Introduction de dissertation Lol V. Stein

« Lorsqu'on tend au zéro, on se sent de plus en plus, et pas de moins en moins. Moins on existe et plus on est de trop. La caractéristique du plus petit, c'est son côté excédentaire » écrit Romain Gary dans Gros-Câlin. Michel Cousin a tout comme Lol V. Stein un complexe de place à l’origine de son mal-être. À l’inverse celui-ci, et c’est toute la source de son malheur, Lol n’a compris que trop tard quelle était la sienne. De son couple avec Michael Richardson elle n’a pas compris qu’elle devait être l’absente. Le ravissement de Lol V. Stein, publié en 1964 et écrit par Marguerite Duras, raconte l’histoire de Lola Valérie Stein qui tournera autour du traumatisme du bal de T.Beach où son futur marie Michael Richardson l’abandonne pour Anne-Marie Stretter. Après s’être marié avec Jean Beford et avoir eu trois enfants avec lui, elle finit par tomber amoureuse de Jacques Hold, amant de son amie d’enfance Tatiana Karl. Tout comme Michel Cousin, le personnage que développe Marguerite Duras souffre d’un manque irremplaçable. Là où Emma Bovary se creuse ce fossé seule en fantasmant le monde au-travers « des romans à l’eau de rose » de son adolescence, Lol V. Stein le subit en se perdant elle-même à la vue de l’amour naissant entre celui qu’elle était censée épouser et une autre femme. La vie de Madame Bovary et de Lol V. Stein se croisent et s’opposent au premier abord. Madame Bovary, au couvent, rêve sa future vie et fait tout pour poursuivre son rêve. Lol, elle, vie une adolescence des plus heureuses en reflétant l’idéal d’Emma : elle est belle et courtisée. Pourtant, elle refuse toute ces demandes et attend Michael Richardson pour donner tout son amour. Sans le savoir, elle cultivait déjà le manque qui deviendra sa maladie. L’adolescente était déjà absente, jamais vraiment là, insaisissable, si bien que Tatiana dit qu’(...) on se la disputait bien qu'elle vous fuît dans les mains comme l'eau (...) ». Le O symbolique de Lol lui va bien, elle qui est si rageante, fougueuse et calme en même temps, limpide et opaque. Ainsi jamais nous ne réussissons vraiment à la comprendre. Le Narrateur lui-même de la comprend pas. L’histoire de Lola Valérie Stein est racontée par l’homme qui l’aime et qui est le dernier amant de son amie Tatiana Karl : Jacques Hold. Il fait des hypothèses et invente la vie de Lola V. Stein. Ses inventions composent le roman. La mise en roman débute par cette révélation : pour comprendre la femme qu’il aime et sa propre relation à elle, il lui faut inventer la vie de Lol V. De nombreuses fois, dans le cours même du roman, il décrit une situation, il pose la question de la suite comme une énigme, il fait le choix d’une solution et indique très clairement sa décision de développer l’histoire dans ce sens. Les histoires d’amours racontée nous montrent des femmes très investies dans les relations amoureuses et qui ne semblent n’exister que sur ce plan, tandis que les hommes se définissent par leur statut social et le fait d’être le sujet des désirs des femmes. Ces deux définitions constituent l’objectif de deuil de Lol. Brisée par la scène du bal autour de laquelle va se constituer tout le roman, elle va utiliser son amour naissant pour Jacques Hold pour faire son deuil. En revenant sur son histoire elle va commencer à en écrire une autre, en déconstruisant une au profit de la suivante. Les couples sont tous saisis dans un état plus ou moins avancé de décomposition ou de difficulté de vie ; chacun de ces états décrit les différents degrés de la vie de couple y compris la difficulté de se constituer en couple comme c’est le cas entre Jacques Hold et Lol V. Flaubert utilise les romans à l’eau de rose, source des fantasmes d’Emma, pour critiquer les mensonges romanesques. «(…) amours, amants, amantes (…) » semblent parfaitement coïncider avec l’univers durassien tant ces trois mots sont à la base du deuil de Lol et de sa reconstruction, mais est-ce vraiment si simple ? Lol V. Stein n’est-elle qu’une figure de désire ? L’univers durassien n’est-il « qu’amours, amants, amantes », un monde suivant les schémas fantasmés des romans à l’eau de rose de l’adolescence d’Emma Bovarie ?

Tout d’abord, nous verrons que, respectant la vision de Madame Bovary, l’histoire de Lol V.Stein qui nous est contée définit les personnages par leurs désirs et les romances se croisent autour des stéréotypes des romans d’amours, cultivant l’idéal sentimental plutôt que romantique que recherche Emma. Ensuite, nous nous pencherons sur la complexité du personnage de Lol V. Stein qui développe un amour masochiste pour Michael Richardon et Jean Bedford, qui se refuse au bonheur et préfère la souffrance jusqu’à autoriser son mari à la tromper pour son bonheur. Enfin, nous verrons que Marguerite Duras, tout comme Flaubert, critique partiellement le mensonge romanesque en le mettant en perspective dans un monde qui veut croire aux contes de fées, ce qui donne un mélange amer de sentiments gâchés et d’espoir qui font mourir de désir.