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Le Parti Pris Des Choses- Francis Ponge - Commentaire Analytique

Mémoires Gratuits : Le Parti Pris Des Choses- Francis Ponge - Commentaire Analytique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Mai 2015  •  3 880 Mots (16 Pages)  •  3 232 Vues

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I Le parti pris des choses Francis Ponge

Version moderne du De Natura Rerum de Lucrèce, Le Parti Pris des Choses se veut à la fois poétique et scientifique. S’inspirant de deux modèles littéraires, la leçon de choses et la fable, Ponge fait naître dans ce recueil une poésie à caractère encyclopédique et didactique avec une finalité évidente : parvenir à une leçon.

On entre dans l’œuvre de Ponge comme on entrerait dans un grenier où s’entassent des souvenirs d’enfance que l’on redécouvre sous des draps poussiéreux, l’essence de ce que l’on avait oublié : un cageot, une huître ou une bougie. Nous expliquant que la chose n’est pas l’objet et que ce qui est en jeu est bien la langue, il nous propose une poésie révolutionnaire – ne serait-ce que dans le choix des objets quelque peu subversif – et semble vouloir rompre avec les codes sociaux, les traditions qui ramènent inlassablement la poésie à une matière noble. Il présente l’Homme comme chosifié par le monde capitaliste et industriel et le lecteur ressent au long de sa lecture une pesanteur politico-sociale, une critique à peine muette de valeurs sans doute perdues.

L’auteur avoue un objectif : faire du Parti Pris des Choses une cosmogonie, construire un discours sur la Nature – divisée en trois règnes : minéral, végétal et animal – dont les choses seraient les réalités. Ainsi, la chose se fait prétexte à un exercice poétique et linguistique. Ponge travaille sur les sens, les mots, le signifiant, la forme des choses. Au détour de la prose, on découvre des vers cachés (L’Orange), des sonorités (assonances et allitérations), il faut prouver à tout prix que les mots ne sont pas uniquement des faiseurs de sens mais qu’ils peuvent être ce que l’on veut qu’ils soient et pour cela Ponge joue avec la langue, la polysémie, les dimensions sémantiques ou encore les phénomènes visuels (Le Gymnaste). L’auteur donne une signification poétique aux mots qui se font sous sa plume à fois métaphore et topique, il refonde les choses afin de se faire producteur de sens.

Mais surtout, au cœur de la poésie de Ponge, au cœur de ces choses, on trouve cette réalité informe de la parole qui doit produire une formule, une préciosité poétique (L’Huître). N’hésitant pas à se comparer à un escargot dans le poème du même titre, l’auteur livre sa propre leçon de choses opposant l’usage quotidien des mots contre une parole régénérée qui serait la parole poétique : chacun s’il le désire peut se faire poète tant qu’il prend selon Ponge, le meilleur parti qui « est donc de considérer toutes choses comme inconnues, et de se promener ou de s’étendre sous bois ou sur l’herbe, et de reprendre tout depuis le début. »

II Le Parti pris des choses

1942

Francis Ponge (1899-1988)

ANALYSE

I. L’homme

I 1. Du jardin à la bibliothèque

Francis Ponge naît à Montpellier, le 27 mars 1899. Sa famille s’installe en Avignon. Le jardin qui entoure la demeure familiale devient pour lui le lieu de tous les bonheurs. Dans ce vert paradis des découvertes enfantines, il apprend à observer et aimer le monde qui l’entoure.

L’apprentissage du latin, la lecture des auteurs antiques (Horace, Lucrèce) et classiques (Malherbe, La Fontaine), la découverte du Littré, le « merveilleux dictionnaire » que renferme la bibliothèque paternelle, renforce ses convictions : le monde des mots est aussi riche, aussi réel, aussi fécond, que le monde des choses.

I 2. De la douleur au monde muet

En mai 1923, Armand Ponge, le père du poète, meurt brutalement. Francis Ponge en est profondément bouleversé.

De ces années de douleur, d’incertitude, naît une idée dont jamais il ne se départira : lorsqu’on est au bord du gouffre et qu’on a le vertige, lorsqu’on peut tout entier basculer dans le vide, il est vain de vouloir philosopher sur « la chute ou le désespoir ». C’est au plus près qu’instinctivement il faut regarder. Regarder attentivement le caillou qui est à ses pieds ; regarder la fleur, le brin d’herbe « pour ne pas voir le reste ».

A la fin des années 20, Ponge se tourne délibérément vers le monde tangible, stable et rassurant des objets. Ce faisant, il tourne le dos aux gouffres intérieurs ; il échappe aux troubles de l’âme, surmonte son désenchantement.

I. 3. Le poète à l’œuvre

A la fin des années 20, Ponge se rapproche du mouvement surréaliste qui occupe encore le devant de la scène littéraire et artistique, et se lie d’amitié avec Eluard. Mais son adhésion au groupe est fugace, superficielle. Alors que les surréalistes proclament la toute-puissance de l’irrationnel, du rêve, de la folie, Francis Ponge, en silence, avec la naïve fierté d’un artisan du langage, entreprend de façonner une œuvre radicalement nouvelle, radicalement autre. Son activité poétique ne tend pas à repousser les limites du possible ou à saisir l’insaisissable. Elle consiste simplement à se tourner vers le monde stable et rassurant des objets pour s’éloigner des gouffres intérieurs. Il y a chez Ponge une méfiance à l’égard de l’irrationnel, du rêve, de la folie, qui le pousse à ne pas « faire étalage des troubles de l’âme ».

En 1931, il épouse Odette Chabanel et doit se résoudre à trouver un emploi. Il entre aux messageries Hachette. Accablé par le travail et les soucis financiers, parce qu’il ne dispose, pour créer, que de vingt petites minutes, le soir, avant d’être envahi par le sommeil, Ponge choisit, à cette époque, de n’écrire que des textes brefs. Avec finesse et naïveté, il tente alors de saisir « presque chaque soir un nouvel objet » et lui consacre un court poème. De cette expérience naîtront des poèmes comme « Le Pain », « L’Huître » ou « Le Cageot »

Pendant la guerre, il s’engage progressivement dans la Résistance, héberge des clandestins, devient « agent de liaison » dans la zone Sud.

II. Une œuvre généreuse et novatrice

II. 1. Les œuvres

Avant 1942, Ponge a beaucoup écrit mais n’a quasiment rien publié. Le Parti pris des choses est donc sa première œuvre majeure

Prendre le parti des choses, c’est s’intéresser pour

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