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George Sand - Indiana.

Commentaire de texte : George Sand - Indiana.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Décembre 2016  •  Commentaire de texte  •  3 099 Mots (13 Pages)  •  16 162 Vues

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Introduction

(Présentation de l’auteur et de l’œuvre) George Sand (de son vrai nom Aurore Dupin) (1804-1876) est une romancière française. N’ayant pas accès en tant que femme à un quelconque rôle politique, elle fera de toute son œuvre abondante un combat social et politique pour l’égalité des droits des femmes, la défense des ouvriers et des classes les plus pauvres, l’avènement de la République.

En 1832, bravant les codes tacites de l’époque qui interdisaient la carrière littéraire à une femme, elle signe son premier roman Indiana du nom de G. Sand. Elle y prend vigoureusement la défense des femmes opprimées dans le mariage tel qu’il est conçu dans le Code Civil. Elle met en scène une jeune femme, élevée à l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) et mariée avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle, le Colonel Delmare, mari brutal et autoritaire qui ne la comprend absolument pas. L’héroïne se résigne car elle n’a pas le choix, mais garde néanmoins sa dignité. Cependant, elle tombe sous le charme de Raymon, jeune homme séducteur et sans envergure, mais garde cette liaison platonique par respect de son mari.

(Situation du passage) À la suite de revers de fortune, le colonel veut repartir à l’île Bourbon et contraindre sa femme à le suivre comme le Code Civil lui en donne le droit. Devant le refus de celle-ci, il l’enferme dans sa chambre. Cependant, croyant que le jeune homme veut faire sa vie avec elle, l’héroïne met en jeu son avenir et sa réputation et s’enfuit par la fenêtre en pleine nuit pour rejoindre Raymon. Mais celui-ci, lassé de l’amour d’Indiana, la repousse lâchement. Après avoir tenté de se noyer, elle est sauvée et ramenée par Ralph son cousin (qui l’aime en secret et la protège depuis l’enfance) et se trouve dans cette scène confrontée à son mari qui l’a fait chercher toute la matinée...

(Problématique et plan) Comment George Sand fait-elle passer à travers le personnage d’Indiana une remise en question du mariage tel qu’il est conçu à son époque ?

I. Une mise en scène théâtrale

A) Un dialogue serré

Cette scène présente deux personnages en situation de crise, puisqu’Indiana, qui a quitté le domicile conjugal pendant plusieurs heures, peut s’attendre à une réaction violente et même à un châtiment de la part de son mari. L’héroïne a choisi de revenir et d’affronter directement la colère de son époux, d’accepter de continuer la vie commune sans cependant se soumettre. Leur confrontation est bâtie comme un dialogue théâtral très serré où presque toutes les répliques ne sont introduites que par un tiret, sans précision du nom de l’interlocuteur. Les répliques se succèdent de façon rapide, comme dans un duel, avec des questions / réponses, des apostrophes parfois injurieuses de la part du mari (« femmelette », « sotte et impertinente créature », « Orgueil imbécile, morgue de vermisseau »), des interjections et jurons (« mille couleuvres », « mordieu »), ce qui traduit la tension entre les personnages et la colère grandissante du colonel.

B) Des didascalies caractérisant chaque protagoniste

La romancière introduit également des sortes de didascalies* précisant le ton sur lequel sont prononcées les paroles et révélant ainsi l’état d’esprit des protagonistes : « d’un air impérieux et dur », « verdit de colère et de surprise », « d’une voix chevrotante », « en haussant les épaules » pour le colonel ; « d’un ton glacial », « sans changer de visage » pour Indiana. La mise en scène comporte même des gestes de violence de la part du mari (« lui meurtrissant la main entre son index et son pouce », « serrant ses bras contre sa poitrine pour résister à la tentation de la frapper ») qui montrent les enjeux dramatiques de cette scène pour Indiana.

C) Une façon de rendre la scène plus percutante

G. Sand a choisi un dialogue théâtral pour rendre cette scène entre les deux époux particulièrement dramatique et tendue : nous sommes à un moment-clé de l’intrigue, où Indiana joue en quelque sorte sa destinée. Le discours direct lui permet de mieux faire sentir la personnalité de chaque personnage et la violence du débat entre les deux. Il est aussi un moyen pour elle de faire passer plus directement ses idées par l’intermédiaire de son héroïne, tout en jouant sur les émotions du lecteur, à la fois inquiet des risques que prend la jeune femme et impressionné devant son courage et sa maîtrise de soi. La forme théâtrale de cette scène permet aussi de dévaloriser le colonel qui en arrive avec ses jurons et ses insultes à courte vue à ressembler par moments à un personnage de Molière : le vieux barbon qui tempête et fait beaucoup de bruit mais n’a en fait aucune autorité réelle sur sa femme et se voit ridiculisé.

II. L’illustration du mariage traditionnel

A) Un rapport de domination

La relation entre mari et femme est un rapport de domination, exprimé ici en des termes très clairs : « maître » (employé à la fois par le colonel et par Indiana) ou « esclave » et « seigneur » rappelant des systèmes sociaux abolis (l’esclavage et la féodalité), que l’héroïne emploie à dessein pour souligner l’injustice et l’anachronisme qui président au statut des deux membres du couple selon le Code Civil. Indiana use aussi des mots très forts d’ « empire » et de « domination ». Pour le colonel, ce statut est dicté par une sorte de loi de la nature : c’est parce qu’il est homme et qu’il porte la barbe que le mari a tout pouvoir sur sa femme ; mais Indiana lui rétorque qu’il ne s’agit que d’un fait de société : « La loi de ce pays vous a fait mon maître », « la société vous le confirme ».

B) Un mari caricatural persuadé de son pouvoir

Le personnage du colonel apparaît comme une véritable caricature du mari borné et sûr de sa domination ; il n’a évidemment aucun argument pour justifier son pouvoir et ne s’appuie que sur des sortes de clichés confirmant la subordination féminine : G. Sand s’amuse à lui faire dire « qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille ? », alors qu’elle-même justement s’est fréquemment habillée en homme, et que ni elle ni son héroïne n’ont jamais filé la quenouille ! La femme, dans la perspective du colonel, n’est bonne qu’aux tâches domestiques (la quenouille), aux activités frivoles comme la lecture de romans (genre littéraire longtemps méprisé, car réputé réservé à un lectorat féminin), puisqu’elle n’a aucune capacité intellectuelle (« sotte et impertinente créature », « imbécile », « dérangement de votre esprit », « il méprisait ses idées »). La femme est intrinsèquement mineure (cf. l’emploi des diminutifs péjoratifs comme « femmelette » ou « vermisseau »), une simple « créature », « impertinente » comme un enfant, ou même un animal que l’on peut « dompter ». Elle ne peut susciter chez son mari que la pitié condescendante de l’être supérieur envers un inférieur trop faible (« vous abusez de la pitié qu’on a de vous », « J’ai pitié du dérangement de votre esprit »).

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