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Incipit : Thérèse Desqueyroux

Commentaire d'oeuvre : Incipit : Thérèse Desqueyroux. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  20 Avril 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  590 Mots (3 Pages)  •  818 Vues

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L'avocat ouvrit une porte. Thérèse Desqueyroux, dans ce couloir dérobé du palais de justice, sentit sur sa face la brume et, profondément, l'aspira. Elle avait peur d'être attendue, hésitait à sortir. Un homme, dont le col était relevé, se détacha d'un platane, elle reconnut son père.

L'avocat cria __ << Non-lieu >> et, se retournant vers Thérèse : __ << Vous pouvez sortir, il n'y a personne. >>

Elle descendit des marches mouillées. Oui, la petite place semblait déserte. Son père ne l'embrassa pas, ne lui donna pas même un regard ; il interrogeait l'avocat Duros qui répondait à mi-voix, comme s'ils eussent été épiés. Elle entendait confusément leurs propos :

__ << Je recevrai demain l'avis officiel du non-lieu.

__ Il ne peut plus y avoir de surprise ?

__ Non : les carottes sont cuites, comme on dit.

__ Après la déposition de mon gendre, c'était couru.

__ Couru... couru... On ne sait jamais.

__ Du moment que, de son propre aveu il ne comptait jamais les gouttes...

__ Vous savez, Larroque, dans ces sortes d'affaires, le témoignage de la victime... >>

La voix de Thérèse s'éleva : __ Il n'y a pas eu de victime.

__ J'ai voulu dire : victime de son imprudence, madame. >>

Les deux hommes, un instant, observèrent la jeune femme immobile, serrée dans son manteau, et ce blême visage, qui n'exprimait rien. Elle demanda où était la voiture ; son père l'avait fait attendre sur la route de Budos, en dehors de la ville, pour ne pas attirer l'attention. Ils traversèrent la place : des feuilles de platane étaient collées aux bancs trempés de pluie. Heureusement, les jours avaient bien diminué. D'ailleurs, pour rejoindre la route de Budos, on peut suivre les rues les plus désertes de la sous-préfecture. Thérèse marchait entre les deux hommes qu'elle dominait du front et qui de nouveau discutaient comme si elle n'eût pas été présente ; mais, gênés par ce corps de femme qui les séparait, ils le poussaient du coude. Alors elle demeura un peu en arrière, déganta sa main gauche pour arracher de la mousse aux vieilles pierres qu'elle longeait. Parfois un ouvrier à bicyclette la dépassait, ou une carriole ; la boue jaillie l'obligeait à se tapir contre le mur. Mais le crépuscule recouvrait Thérèse, empêchait que les hommes la reconnussent. L'odeur de fournil et de brouillard n'était plus seulement pour elle l'odeur du soir dans une petite ville : elle y retrouvait le parfum de la vie qui lui était rendue enfin ; elle fermait les yeux au souffle de la terre endormie, herbeuse et mouillée ; s'efforçait de ne pas entendre les propos du petit homme aux courtes jambes arquées qui, pas une fois, ne se retourna vers sa fille ; elle aurait pu choir au bord de ce chemin : ni lui, ni Duros ne s'en fussent aperçus. Ils n'avaient plus peur d'élever la voix.

__ << La déposition de M. Desqueyroux était excellente,

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