte, dans la tradition africaine (naïveté), avec la formule initiale « il ya très longtemps ».Il met ainsi en scène son histoire (mise en abime). On en retrouve la structure conventionnelle : un évènement perturbe le monde. En l’occurrence, il suffit « d’un petit nuage entre le soleil et toi ». Il faut bien sûr trouver une solution à cet élément perturbateur. La voici : « nous nous sommes donc réchauffés ensemble ». Mais le nuage est récalcitrant : « Et je sentais qu’il nous suivait partout ». A chaque nouvelle atteinte du nuage, il faut trouver des parades : la multiplication des gens accrochés les uns aux autres en témoigne (l.37). A la fin, la grappe humaine a grandi ; les morts s’ajoutent mêmes aux vivants (l.43).

Les deux métaphores filées, celle du nuage et celle de la famille qui se réchauffe, sont mises en valeur par de très nombreuses répétitions du champ lexical de la chaleur ou du froid : « chauffer », « brule », « se réchauffer », chaleur », « chaud », s’opposent à « geler », « frisson ». L’importance des membres de la famille de plus en plus élargie est aussi suggérée par des répétitions hyperboliques : d’abord « mon frère et moi », puis « les mères […], les mères des mères et leurs

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