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Gustave FLAUBERT Bouvard et Pécuchet: Séquence sur l’Éloge et le Blâme: Le portrait satirique

Étude de cas : Gustave FLAUBERT Bouvard et Pécuchet: Séquence sur l’Éloge et le Blâme: Le portrait satirique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Mars 2014  •  Étude de cas  •  2 023 Mots (9 Pages)  •  803 Vues

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Gustave FLAUBERT

Bouvard et Pécuchet

Séquence sur l’Éloge et le Blâme

Le portrait satirique

In Des Textes à l’œuvre. Français. 2de. Hachette 2000. pp. 420-421.

Quelques observations pour une analyse de ce texte en tant qu’il présente un double portrait satirique.

1. Les éléments du portait proprement dit :

- (l. 2-5) Quelques données premières. Coiffures respectives ; gilet et cravate de l’un (Bouvard), redingote de l’autre (Pécuchet).

- Portrait de Bouvard (l. 17-21). Yeux, visage, cheveux (en outre, il a du ventre) ; vêtements (pantalon, souliers, chemise).

N.B. Il est important de faire observer que décrire, c’est choisir : quels sont les éléments du portrait retenus, quels sont ceux que le romancier a écartés (par ex. rien sur le nez de Bouvard, rien sur le type de chapeau) ; toujours s’intéresser d’autre part à l’ordre de la description (que Hamon appelle l’ordonnancement) : le portrait se fait généralement du haut vers le bas.

- Portrait de Pécuchet (l. 23-27). Cheveux. Nez. Jambes. Voix. Pantalons.

Donc, un double portrait quelque peu « éclaté », effectué en deux temps (1-2 et 1-3).

Surtout, l’effet de sens produit dans les deux cas est celui d’une dysharmonie. La façon dont Bouvard est habillé manque d’élégance, d’un minimum d’harmonie, ou simplement d’homogénéité (faux plis du pantalon, ventre rebondi, « souliers de castor », sans doute assez grossiers, chemise débordant de la ceinture ; en outre, sa grande taille jure avec son air « enfantin »). Quant à Pécuchet, il semble avoir une redingote trop grande pour sa taille de « petit homme » (l. 9), en tout son « corps disparaissait » dedans ; et surtout, son physique même est sans aucune grâce : « mèches […] plates et noires » de cheveux sur son « crâne élevé », « nez qui descendait très bas », jambes qui « manquaient de proportion avec la longueur du buste » ; « voix forte, caverneuse », qui jure avec sa petite taille. Il est donc peu ou prou contrefait.

Dans les deux cas, le romancier présente deux personnages, « Deux hommes », très éloignés des canons de la beauté et de l’élégance. Il serait bon de lire le portrait, par exemple, d’Eugène (en grec : le bien né) de Rastignac dans Le Père Goriot, beau jeune homme très bien fait. Comme le faisait très justement remarquer le manuel Littérature. Textes et documents XIXe (Nathan, 1986), dans la page (p. 456) qu’il consacrait à ce fragment (sans retrancher, lui, les premières lignes de cet incipit, qui sont indispensables à l’intelligence du texte), ces deux personnages, ainsi dépeints, sont déjà des « anti-héros », en tant que le portrait qui en est fait ne les « programme » pour aucune quête héroïque (par opposition, encore une fois, à un Rastignac, ou à un Julien Sorel).

2. La parole des personnages

Qui, bien entendu, contribue à les peindre, indirectement.

Si l’amorce de cette parole se fait au style direct (« Comme on serait bien à la campagne ! »), bien vite est elle rapportée au style indirect libre, cher à Flaubert (« Mais la banlieue, selon Bouvard, était assommante, à cause du tapage des guinguettes. » Etc. N.B. En profiter pour faire le point sur les marques syntaxiques des trois types de paroles rapportées, avec exercices de transposition) ; plus rarement au style indirect (« … à parler des femmes, qu’ils déclarèrent frivoles, acariâtres, têtues. »), mais aussi dans les formes du discours narrativisé (« Pécuchet pensait de même. » « … à propos des ouvriers, ils entamèrent une conversation politique. »).

Un tel effacement du discours direct au profit, notamment, du style (ou discours) indirect libre détermine un effet de sens important : les personnages apparaissent au lecteur comme dépourvus de parole propre : c’est l’idéologie, pensée réifiée, qui parle par leur bouche, une sorte de doxa moderne, dont Flaubert entend montrer la prolifération galopante en cette seconde moitié du XIXe siècle, sous le règne de plus en plus marqué de la bourgeoisie capitaliste, qu’il hait (voir déjà Homais, et, d’autre part, les traces que le texte porte du développement industriel : « chantiers » [dans l’incipit amputé], « tas de pierres à bâtir », « cheminée d’une usine », « ouvriers », « bourgeois »). Renvoyer les élèves aux extraits du Dictionnaires des idées reçues (p. 422). En l’occurrence, se disent à travers Bouvard et Pécuchet les idées reçues, nouveaux poncifs, sur l’opposition campagne vs capitales, sur les ouvriers qui, par définition, boivent (classes laborieuses, classes dangereuses …), sur les femmes, tantôt meilleures, tantôt pires que les hommes, dans tous les cas de drôles de corps... Et ces idées empruntées se réfléchissent, pour ainsi dire, dans ce qui est dit des cheveux de Pécuchet : « On aurait dit qu’il portait une perruque » : comme si ce n’étaient pas les siens. Des idées postiche, quoi.

Conclusion : la satire qui se donne à lire dans ces deux portraits est celle d’un certain type d’hommes, tel qu’il est, selon Flaubert (qui voyait juste), appelé à se répandre à grande vitesse, le petit bourgeois pris dans les rets de la société capitaliste en plein essor, ou plutôt mécanisé par elle, incapable désormais de développer une pensée, une culture propres. Pour schématiser beaucoup, on dira que Flaubert dénonce ici les débuts de la culture de masse. Voir d’autres petits bourgeois – mais, eux, peints avec tendresse et humour -, également réduits à des discours stéréotypés, dans Zazie dans le métro, de Queneau (1959).

Gravure de Charles HUARD (p. 421). Elle date de 1875, selon le manuel Nathan, qui la reproduit aussi. Donc vraisemblablement faite à partir de la publication de ce début du roman dans un journal, une revue (?). En effet, la publication, en 1881, de Bouvard et Pécuchet, roman auquel Flaubert travailla de 1874 à sa mort, en 1880, fut posthume.

Inviter les élèves à constater, très simplement pour commencer, que l’illustrateur est loin de respecter les indications contenues dans l’un et l’autre portraits. Par ex. le chapeau de Bouvard n’est pas « relevé

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