Étude du roman Histoire Chevalier Des Grieux et Manon Lescaut (1731) de l'abbé Prévost

La rencontre : Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut (1731), l’Abbé Prévost

I. Résumé de l’œuvre et de l’extrait

Ce roman est le septième tome des Mémoires d'un homme de qualité, dont on a pris l'habitude de l'extraire sous le titre de Manon Lescaut. Le chevalier Des Grieux raconte au narrateur, le marquis de Renoncour, la passion amoureuse qu'il a vouée à la jeune Manon durant quatre ans. Manon amène son amant à assumer jusqu'au déshonneur la passion absolue qu'il lui voue : scélératesses, meurtre, complaisances douteuses, rien ne pourra fléchir Des Grieux se sacrifice et justifie ces actes par la passion.

Le marquis de Renoncour et Des Grieux se sont rencontrés à Pacy. Deux ans plus tard, ils se retrouvent à Calais et le chevalier des Grieux lui relate alors ses malheurs.

Dans cet extrait, Des Grieux décrit sa rencontre avec la belle Manon Lescaut. Cette scène a déjà 4 ans c’est donc un récit rétrospectif et Des Grieux en connait l’issus.

II. Histoire du texte

III. Plan analytique

Cette scène est la première rencontre, la première vue, entre des Grieux et Manon Lescaut. Pour autant, Manon a déjà été décrite par le narrateur au tout début du roman. La différence entre ces descriptions réside dans le fait que celle que donnent des Grieux n’est pas seulement une description de la jeune fille, mais également la description d’un « innamoramento » (l’amour naissant) qui permet aussi de décrire aussi le jeune homme.

Ainsi, Des Grieux est un narrateur-personnage qui raconte sa rencontre avec Manon en tant que personnage plus jeune, avec, toutefois le recul puisqu’il a vieilli et qu’il connait la fin de ses aventures. Ainsi tente-t-il, de restituer la naïveté avec laquelle il a rencontré Manon pour la première fois, tout en ayant, en tant que narrateur, une forme d’ironie envers son ancienne version de « moi ».

I- Une scène de coup de foudre

A- Un innamoramento classique

Tous les traits définitoires du coup de foudre son présents :

 Il naît au premier regard et avec violence (« je me trouvai tout d’un coup enflammé jusqu’au transport » emploi du champ lexical du feu, topique dans le vocabulaire de la passion amoureuse, et du passé simple qui indique le changement brusque)

 Le personnage se trouve immédiatement transformé par ce sentiment (insistance sur le changement de son caractère : des Grieux laisse de côté « sagesse » et « retenue », pourtant vantées par « tout le monde », au profit d’un seul personnage et, loin d’être « timide et facile à déconcerter », il s’avance vers elle. La hardiesse que permet l’amour transforme ainsi le naturel discret du personnage.)

 Conséquemment, l’évidence des sentiments s’impose à lui : il parle d’« amour » qui, bien que né depuis seulement quelques secondes, le rend « déjà si éclairé » et parle de ses « sentiments » un peu plus loin, puis de son « amour naissant » et enfin de « l’ascendant de (s)a destinée » : des Grieux est possédé par la jeune femme au point de bouleverser sa vie pour elle.

 Ce bouleversement est d’ailleurs immédiat : il lui propose « (d’employer s)a vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents et pour la rendre heureuse ».

B- Un coup de foudre unilatéral

 Pourtant, même si seul le point de vue de des Grieux nous est donné et que cela pourrait partiellement expliquer qu’aucun signe particulier d’intérêt ne soit décelable chez Manon, cette absence est quand même éloquente : rien ne dit que la jeune fille succombe : elle ne le regarde ainsi pas. En revanche elle « reçut mes politesses sans paraître embarrassée » ce qui signifie qu’elle n’est pas particulièrement troublée par son interlocuteur. Son attitude n’est en fait pas différente de celle qu’elle a adoptée avec le narrateur principal quelques pages avant.

 Il semble plutôt que la jeune fille, loin de tomber amoureuse, voie les possibilités que l’entichement soudain de des Grieux lui offre afin échapper au couvent. Il n’est ainsi pas innocent qu’elle « di(se) après un moment de silence qu’elle ne prévoyait que trop qu’elle allait être malheureuse » : ce moment de silence est peut-être seulement le temps qu’il lui faut pour évaluer l’opportunité de la situation. D’ailleurs, des Grieux lui propose de s’enfuir avec elle sans qu’il considère qu’il y a à « balancer sur (s)a réponse » alors même qu’aucune question n’a été posée par Manon. La jeune fille, expérimentée, sait déclencher les réactions qu’elle souhaite chez son interlocuteur sans que celui-ci ait conscience de la manipulation dont il est le jouet. S’il y a certainement ici stratégie d’attendrissement, il n’y a pas coup de foudre.

Duplicité de la jeune femme, avec d’un côté celle que voit le personnage amoureux et d’un autre, celle que décèle le narrateur informé de la suite des aventures et surtout le lecteur non naïf.

II- Manon, personnage ambigu : ange et démon

A- Manon vue par le personnage : un ange paré de toutes les vertus

Manon apparaît comme un ange :

 Caractère « charmant » du personnage avec la « douceur de ses regards » et un « air charmant de tristesse »

 Jeunesse du personnage sur laquelle il insiste plusieurs fois « fort jeune » « quoiqu’elle fût moins âgée que moi » ; une jeunesse qui explique que son caractère charmant soit allié à un caractère apparemment vertueux : « ingénument » ; elle ne paraît « pas embarrassée », ce qui peut laisser entendre qu’elle ne voit pas l’homme comme un prédateur dans sa grande innocence.

 Image de la jeune fille persécutée par ses parents et qu’il faut délivrer : envoyée au couvent qui la rendra « malheureuse »

 Pour autant elle accepte son sort en bonne chrétienne « c’était apparemment la volonté du Ciel » et avec modération

 Mieux que cela, sa tristesse la rend encore plus charmante.

Héroïne vertueuse et chaste telle que le veut la tradition

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